Exclusif : Le dossier Houzz de matali crasset
Découvrez sa sélection de photos et la façon dont elle exprime l’expérimentation et les nouvelles façons d’investir nos espaces
« Ma sélection de photos est à la fois formelle et informelle. Je trouve essentiel d’envisager aujourd’hui nos intérieurs en ne se focalisant pas exclusivement sur les activités primaires du quotidien, comme manger, dormir, se laver… Il me semble important d’oser le superflu, de créer des interstices où se glisser et de se ménager des espaces, pour expérimenter de nouveaux prototypes et de nouvelles logiques de fonctionnement. Il faut renouer avec le plaisir et l’idée qu’une ou plusieurs vies doivent pouvoir s’épanouir dans le lieu investi. »
La nature et l’humain
Ma prise de position a toujours été de ne pas chercher à retrouver une nature vierge. Ce qui m’intéresse, c’est plutôt d’arriver à une forme de symbiose, entre le naturel et l’artificiel. Il me semble essentiel, dans un premier temps, d’analyser les paramètres qui nous font aimer le végétal. Après quoi, il s’agit de réfléchir à l’usage que l’on souhaite en faire, pour l’intégrer à notre environnement quotidien. Il faut respecter la nature et la traiter de façon à satisfaire notre volonté d’innover.
Un enfant a une relation très simple à la nature. Les éléments qu’il y trouve sont autant d’outils pour inventer son environnement et se raconter des histoires. Peut-être faut-il donc commencer par revenir à l’essentiel, avant de transposer la nature dans une démarche plus vivante, humanisée. La question restant de savoir comment incorporer des ingrédients naturels et évolutifs, dans des projets contemporains.
Ma prise de position a toujours été de ne pas chercher à retrouver une nature vierge. Ce qui m’intéresse, c’est plutôt d’arriver à une forme de symbiose, entre le naturel et l’artificiel. Il me semble essentiel, dans un premier temps, d’analyser les paramètres qui nous font aimer le végétal. Après quoi, il s’agit de réfléchir à l’usage que l’on souhaite en faire, pour l’intégrer à notre environnement quotidien. Il faut respecter la nature et la traiter de façon à satisfaire notre volonté d’innover.
Un enfant a une relation très simple à la nature. Les éléments qu’il y trouve sont autant d’outils pour inventer son environnement et se raconter des histoires. Peut-être faut-il donc commencer par revenir à l’essentiel, avant de transposer la nature dans une démarche plus vivante, humanisée. La question restant de savoir comment incorporer des ingrédients naturels et évolutifs, dans des projets contemporains.
Expérimenter… À l’autre bout du monde
Ici, c’est la présence de l’eau qui a retenu mon attention. J’aime travailler dans des lieux différents et inattendus, qui poussent à trouver la bonne idée. La logique qui va permettre d’inscrire avec justesse une construction contemporaine dans un cadre où l’on ne l’attendait pas forcément. Un espace qui m’évoque une impression de bout du monde. Dans ce type d’environnement, il faut savoir s’adapter à de nouvelles contraintes, en exploitant par exemple les matériaux locales, de la manière la plus responsable qui soit. J’en ai fait l’expérience lorsque j’ai pensé l’hôtel Dar Hi à Nefta, situé aux portes du désert en Tunisie, pour l’aménagement duquel j’ai notamment exploité du palmier - et dans son entier -, puisque c’est ce qu’on trouvait aux environs.
En architecture et dans bien d’autres domaines, on parle souvent du statut pérenne ou non pérenne d’une oeuvre. Dans un espace tel que celui-ci, j’aime penser que c’est la nature qui va en décider.
Je souhaiterais qu’aujourd’hui, on expérimente davantage. Que l’on se ménage des espaces à part, de liberté, où oser et bâtir des prototypes durables. Une expérience que j’ai pu vivre dans la Meuse, en imaginant Les Maisons Sylvestres sur le sentier du Vent des Forêts. Je regrette en effet que l’on ait trop tendance, à revenir à des codes vintage, sans doute parce que cela rassure. Regarder vers l’avenir et tenter d’innover, passe certainement par des construction expérimentales intermédiaires, que je situerais quelque part entre le pérenne et l’éphémère.
Ici, c’est la présence de l’eau qui a retenu mon attention. J’aime travailler dans des lieux différents et inattendus, qui poussent à trouver la bonne idée. La logique qui va permettre d’inscrire avec justesse une construction contemporaine dans un cadre où l’on ne l’attendait pas forcément. Un espace qui m’évoque une impression de bout du monde. Dans ce type d’environnement, il faut savoir s’adapter à de nouvelles contraintes, en exploitant par exemple les matériaux locales, de la manière la plus responsable qui soit. J’en ai fait l’expérience lorsque j’ai pensé l’hôtel Dar Hi à Nefta, situé aux portes du désert en Tunisie, pour l’aménagement duquel j’ai notamment exploité du palmier - et dans son entier -, puisque c’est ce qu’on trouvait aux environs.
En architecture et dans bien d’autres domaines, on parle souvent du statut pérenne ou non pérenne d’une oeuvre. Dans un espace tel que celui-ci, j’aime penser que c’est la nature qui va en décider.
Je souhaiterais qu’aujourd’hui, on expérimente davantage. Que l’on se ménage des espaces à part, de liberté, où oser et bâtir des prototypes durables. Une expérience que j’ai pu vivre dans la Meuse, en imaginant Les Maisons Sylvestres sur le sentier du Vent des Forêts. Je regrette en effet que l’on ait trop tendance, à revenir à des codes vintage, sans doute parce que cela rassure. Regarder vers l’avenir et tenter d’innover, passe certainement par des construction expérimentales intermédiaires, que je situerais quelque part entre le pérenne et l’éphémère.
Réinvestir l’existant
Se dire qu’aujourd’hui on doit passer à d’autres mécanismes ne signifie pas qu’il faille forcément aller vers du tout nouveau. Au contraire, je pense que l’on peut innover intelligemment en réinvestissant des enveloppes, trames et espaces hérités. Les siècles passés ont vu s’ériger des constructions monumentales et il me semble que désormais, c’est un retour à l’essentiel et à une échelle plus humaine qui s’impose. Aussi, lorsque l’on revisite un lieu ancien, comme une usine désaffectée par exemple, il faut s’atteler à y ramener de l’humain. Et s’amuser à pervertir l’espace investi, en jouant sur le décalage, entre une structure ancienne voire archétypale et une intervention contemporaine.
Ici, l’écart est creusé entre l’ouverture très actuelle de la façade et la forme résolument traditionnelle de la maison. Ou plutôt de son contour, enveloppant et protecteur.
Se dire qu’aujourd’hui on doit passer à d’autres mécanismes ne signifie pas qu’il faille forcément aller vers du tout nouveau. Au contraire, je pense que l’on peut innover intelligemment en réinvestissant des enveloppes, trames et espaces hérités. Les siècles passés ont vu s’ériger des constructions monumentales et il me semble que désormais, c’est un retour à l’essentiel et à une échelle plus humaine qui s’impose. Aussi, lorsque l’on revisite un lieu ancien, comme une usine désaffectée par exemple, il faut s’atteler à y ramener de l’humain. Et s’amuser à pervertir l’espace investi, en jouant sur le décalage, entre une structure ancienne voire archétypale et une intervention contemporaine.
Ici, l’écart est creusé entre l’ouverture très actuelle de la façade et la forme résolument traditionnelle de la maison. Ou plutôt de son contour, enveloppant et protecteur.
Aux confins du réel
Je me suis arrêtée sur cette façade, parce qu’elle dégage quelque chose de quasiment irréel. J’ai le sentiment d’être devant un lieu dont l’esthétique est du ressort de la construction mentale. Or, nous avons un réel besoin de voir éclore des constructions d’un autre genre, en rupture avec notre réalité quotidienne. Cela permet de réinventer le monde et c’est sans doute ce que l’art peut faire de mieux.
Je me suis arrêtée sur cette façade, parce qu’elle dégage quelque chose de quasiment irréel. J’ai le sentiment d’être devant un lieu dont l’esthétique est du ressort de la construction mentale. Or, nous avons un réel besoin de voir éclore des constructions d’un autre genre, en rupture avec notre réalité quotidienne. Cela permet de réinventer le monde et c’est sans doute ce que l’art peut faire de mieux.
L’optimisation des espaces restreints
Ce qui m’interpelle dans l’architecture japonaise, c’est leur travail à très petite échelle. Comme les espaces sont souvent réduits, il faut développer une autre forme d’intelligence afin de les optimiser. Cela permet de créer des typologies spécifiques et évolutives, histoire de réussir à intégrer un certain nombre d’activités en un seul et même lieu. Comme sur cette image, il s’agit d’imaginer des raccourcis, des échappées ludiques et des jeux de niveaux.
Ce qui m’interpelle dans l’architecture japonaise, c’est leur travail à très petite échelle. Comme les espaces sont souvent réduits, il faut développer une autre forme d’intelligence afin de les optimiser. Cela permet de créer des typologies spécifiques et évolutives, histoire de réussir à intégrer un certain nombre d’activités en un seul et même lieu. Comme sur cette image, il s’agit d’imaginer des raccourcis, des échappées ludiques et des jeux de niveaux.
Autour de l’escalier
Les escaliers sont beaux. Un escalier n’est pas seulement un moyen de se hisser à l’étage supérieur, qui induit une perte d’espace. Cela peut être autre chose et il peut s’y passer beaucoup de choses. Plus qu’un cheminement vers le haut, c’est un espace où l’on peut s’asseoir et prendre un peu de hauteur. Je pense d’ailleurs que ce n’est pas pour rien que les enfants s’y intéressent très tôt, dès qu’ils commencent à marcher et parfois même avant. Car l’escalier fonctionne bien souvent comme une invitation à l’expérimentation.
Les escaliers sont beaux. Un escalier n’est pas seulement un moyen de se hisser à l’étage supérieur, qui induit une perte d’espace. Cela peut être autre chose et il peut s’y passer beaucoup de choses. Plus qu’un cheminement vers le haut, c’est un espace où l’on peut s’asseoir et prendre un peu de hauteur. Je pense d’ailleurs que ce n’est pas pour rien que les enfants s’y intéressent très tôt, dès qu’ils commencent à marcher et parfois même avant. Car l’escalier fonctionne bien souvent comme une invitation à l’expérimentation.
L’autre échelle du meunier
J’aime l’idée de se référer à l’existant, tout en y apportant un autre regard. Cet escalier qui revisite l’échelle du meunier me séduit. De plus, il mène à un espace intimiste en mezzanine, servant ainsi de trait d’union astucieux entre le public et le privé. C’est l’idée de la cabane perchée, pour s’isoler d’une partie basse où l’on privilégie le vivre ensemble.
J’aime l’idée de se référer à l’existant, tout en y apportant un autre regard. Cet escalier qui revisite l’échelle du meunier me séduit. De plus, il mène à un espace intimiste en mezzanine, servant ainsi de trait d’union astucieux entre le public et le privé. C’est l’idée de la cabane perchée, pour s’isoler d’une partie basse où l’on privilégie le vivre ensemble.
Ouvrir les salles de bains
Il y a longtemps que j’aime travailler des salles de bains ouvertes. Cela permet de gagner en luminosité et en sensation d’espace. Mais encore, de déplacer les limites de l’intimité, plutôt que de l’enfermer entre des parois complètement opaques. C’est notre façon de figer les espaces qui donne bien souvent le sentiment d’un intérieur trop petit. Aujourd’hui, il est facile de morceler sa salle de bains et de faire en sorte qu’elle accompagne d’autres zones de vie. Qu’elle ne soit pas uniquement une pièce fermée, aseptisée et hygiéniste.
Ouverte par le haut, celle-ci est inondée de lumière naturelle et pourrait aussi bien communiquer avec les volumes attenants. En plus, elle a un côté ludique avec son pommeau et sa douchette Agape orange. C’est un bon moyen de conserver à l’année, dans sa douche, une relation récréative à l’eau.
Je trouve qu’il y a désormais beaucoup de domaines dans lesquels on est allé trop loin au nom de l’innovation technologique. Or ce n’est pas forcément cela qui apporte du plaisir, du bien-être ou de l’humanité dans un quotidien. Et c’est pourtant cela qu’il faut rechercher.
Il y a longtemps que j’aime travailler des salles de bains ouvertes. Cela permet de gagner en luminosité et en sensation d’espace. Mais encore, de déplacer les limites de l’intimité, plutôt que de l’enfermer entre des parois complètement opaques. C’est notre façon de figer les espaces qui donne bien souvent le sentiment d’un intérieur trop petit. Aujourd’hui, il est facile de morceler sa salle de bains et de faire en sorte qu’elle accompagne d’autres zones de vie. Qu’elle ne soit pas uniquement une pièce fermée, aseptisée et hygiéniste.
Ouverte par le haut, celle-ci est inondée de lumière naturelle et pourrait aussi bien communiquer avec les volumes attenants. En plus, elle a un côté ludique avec son pommeau et sa douchette Agape orange. C’est un bon moyen de conserver à l’année, dans sa douche, une relation récréative à l’eau.
Je trouve qu’il y a désormais beaucoup de domaines dans lesquels on est allé trop loin au nom de l’innovation technologique. Or ce n’est pas forcément cela qui apporte du plaisir, du bien-être ou de l’humanité dans un quotidien. Et c’est pourtant cela qu’il faut rechercher.
Renouer avec le plaisir des couleurs
J’aime penser que les gens peuvent choisir les couleurs de leur intérieur. Le plaisir de la couleur naît dans la petite enfance et nous accompagne toute notre vie. Or, quand on est adulte, on n’ose plus choisir des couleurs singulières, qui reflètent pourtant des partis pris plus personnels. Souvent, en intervenant chez des particuliers, je m’aperçois qu’ils ont perdu cette audace. Ce qui explique que l’on se réfugie régulièrement dans des tonalités neutres. Chacun devrait me semble-t-il pouvoir retrouver cette joie de manier les couleurs, de rentrer dans la complexité des jeux d’association. Les gens savent le faire en matière vestimentaire et se l’interdisent quand il s’agit de leur intérieur. C’est intimement lié aux diktats du bon et du mauvais goût, très présents en France. Alors qu’il faudrait plutôt se décider plus simplement, en fonction de ce qui nous séduit et de ce qui ne nous plaît pas. En prenant le temps d’y réfléchir, bien évidemment !
J’aime penser que les gens peuvent choisir les couleurs de leur intérieur. Le plaisir de la couleur naît dans la petite enfance et nous accompagne toute notre vie. Or, quand on est adulte, on n’ose plus choisir des couleurs singulières, qui reflètent pourtant des partis pris plus personnels. Souvent, en intervenant chez des particuliers, je m’aperçois qu’ils ont perdu cette audace. Ce qui explique que l’on se réfugie régulièrement dans des tonalités neutres. Chacun devrait me semble-t-il pouvoir retrouver cette joie de manier les couleurs, de rentrer dans la complexité des jeux d’association. Les gens savent le faire en matière vestimentaire et se l’interdisent quand il s’agit de leur intérieur. C’est intimement lié aux diktats du bon et du mauvais goût, très présents en France. Alors qu’il faudrait plutôt se décider plus simplement, en fonction de ce qui nous séduit et de ce qui ne nous plaît pas. En prenant le temps d’y réfléchir, bien évidemment !
Créer des interstices inattendus
J’aime essayer de proposer des espaces à part, à l’intérieur d’espaces qui ont un autre statut. Il ne faut pas hésiter à élaborer des projets qui ne sont pas essentiels et uniquement liés à des activités primaires. Souvent, j’essaie de partir d’attitudes que l’on observe en extérieur, pour les réinjecter dans l’espace domestique. Car on a trop tendance à être dans l’inertie chez soi !
Dans cette photo – celle que je préfère parmi toutes celles que j’ai sélectionnées –, c’est ce principe-là qui est appliqué avec ce filet tendu. C’est un espace rajouté, souple et invitant à prendre des postures différentes de celles qu’on a l’habitude d’adopter chez soi. Il est en décalage avec le reste de l’intérieur investi, plus stable et rigide. On peut imaginer que cela serve aux adultes comme aux enfants, pour la sieste, le jeu ou la lecture, par exemple.
ET VOUS ?
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Formation : ENSCI Paris, École Nationale Supérieure de Création Industrielle
Anecdote : Initialement designer industriel, c’est tout naturellement et au fil des sollicitations que matali crasset intervient également largement en tant qu’architecte. « J’accompagne des changements de vie, souvent opérés par des gens merveilleux qui ont une réelle envie de réaliser un projet d’un nouveau genre. »