Les mille et un visages des Puces : Hugues Cornière
Quand la hi-fi vintage raconte l'histoire du rock
Jérôme Becquet
16 mai 2016
Contributeur Houzz
Des enceintes chinées chez Godard, un livre sur les objets cultes du rock, une vieille platine sauvée de la ferraille chez Radio France… sur le stand de Hugues, au marché Dauphine, les histoires sont aussi précises que le matériel qu’il vend. Entre platines des années 1970, collection de pochettes de Warhol qui s’envole aux enchères et chasse au trésor pour Philippe Manœuvre, bienvenue chez un véritable enfant du rock !
Peux-tu nous résumer ton CV ?
J’ai une formation des Beaux-Arts, et pendant 25 ans, j’ai été graphiste à mon compte pour la presse magazine, l’édition. C’était assez plan-plan. Dans la presse, j’ai connu Rustica, Grands Reportages, et dans l’édition, je bossais pour Le Chêne, Hachette, Albin Michel. Vraiment très classique tout ça.
Puis, en parallèle, j’ai ouvert mon stand en 2006 : de la hi-fi vintage donc. Et là, ma vie a basculé littéralement à cause des Puces, ou plutôt grâce à elles. Avec mon stand, c’est comme si d’un coup un expert rock était identifié. Les éditions Hors Collection m’ont approché pour bosser – toujours comme graphiste – sur des problématiques rock. Ils se sont dit que, vu ma « came », j’avais l’air de maîtriser le sujet ! Puis, Philippe Manœuvre, créateur entre autres du magazine Rock & Folk, est devenu un client. À force de venir, il m’a carrément demandé de réfléchir à une rubrique mensuelle pour son magazine, qui en 2009 s’est matérialisée en Les Objets Cultes du Rock, et qui continue ! C’est plutôt cool, à tel point que les éditions Gründ m’ont demandé de les compiler dans un bouquin en 2012. C’est marrant de constater tout ce qui m’est arrivé à travers les Puces.
J’ai une formation des Beaux-Arts, et pendant 25 ans, j’ai été graphiste à mon compte pour la presse magazine, l’édition. C’était assez plan-plan. Dans la presse, j’ai connu Rustica, Grands Reportages, et dans l’édition, je bossais pour Le Chêne, Hachette, Albin Michel. Vraiment très classique tout ça.
Puis, en parallèle, j’ai ouvert mon stand en 2006 : de la hi-fi vintage donc. Et là, ma vie a basculé littéralement à cause des Puces, ou plutôt grâce à elles. Avec mon stand, c’est comme si d’un coup un expert rock était identifié. Les éditions Hors Collection m’ont approché pour bosser – toujours comme graphiste – sur des problématiques rock. Ils se sont dit que, vu ma « came », j’avais l’air de maîtriser le sujet ! Puis, Philippe Manœuvre, créateur entre autres du magazine Rock & Folk, est devenu un client. À force de venir, il m’a carrément demandé de réfléchir à une rubrique mensuelle pour son magazine, qui en 2009 s’est matérialisée en Les Objets Cultes du Rock, et qui continue ! C’est plutôt cool, à tel point que les éditions Gründ m’ont demandé de les compiler dans un bouquin en 2012. C’est marrant de constater tout ce qui m’est arrivé à travers les Puces.
Ça a toujours été le rock…
Il faut savoir que je suis tombé dedans à neuf ans, quand j’ai acheté mon premier 45 tours, Money des Pink Floyd. Puis, frustré par l’affreuse sono de mes parents, j’ai investi mes premiers sous dans une platine Garrard et un ampli Schneider, en 1978. J’avais 14 ans. Et depuis, j’accumule ! Et pas qu’un peu ! Par souci de documentation ? Oui… D’ailleurs on retrouve l’aspect docu dans le bouquin. Je me suis toujours intéressé aux objets. J’ai collectionné les guitares, pas pour les amasser mais pour les connaître, apprendre leur histoire. On ne connaît les choses que quand on les manipule. De l’extérieur, ça peut ressembler à de l’accumulation ou à de l’achat compulsif, voire de la collectionnite au sens pathologique du terme. Et sous forme de boutade, je disais qu’ici je venais me soigner, en vendant tout ce que j’avais amassé. Si je m’en séparais, c’est que j’en avais fait le tour, je connaissais leur histoire et je pouvais les vendre en apportant une expertise et un vrai conseil.
Il faut savoir que je suis tombé dedans à neuf ans, quand j’ai acheté mon premier 45 tours, Money des Pink Floyd. Puis, frustré par l’affreuse sono de mes parents, j’ai investi mes premiers sous dans une platine Garrard et un ampli Schneider, en 1978. J’avais 14 ans. Et depuis, j’accumule ! Et pas qu’un peu ! Par souci de documentation ? Oui… D’ailleurs on retrouve l’aspect docu dans le bouquin. Je me suis toujours intéressé aux objets. J’ai collectionné les guitares, pas pour les amasser mais pour les connaître, apprendre leur histoire. On ne connaît les choses que quand on les manipule. De l’extérieur, ça peut ressembler à de l’accumulation ou à de l’achat compulsif, voire de la collectionnite au sens pathologique du terme. Et sous forme de boutade, je disais qu’ici je venais me soigner, en vendant tout ce que j’avais amassé. Si je m’en séparais, c’est que j’en avais fait le tour, je connaissais leur histoire et je pouvais les vendre en apportant une expertise et un vrai conseil.
Comment en es-tu arrivé à t’installer aux Puces, qui plus est sur le marché Dauphine ?
Je suis devenu audonien – habitant de Saint-Ouen – en 2000. Je venais aux Puces tous les week-ends. Je suis devenu pote avec les marchands, avec l’ancien président des Puces William Delannoy. En 2006, il m’a prévenu que des espaces se libéraient au premier étage de Dauphine. Sous forme de boutade, il m’a dit : « Ce sera l’occase de vider ton garage… » Je suis passé à Dauphine et j’ai trouvé l’endroit vraiment intéressant : un bel outil, une belle endormie. Je suis donc arrivé tout seul là-haut, au stand 270, et j’ai ouvert mon petit bouclard de matos que j’avais dans le garage. J’étais un des premiers à Paris à faire du 100 % hi-fi vintage.
L’accueil des puciers a été sympa ?
C’était très bizarre, car en y venant tous les week-ends, j’étais devenu le pote de tous les marchands, MAIS je n’étais pas marchand. Quand tu franchis la frontière, tu deviens le membre d’une famille. Paul Bert, Serpette, Vernaison… Entre marchés, on se connaît tous, c’est très perméable comme écosystème. Bien sûr, c’est comme dans toutes les familles : certains ne supportent pas leur cousin, s’engueulent au bout de trois mois, puis se rabibochent… ou pas. Et là, c’est la guerre… Une famille, quoi !
Je suis devenu audonien – habitant de Saint-Ouen – en 2000. Je venais aux Puces tous les week-ends. Je suis devenu pote avec les marchands, avec l’ancien président des Puces William Delannoy. En 2006, il m’a prévenu que des espaces se libéraient au premier étage de Dauphine. Sous forme de boutade, il m’a dit : « Ce sera l’occase de vider ton garage… » Je suis passé à Dauphine et j’ai trouvé l’endroit vraiment intéressant : un bel outil, une belle endormie. Je suis donc arrivé tout seul là-haut, au stand 270, et j’ai ouvert mon petit bouclard de matos que j’avais dans le garage. J’étais un des premiers à Paris à faire du 100 % hi-fi vintage.
L’accueil des puciers a été sympa ?
C’était très bizarre, car en y venant tous les week-ends, j’étais devenu le pote de tous les marchands, MAIS je n’étais pas marchand. Quand tu franchis la frontière, tu deviens le membre d’une famille. Paul Bert, Serpette, Vernaison… Entre marchés, on se connaît tous, c’est très perméable comme écosystème. Bien sûr, c’est comme dans toutes les familles : certains ne supportent pas leur cousin, s’engueulent au bout de trois mois, puis se rabibochent… ou pas. Et là, c’est la guerre… Une famille, quoi !
Tu chines ?
Je suis arrivé ici avec un stock assez impressionnant. Je conseille d’ailleurs à n’importe quel aventurier qui veut s’installer de ne pas venir les mains vides, en aspirant à mettre trois trucs et à racheter autre chose une fois toute la marchandise vendue. On est vite surpris par le flux, la difficulté de trouver des pièces. Moi, j’ai acheté vers fin 90, début 2000. Une période porteuse, notamment grâce aux brocantes en ligne. D’un coup, c’était devenu mondial, instantané et à domicile. Aux États-Unis, en Allemagne… Je tapais des références et je voyais où ça sortait. J’achetais n’importe où. À l’époque, ce n’était pas cher et la livraison encore moins.
Bien sûr, il fallait être sûr que le vendeur à l’autre bout du monde sache emballer une platine, car j’ai reçu du matériel… complètement explosé ! Mais bon, ça faisait partie du jeu. Sinon, il m’est arrivé de prendre la bagnole à 4 heures du matin et de me faire un vrai tour de France dans la journée. Des enceintes Elipson – les boules –, à Charleville-Mézières, 70 centimètres de diamètre, énormes, intransportables, en plâtre, donc hyper fragile ; puis escale à Orléans ; puis en Bretagne, pour un ampli… J’avais fait mon petit plan de route, j’avais appelé tout le monde et j’ai terminé le soir à je ne sais pas quelle heure dans le Limousin…
Je suis arrivé ici avec un stock assez impressionnant. Je conseille d’ailleurs à n’importe quel aventurier qui veut s’installer de ne pas venir les mains vides, en aspirant à mettre trois trucs et à racheter autre chose une fois toute la marchandise vendue. On est vite surpris par le flux, la difficulté de trouver des pièces. Moi, j’ai acheté vers fin 90, début 2000. Une période porteuse, notamment grâce aux brocantes en ligne. D’un coup, c’était devenu mondial, instantané et à domicile. Aux États-Unis, en Allemagne… Je tapais des références et je voyais où ça sortait. J’achetais n’importe où. À l’époque, ce n’était pas cher et la livraison encore moins.
Bien sûr, il fallait être sûr que le vendeur à l’autre bout du monde sache emballer une platine, car j’ai reçu du matériel… complètement explosé ! Mais bon, ça faisait partie du jeu. Sinon, il m’est arrivé de prendre la bagnole à 4 heures du matin et de me faire un vrai tour de France dans la journée. Des enceintes Elipson – les boules –, à Charleville-Mézières, 70 centimètres de diamètre, énormes, intransportables, en plâtre, donc hyper fragile ; puis escale à Orléans ; puis en Bretagne, pour un ampli… J’avais fait mon petit plan de route, j’avais appelé tout le monde et j’ai terminé le soir à je ne sais pas quelle heure dans le Limousin…
Quelle a été ta plus grosse vente ?
Ça a surtout été une rencontre, en 2007. Le type s’appelait John Varvatos, un designer qui faisait des fringues à New York, que je ne connaissais pas vraiment. Il m’avait pris une paire d’enceintes. Le temps passe, et un an après, alors que je suis devant la boutique, j’aperçois tout au fond un homme en train de bidouiller des fils… J’arrive comme une bombe : « Vous voulez que je vous aide ? » Il se retourne, m’explique qu’il ne parle pas français et demande si je le reconnais. Je le remets assez vite, gêné de m’être un peu emporté… Bref, la pression redescend et il demande à écouter plusieurs enceintes. « Celles-là, on peut écouter ? Celles-là aussi ? » Je me dis que je vais avoir droit au coup du type qui veut tout écouter pour ensuite réfléchir ou me demander si on est ouvert lundi, le truc habituel. Mais après six paires, il me dit : « Je vais prendre celles-là, celles-là… » Il a tout pris ! Là, il me parle de ses magasins à New York. Un homme simple. Et quinze jours après, alors que je regardais Arte Rock & the City, de Manœuvre, je vois mon client, en intro, en train de se faire interviewer ! Il n’était rien moins que le nouveau propriétaire du club légendaire CBGB – salle de concert qui a révélé Blondie et Patti Smith ! Il l’avait transformé en concept store, tout en maintenant les concerts. Depuis, on est devenus potes. Il a même signé l’avant-propos de mon bouquin. Il y a trois ans, il m’a appelé pour concevoir toute la hi-fi de son magasin londonien. C’est devenu une histoire incroyable.
Ça a surtout été une rencontre, en 2007. Le type s’appelait John Varvatos, un designer qui faisait des fringues à New York, que je ne connaissais pas vraiment. Il m’avait pris une paire d’enceintes. Le temps passe, et un an après, alors que je suis devant la boutique, j’aperçois tout au fond un homme en train de bidouiller des fils… J’arrive comme une bombe : « Vous voulez que je vous aide ? » Il se retourne, m’explique qu’il ne parle pas français et demande si je le reconnais. Je le remets assez vite, gêné de m’être un peu emporté… Bref, la pression redescend et il demande à écouter plusieurs enceintes. « Celles-là, on peut écouter ? Celles-là aussi ? » Je me dis que je vais avoir droit au coup du type qui veut tout écouter pour ensuite réfléchir ou me demander si on est ouvert lundi, le truc habituel. Mais après six paires, il me dit : « Je vais prendre celles-là, celles-là… » Il a tout pris ! Là, il me parle de ses magasins à New York. Un homme simple. Et quinze jours après, alors que je regardais Arte Rock & the City, de Manœuvre, je vois mon client, en intro, en train de se faire interviewer ! Il n’était rien moins que le nouveau propriétaire du club légendaire CBGB – salle de concert qui a révélé Blondie et Patti Smith ! Il l’avait transformé en concept store, tout en maintenant les concerts. Depuis, on est devenus potes. Il a même signé l’avant-propos de mon bouquin. Il y a trois ans, il m’a appelé pour concevoir toute la hi-fi de son magasin londonien. C’est devenu une histoire incroyable.
Ça t’est arrivé d’avoir une commande difficile à honorer, une chasse au trésor ?
Un jour, Philippe Manœuvre se rend chez Lionel, l’ex-patron du Baron [célèbre cabaret parisien, NDLR]. Chez lui, il tombe en extase devant le son d’une paire d’Acoustic Research, modèle LST, de grandes enceintes des années 70 en triptyque, assez rares en France. « Il me les faut ! », m’annonce-t-il en venant me voir. Je lance toutes les recherches… Et rien ! Si ce n’est une paire dans le fin fond de l’Oklahoma, qui coûtait je ne sais combien de centaines de dollars de livraison… Laissons tomber, me suis-je dit. Puis je finis par en trouver, à Londres ! Je m’apprête à y aller quand un homme arrive et me demande : « Ça vous intéresse une paire d’Acoustic Research ? » Carrément ! Et voilà comment 18 mois après avoir lancé mes recherches, je me retrouve à Clichy, à 200 mètres de Rock & Folk – où travaille Philippe Manœuvre – en train d’halluciner… Manœuvre les a encore.
Un jour, Philippe Manœuvre se rend chez Lionel, l’ex-patron du Baron [célèbre cabaret parisien, NDLR]. Chez lui, il tombe en extase devant le son d’une paire d’Acoustic Research, modèle LST, de grandes enceintes des années 70 en triptyque, assez rares en France. « Il me les faut ! », m’annonce-t-il en venant me voir. Je lance toutes les recherches… Et rien ! Si ce n’est une paire dans le fin fond de l’Oklahoma, qui coûtait je ne sais combien de centaines de dollars de livraison… Laissons tomber, me suis-je dit. Puis je finis par en trouver, à Londres ! Je m’apprête à y aller quand un homme arrive et me demande : « Ça vous intéresse une paire d’Acoustic Research ? » Carrément ! Et voilà comment 18 mois après avoir lancé mes recherches, je me retrouve à Clichy, à 200 mètres de Rock & Folk – où travaille Philippe Manœuvre – en train d’halluciner… Manœuvre les a encore.
Tu me présentes ça ?
C’est un Stereo Commander SC-105, de Willy Rizzo, un vrai avion de chasse. Rizzo était un designer italien qui a commencé dans la photo. Il travaillait comme photographe pour Filipacchi dans les années 60. Puis, dans les années 70, il a monté une boîte de design plutôt active. Il a tout fait : chaises, tables, fauteuils, salon, etc. Il s’est intéressé au son et ça a donné ça. Interrupteur au pied pour l’allumer, tableau avec antenne qui se lève – on se croirait dans Star Trek – préampli façon table de mixage avec les correcteurs, volume… Cette machine concentre tous les moyens de reproduction sonore qui existaient en 75 : radio, K7, cartouches huit pistes et platine vinyle. Un petit objet sympa qui rappelle 2001 : L’Odyssée de l’espace. D’ailleurs, il revient tout juste de chez Dalida, pour le tournage d’un biopic – de Lisa Azuelos, sortie 2017. Pour son appartement, ils cherchaient quelque chose de monumental, c’était parfait. Pour le même film, j’ai reconstitué le décor du bureau de Barclay en 66. Je devais fournir du matériel, les bons disques de la bonne époque… des vinyles au mètre, et sans se tromper ! Ne pas arriver avec les mauvais dos de pochettes, pas de rose ou bleu car ça n’existait pas dans les années 60. J’aime ce côté historien ! J’ai la chance de connaître des spécialistes de la hi-fi de cette époque encore en vie. J’aimerais d’ailleurs les enregistrer, avec mon vieux Nagra III de 1957, pour capter le son avec le grain de l’époque.
C’est un Stereo Commander SC-105, de Willy Rizzo, un vrai avion de chasse. Rizzo était un designer italien qui a commencé dans la photo. Il travaillait comme photographe pour Filipacchi dans les années 60. Puis, dans les années 70, il a monté une boîte de design plutôt active. Il a tout fait : chaises, tables, fauteuils, salon, etc. Il s’est intéressé au son et ça a donné ça. Interrupteur au pied pour l’allumer, tableau avec antenne qui se lève – on se croirait dans Star Trek – préampli façon table de mixage avec les correcteurs, volume… Cette machine concentre tous les moyens de reproduction sonore qui existaient en 75 : radio, K7, cartouches huit pistes et platine vinyle. Un petit objet sympa qui rappelle 2001 : L’Odyssée de l’espace. D’ailleurs, il revient tout juste de chez Dalida, pour le tournage d’un biopic – de Lisa Azuelos, sortie 2017. Pour son appartement, ils cherchaient quelque chose de monumental, c’était parfait. Pour le même film, j’ai reconstitué le décor du bureau de Barclay en 66. Je devais fournir du matériel, les bons disques de la bonne époque… des vinyles au mètre, et sans se tromper ! Ne pas arriver avec les mauvais dos de pochettes, pas de rose ou bleu car ça n’existait pas dans les années 60. J’aime ce côté historien ! J’ai la chance de connaître des spécialistes de la hi-fi de cette époque encore en vie. J’aimerais d’ailleurs les enregistrer, avec mon vieux Nagra III de 1957, pour capter le son avec le grain de l’époque.
Ta pièce phare dans le stand ?
Cette platine Bourdereau, créée exclusivement pour la Maison de la Radio, en 1962, juste avant l’ouverture. J’en ai cherché une pendant une éternité. Le cahier des charges était le suivant : fabriquer des armoires sur roulettes pour y loger, en bas, toute l’alimentation électrique, et en haut, des espèces de mastodontes de lecteurs, soit vinyles soit magnétophones. Ce sont des machines surdimensionnées au niveau des composants. Aucune panne n’était tolérée, avec une utilisation 7j/7 24h/24. Cinquante ans après, on allume et ça tourne comme au premier jour. Celui qui veut me l’acheter doit être prêt à débourser au moins 10 000 euros ! Mais de toute façon, je ne la vends pas, car je la loue pour des tournages. On peut déjà la voir dans Cloclo – avec Jérémie Renier –, Gainsbourg, Vie héroïque de Joann Sfar, une émission sur Daniel Filipacchi… Il faut savoir qu’un engin dans cet état-là, il doit en rester seulement une dizaine ! Tout est parti à la ferraille quand Radio France a refait ses locaux.
Cette platine Bourdereau, créée exclusivement pour la Maison de la Radio, en 1962, juste avant l’ouverture. J’en ai cherché une pendant une éternité. Le cahier des charges était le suivant : fabriquer des armoires sur roulettes pour y loger, en bas, toute l’alimentation électrique, et en haut, des espèces de mastodontes de lecteurs, soit vinyles soit magnétophones. Ce sont des machines surdimensionnées au niveau des composants. Aucune panne n’était tolérée, avec une utilisation 7j/7 24h/24. Cinquante ans après, on allume et ça tourne comme au premier jour. Celui qui veut me l’acheter doit être prêt à débourser au moins 10 000 euros ! Mais de toute façon, je ne la vends pas, car je la loue pour des tournages. On peut déjà la voir dans Cloclo – avec Jérémie Renier –, Gainsbourg, Vie héroïque de Joann Sfar, une émission sur Daniel Filipacchi… Il faut savoir qu’un engin dans cet état-là, il doit en rester seulement une dizaine ! Tout est parti à la ferraille quand Radio France a refait ses locaux.
Donne-moi deux disques qui sonnent à merveille sur le matériel que tu vends…
Il y a un CD et un vinyle. Le CD, c’est Musica Nuda, leur premier album, avec Petra Magoni au chant. C’est une contrebasse et une voix haut perchée. C’est parfait pour les écoutes, car on entend le bas du spectre avec l’instrument et le très haut avec la voix. Pour se rendre compte de la qualité du son, c’est imparable ! Pour le vinyle, je joue du jazz. Un copain à moi, Frédéric Thomas, a fondé un label qui s’appelle Sam Records, sur lequel il regroupe des reprises de raretés éditées par d’anciens labels. De plus, chaque titre a pour point commun d’avoir été enregistré ici à Paris par des jazzmen américains de passage ici. Tous ces disques sont super rares en version originale et coûtent plusieurs milliers d’euros ! Le comble, c’est qu’après écoute, cette édition Sam Records sonne mieux que les originaux ! Et ici, c’est un excellent test pour ressentir toutes les nuances d’une platine, quand on change de bras, de cellule, etc.
Il y a un CD et un vinyle. Le CD, c’est Musica Nuda, leur premier album, avec Petra Magoni au chant. C’est une contrebasse et une voix haut perchée. C’est parfait pour les écoutes, car on entend le bas du spectre avec l’instrument et le très haut avec la voix. Pour se rendre compte de la qualité du son, c’est imparable ! Pour le vinyle, je joue du jazz. Un copain à moi, Frédéric Thomas, a fondé un label qui s’appelle Sam Records, sur lequel il regroupe des reprises de raretés éditées par d’anciens labels. De plus, chaque titre a pour point commun d’avoir été enregistré ici à Paris par des jazzmen américains de passage ici. Tous ces disques sont super rares en version originale et coûtent plusieurs milliers d’euros ! Le comble, c’est qu’après écoute, cette édition Sam Records sonne mieux que les originaux ! Et ici, c’est un excellent test pour ressentir toutes les nuances d’une platine, quand on change de bras, de cellule, etc.
Tu parlais de ton livre, qui compile les objets cultes du rock. Tu en as ici, des objets cultes ?
Déjà, il y a mes Doc Martens, que je porte en ce moment ! Sinon, tu as l’ampli guitare Music Man, carrément culte. C’est l’ampli préféré de Johnny Winter, Eric Clapton, Mark Knopfler, Joe Strummer… La liste est longue. Peu de gens font la relation, mais Music Man est la dernière gamme d’amplis que Leo Fender a construite. Ça ne s’appelait pas Fender, car il avait vendu sa marque, mais c’est la dernière évolution du fameux Twin Reverb Fender : 130 watts, ça envoie ! Demande à mes voisins d’en face… Une fois, on l’a mis juste au niveau 10, pour rigoler : ça a fait un boucan monstrueux ! Rien qu’à 4, juste avec une guitare, ça faisait un larsen. Alors à 10, rien qu’en effleurant la corde, je te raconte pas la déflagration !
Déjà, il y a mes Doc Martens, que je porte en ce moment ! Sinon, tu as l’ampli guitare Music Man, carrément culte. C’est l’ampli préféré de Johnny Winter, Eric Clapton, Mark Knopfler, Joe Strummer… La liste est longue. Peu de gens font la relation, mais Music Man est la dernière gamme d’amplis que Leo Fender a construite. Ça ne s’appelait pas Fender, car il avait vendu sa marque, mais c’est la dernière évolution du fameux Twin Reverb Fender : 130 watts, ça envoie ! Demande à mes voisins d’en face… Une fois, on l’a mis juste au niveau 10, pour rigoler : ça a fait un boucan monstrueux ! Rien qu’à 4, juste avec une guitare, ça faisait un larsen. Alors à 10, rien qu’en effleurant la corde, je te raconte pas la déflagration !
Ta boutique doit attirer pas mal de curieux… Tu as quelques noms qu’on serait susceptibles de connaître ?
Chez moi, à part Manœuvre, tu peux croiser le musicien des Daft Punk, Guy-Manuel de Homem-Christo, qui s’est déjà arrêté devant des platines. Il y a Jean-Benoît Dunckel, d’Air, qui était tombé raide dingue d’un magnéto qu’il a attendu pendant des mois et qui a été vendu à quelqu’un d’autre… Kyle Eastwood, le fils de Clint, venait souvent ici aussi. Un très bon bassiste qui s’est occupé de pas mal de BO de films de son père. Il avait une copine à Paris. Je ne sais pas s’il l’a toujours, car je le vois beaucoup moins. Je l’avais rencontré au New Morning, un soir de concert. Entre deux sets, il était venu boire un coup au bar et on a discuté. Je lui ai dit que j’étais aux Puces et il s’est pointé le week-end d’après. On a rediscuté.
Autre anecdote : Rod Steward se baladait dans les allées, quand il a entendu le disque de blues de Junior Wells. Il s’est arrêté, a tendu l’oreille et demandé à son accompagnateur : « Attends, qui c’est qui chante ça, déjà ? » Et moi de lui répondre : « C’est lui, de Chicago ! » Il me remercie et continue son chemin. C’est assez courant, mais extraordinaire quand on y pense. Il y a aussi des musiciens qui branchent une basse ou une gratte et qui tapent le bœuf dans le stand, devant une foule qui se réunit et écoute…
Chez moi, à part Manœuvre, tu peux croiser le musicien des Daft Punk, Guy-Manuel de Homem-Christo, qui s’est déjà arrêté devant des platines. Il y a Jean-Benoît Dunckel, d’Air, qui était tombé raide dingue d’un magnéto qu’il a attendu pendant des mois et qui a été vendu à quelqu’un d’autre… Kyle Eastwood, le fils de Clint, venait souvent ici aussi. Un très bon bassiste qui s’est occupé de pas mal de BO de films de son père. Il avait une copine à Paris. Je ne sais pas s’il l’a toujours, car je le vois beaucoup moins. Je l’avais rencontré au New Morning, un soir de concert. Entre deux sets, il était venu boire un coup au bar et on a discuté. Je lui ai dit que j’étais aux Puces et il s’est pointé le week-end d’après. On a rediscuté.
Autre anecdote : Rod Steward se baladait dans les allées, quand il a entendu le disque de blues de Junior Wells. Il s’est arrêté, a tendu l’oreille et demandé à son accompagnateur : « Attends, qui c’est qui chante ça, déjà ? » Et moi de lui répondre : « C’est lui, de Chicago ! » Il me remercie et continue son chemin. C’est assez courant, mais extraordinaire quand on y pense. Il y a aussi des musiciens qui branchent une basse ou une gratte et qui tapent le bœuf dans le stand, devant une foule qui se réunit et écoute…
Tu es carrément à l’origine de la première vente aux enchères rock de France, chez Artcurial ! Comment as-tu organisé ça ?
Au marché Dauphine, il y a un expert en horlogerie qui a déjà participé à plusieurs ventes. Je me suis adressé à lui pour savoir s’il n’avait pas dans son carnet d’adresses quelqu’un susceptible d’être intéressé par une vente aux enchères dans mon domaine. « Tu devrais appeler François Tajan, chez Artcurial. Il a été batteur dans sa jeunesse, ça pourrait le botter », me répond-il. Il me passe son numéro de portable, je prends rendez-vous et me voilà ! J’y suis allé au flan, avec quelques photos de lots qui pourraient y figurer. J’ai tapé à toutes les portes, et voilà. Il a tout de suite accroché. La cerise sur le gâteau, c’est que la Cefa – Compagnie d’experts français en antiquités – venait juste de me nommer expert. En tout, on a eu 350 lots. Je me suis laissé guider par François Tajan, même si parfois, tout n’était pas vraiment rock… Par exemple, si c’était à refaire, je ne mettrais pas certaines voitures… Une voiture rock, c’est la T-Bird de Ringo Starr, de la caisse avec du pedigree ! Sinon, il y a la Mustang, pour sa puissance, et même l’Austin Mini, car tous les Beatles en avaient une ! Si les enchères se sont envolées ? Eh bien, il y a eu en effet quelques sommes sympas. Il y avait la série quasi complète (il manquait deux disques) de toutes les pochettes d’Andy Warhol, qui s’est vendue à 35 000 euros, des flippers vendus entre 6 000 et 9 000 euros, des juke-box partis à 25 000 euros… Bien sûr, comme c’était une première, ça a été un peu compliqué à mettre en place, mais c’était super. Et je remets ça, en tant qu’expert, pour le 50ᵉ Montreux Jazz Festival !
Au marché Dauphine, il y a un expert en horlogerie qui a déjà participé à plusieurs ventes. Je me suis adressé à lui pour savoir s’il n’avait pas dans son carnet d’adresses quelqu’un susceptible d’être intéressé par une vente aux enchères dans mon domaine. « Tu devrais appeler François Tajan, chez Artcurial. Il a été batteur dans sa jeunesse, ça pourrait le botter », me répond-il. Il me passe son numéro de portable, je prends rendez-vous et me voilà ! J’y suis allé au flan, avec quelques photos de lots qui pourraient y figurer. J’ai tapé à toutes les portes, et voilà. Il a tout de suite accroché. La cerise sur le gâteau, c’est que la Cefa – Compagnie d’experts français en antiquités – venait juste de me nommer expert. En tout, on a eu 350 lots. Je me suis laissé guider par François Tajan, même si parfois, tout n’était pas vraiment rock… Par exemple, si c’était à refaire, je ne mettrais pas certaines voitures… Une voiture rock, c’est la T-Bird de Ringo Starr, de la caisse avec du pedigree ! Sinon, il y a la Mustang, pour sa puissance, et même l’Austin Mini, car tous les Beatles en avaient une ! Si les enchères se sont envolées ? Eh bien, il y a eu en effet quelques sommes sympas. Il y avait la série quasi complète (il manquait deux disques) de toutes les pochettes d’Andy Warhol, qui s’est vendue à 35 000 euros, des flippers vendus entre 6 000 et 9 000 euros, des juke-box partis à 25 000 euros… Bien sûr, comme c’était une première, ça a été un peu compliqué à mettre en place, mais c’était super. Et je remets ça, en tant qu’expert, pour le 50ᵉ Montreux Jazz Festival !
J’ai cru comprendre que tu avais plein d’histoires liées à des tournages…
Oui, pour le ciné en termes de décor son, je suis un peu devenu le spécialiste ! « Alors là, on a besoin de refaire le studio de XXX en 62, qu’est-ce que tu pourrais nous trouver comme matériel ? » est une phrase que j’entends souvent… Le danger ? Ne pas tomber dans l’anachronisme. J’ai longtemps travaillé avec Philippe Réverdot, régisseur extérieur, qui a pris sa retraite. Pour Gainsbourg, par exemple, j’avais obtenu des photos de lui rue de Verneuil. On voit le matos à ses pieds, il suffit de retrouver les références. Mais parfois, ce sont des créations totales ! Cloclo en audition en 62, qu’est-ce qu’il pourrait avoir ? C’est subtil, car il ne faut pas non plus des appareils too much, que les artistes ne soient pas toujours à la pointe du progrès ! En 1962, on ne mettra pas du matériel de l’année mais plutôt de 60 ou 58. Sinon, j’ai aussi chiné des enceintes ayant appartenu à Jean-Luc Godard, en Suisse. Encore une tournée en mode tour de France en une journée !
ET VOUS ?
Êtes-vous déjà allé aux Puces ? Partagez votre expérience dans la partie commentaires ci-dessous !
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Bienvenue aux Puces !
Les mille et un visages des Puces : Jean-Baptiste Bouvier
Les mille et un visages des Puces : Sofiane Boukhari
Oui, pour le ciné en termes de décor son, je suis un peu devenu le spécialiste ! « Alors là, on a besoin de refaire le studio de XXX en 62, qu’est-ce que tu pourrais nous trouver comme matériel ? » est une phrase que j’entends souvent… Le danger ? Ne pas tomber dans l’anachronisme. J’ai longtemps travaillé avec Philippe Réverdot, régisseur extérieur, qui a pris sa retraite. Pour Gainsbourg, par exemple, j’avais obtenu des photos de lui rue de Verneuil. On voit le matos à ses pieds, il suffit de retrouver les références. Mais parfois, ce sont des créations totales ! Cloclo en audition en 62, qu’est-ce qu’il pourrait avoir ? C’est subtil, car il ne faut pas non plus des appareils too much, que les artistes ne soient pas toujours à la pointe du progrès ! En 1962, on ne mettra pas du matériel de l’année mais plutôt de 60 ou 58. Sinon, j’ai aussi chiné des enceintes ayant appartenu à Jean-Luc Godard, en Suisse. Encore une tournée en mode tour de France en une journée !
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