Visites Privées
Suivez le Guide : Pierre et la cabane aux cactus
Une garrigue plantée de cactus d'Amérique dans le sud de la France, c'est l'histoire de Pierre, un passionné aux pouces verts
Au pied de l’Hortus, Pierre cultive en pleine terre des cactus depuis plus de quinze ans. Il les sème, les élève et les soigne jusqu’à ce qu’ils deviennent grands ! C’est dans ce décor surréaliste, planté d’oliviers, de chênes et de valérianes, que poussent des plantes rares dont les fruits et fleurs rouges ponctuent le paysage. Le vert de la végétation locale, garrigue aride et odorante, crée de riches nuances en contraste permanent avec les cactées aux éventails majestueux. Allons rejoindre Pierre, déjà parti dans des explications aussi pointues que ses plantes.
Coup d’œil
Qui vit ici : Pierre Boinet et Annie
Depuis quand : 17 ans qu’il récupère et sème des graines de cactus du monde entier
Emplacement : au pied de l’Hortus, une montagne aux alentours de Saint-Mathieu-de-Tréviers, dans la région du pic Saint-Loup, Languedoc-Roussillon
Superficie : 5 hectares
Anecdote : Pierre et Annie vivent dans une cabane qu’ils ont construite, s’alimentent des fruits et légumes de leur jardin et de l’eau du puits. Sans électricité ni autre commodité moderne, ils cultivent leur terre inlassablement. Le chemin d’accès à leur territoire est tellement érodé par les pluies qu’il est quasiment impraticable avec un véhicule conventionnel. Leur rendre visite, c’est toucher du doigt le bout du monde.
Pierre commence par nous expliquer la signification du mot Hortus, nom porté fièrement par cette montagne cultuelle, ancien bassin néandertalien. « Ce n’est pas un hasard si je suis arrivé ici. Hortus signifie jardin en latin. »
Il nous raconte alors pourquoi il a choisi cet endroit à la fois hostile et riche. « J’étais chef de chantier dans le Nord, puis en Afrique. Dans les années 70, je me suis retrouvé au chômage. J’ai donc décidé de trouver des solutions en exploitant mes propres moyens de production. À l’époque, j’avais fait une enquête : le plus rentable, c’était la chèvre ! J’ai fait un stage de huit mois pour obtenir un brevet agricole, puis j’ai cherché un terrain et une bergerie. J’ai loué 105 hectares de l’autre côté du col, j’ai acheté des chevrettes et j’ai formé un troupeau. J‘ai fini par brouter sur plus de 1 000 hectares. Au début, je me suis retrouvé tout seul dans les pâturages, je me souviens, c’était en janvier, les buis étaient en fleurs, les chants d’oiseaux, la liberté… Je me suis pourtant rendu compte quelques mois après que j’étais devenu l’esclave des chèvres ; on est toujours esclave de ce que l’on crée. J’ai pris un berger, ralenti la production de fromage. Un 6 janvier, la vallée était toute blanche de gel, et j’ai trouvé une grotte chaude pour me réfugier. C’était ici que j’avais décidé de vivre. »
Coup d’œil
Qui vit ici : Pierre Boinet et Annie
Depuis quand : 17 ans qu’il récupère et sème des graines de cactus du monde entier
Emplacement : au pied de l’Hortus, une montagne aux alentours de Saint-Mathieu-de-Tréviers, dans la région du pic Saint-Loup, Languedoc-Roussillon
Superficie : 5 hectares
Anecdote : Pierre et Annie vivent dans une cabane qu’ils ont construite, s’alimentent des fruits et légumes de leur jardin et de l’eau du puits. Sans électricité ni autre commodité moderne, ils cultivent leur terre inlassablement. Le chemin d’accès à leur territoire est tellement érodé par les pluies qu’il est quasiment impraticable avec un véhicule conventionnel. Leur rendre visite, c’est toucher du doigt le bout du monde.
Pierre commence par nous expliquer la signification du mot Hortus, nom porté fièrement par cette montagne cultuelle, ancien bassin néandertalien. « Ce n’est pas un hasard si je suis arrivé ici. Hortus signifie jardin en latin. »
Il nous raconte alors pourquoi il a choisi cet endroit à la fois hostile et riche. « J’étais chef de chantier dans le Nord, puis en Afrique. Dans les années 70, je me suis retrouvé au chômage. J’ai donc décidé de trouver des solutions en exploitant mes propres moyens de production. À l’époque, j’avais fait une enquête : le plus rentable, c’était la chèvre ! J’ai fait un stage de huit mois pour obtenir un brevet agricole, puis j’ai cherché un terrain et une bergerie. J’ai loué 105 hectares de l’autre côté du col, j’ai acheté des chevrettes et j’ai formé un troupeau. J‘ai fini par brouter sur plus de 1 000 hectares. Au début, je me suis retrouvé tout seul dans les pâturages, je me souviens, c’était en janvier, les buis étaient en fleurs, les chants d’oiseaux, la liberté… Je me suis pourtant rendu compte quelques mois après que j’étais devenu l’esclave des chèvres ; on est toujours esclave de ce que l’on crée. J’ai pris un berger, ralenti la production de fromage. Un 6 janvier, la vallée était toute blanche de gel, et j’ai trouvé une grotte chaude pour me réfugier. C’était ici que j’avais décidé de vivre. »
Mais la question que tout le monde se pose dès l’arrivée dans le jardin, c’est comment tous ces cactus sont arrivés là ? Pierre nous explique simplement : « Mon père était horticulteur en Normandie et quand il m’envoyait des graines, je n’arrivais pas à protéger les semis ni à garder les plants. Tout gelait ou mourait de soif ! Il fallait absolument que je trouve des plantes qui résistent au gel et supportent de ne pas être arrosées. » Il rit encore en nous expliquant que ses copains horticulteurs du coin lui conseillaient « de planter des fleurs en plastique ! ».
« J’ai vraiment cherché et à force de réflexion, je me suis dit qu’en Amérique du Nord, le climat désertique ou semi-désertique infligeait des températures très rudes, jusqu’à - 40° ; ce qui poussait là-bas devait forcément parvenir à pousser ici. » Alors il s’est lancé. Il a commandé des graines pour commencer, a confectionné ses premiers semis et voilà le résultat !
Il insiste pour que l’on comprenne bien l’intérêt de son choix : « Seules les plantes à racines traçantes survivent dans de telles conditions. Là où poussent les chênes, elles ont trouvé une faille et s’infiltrent en profondeur. Le reste du terrain est planté de pins et les racines ne descendent pas plus bas que 20 cm. »
Il insiste pour que l’on comprenne bien l’intérêt de son choix : « Seules les plantes à racines traçantes survivent dans de telles conditions. Là où poussent les chênes, elles ont trouvé une faille et s’infiltrent en profondeur. Le reste du terrain est planté de pins et les racines ne descendent pas plus bas que 20 cm. »
En passant devant la maison dissimulée derrière une multitude de plantes en tout genre, Pierre explique : « Au début, j’avais monté le hangar pour les chèvres et notre maison, c’était une baraque de chantier que nous avons isolé pour l’hiver. Mais bien avant cela encore, nous y habitions avec les chèvres, la laiterie était au mas dans le fond de la vallée. »
Très drainé, le terrain fournit peu d’eau aux végétaux. Les arbres se sont réservé la meilleure place et comme Pierre n’a pas voulu les déloger ou menacer la forêt déjà implantée avant son arrivée, il a choisi de s’adapter. Le sol a pour particularité de ne proposer que 40 à 60 centimètres de terre. « Pas plus », nous assure Pierre, « et ensuite le rocher est tout de suite là ! Il s’agit d’une pente d’éboulis. J’ai fait le jardin sur la broussaille, du chêne kermès en majorité. C’était impénétrable, il nous a fallu une heure pour franchir les premiers 100 mètres. J’ai laissé revenir la prairie naturelle qui s’est progressivement réinstallée. Les graminées ont envahi le terrain et j’ai commencé à semer. »
Au début, l’eau n’arrivait pas jusqu’au terrain. Pierre est allé la chercher à 128 mètres de profondeur pour édifier un forage. « 12 mètres plus bas, on trouve une nappe d’eau et à 14 mètres de l’argile compacte. L’eau n’est pas calcaire ici, car elle est dans la marne bleue. Elle est pompée là-haut dans la montagne et des tuyaux reviennent à la serre et dans le jardin. Comme l’eau arrive de 30 mètres plus haut dans la montagne, j’ai environ 3 kilos de pression. »
Et voici la grande férule, cette plante impressionnante qui se dresse au milieu du jardin un peu partout : « Quand je suis arrivé ici, il n’y en avait nulle part. Les seules que je trouvais étaient sur les crêtes de l’Hortus. D’ailleurs je me servais de leur tige comme canne de berger car c’est très léger et indestructible. »
En fait, il s’agit d’une plante abortive pour les brebis et les bergers ont donc complètement éradiqué cette plante de leurs terrains. Petit à petit, les graines sont redescendues dans la vallée et la grande férule est réapparue dans les champs. Cette plante de grande taille aux ombelles de fleurs jaune d’or peut être confondue avec le fenouil sauvage, mais il n’en est rien !
En fait, il s’agit d’une plante abortive pour les brebis et les bergers ont donc complètement éradiqué cette plante de leurs terrains. Petit à petit, les graines sont redescendues dans la vallée et la grande férule est réapparue dans les champs. Cette plante de grande taille aux ombelles de fleurs jaune d’or peut être confondue avec le fenouil sauvage, mais il n’en est rien !
On ne résiste pas à l’envie de vous montrer le barbecue solaire ! Pierre ne semble pas étonné : « J’ai fait un stage pour apprendre à le construire. Je me suis procuré des plans et j’ai fait venir des plaques d’aluminium miroitées de Genève. La température atteint facilement les 600 à 700° ; ça enflamme un bout de bois sans souci ! »
Le jardin rassemble de grandes variétés de fleurs sauvages rares et atypiques, mais en cette saison, c’est la valériane qui envahit l’espace coloré : « Elle est venue toute seule, ce sont les oiseaux qui ont amené les graines. Mais j’ai des valérianes qui n’existent nulle part ailleurs. Les roses sont communes par ici. » nous précise-t-il. « L’année de la catastrophe de Tchernobyl, un copain pépiniériste s’est arrêté sur un bord de route, surpris par une valériane aux couleurs étrangement violettes alors que chez les valérianes, il n’existe que des blanches, des rouges et des roses. Or, pour faire du violet, il faut du bleu et ça n’existe pas chez les valérianes ! En fait, il y a probablement eu une mutation à cette époque. Il m’en a donné et je les ai donc mises avec les valérianes rouges du jardin pour qu’elles s’hybrident et j’en ai obtenu des bordeaux, spécimen unique ! »
Cactus
Les immenses paravents végétaux en forme d’éventails dessinent le paysage et ponctuent le jardin. Pierre nous indique leurs noms scientifiques, complexes et poétiques à la fois : « J’ai commencé par planter des yuccas. J’avais trouvé l’adresse d’un spécialiste allemand qui m’a envoyé des graines provenant du monde entier. J’ai aussi récupéré de nombreux yuccas dans les décharges publiques, car beaucoup de gens s’en débarrassent lors des déménagements. Ils reprennent très vite et j’en profite pour faire des boutures. Ils sont très beaux lorsqu’ils fleurissent. J’en possède maintenant 58 variétés, mais ceux qui s’adaptent le mieux à nos climats sont les rostrata et les filifera australis. Inutile de les arroser et ils ne gèlent jamais ! »
Des fleurs tapissent le paysage tandis que des palmiers font jaillir leurs feuilles dans des nuances de vert très variées. « Celui-là, c’est un palmier mexicain, il a quinze ans. Il pousse tout seul. Au début, je l’ai un peu arrosé, et après, il s’est débrouillé tout seul. Il fait d’abord des feuilles oblongues et ensuite des palmes », nous explique-t-il.
Cactus
Pierre nous arrête : « Attention à celle-là, c’est un agave féroce, elle a 19 ans et possède des épines acérées comme des dents de requin. Elle a la particularité de ne faire éclore qu’une seule fleur tous les 35 ans ! »
Ceux-là sont très mignons, tout petits, cachés dans les herbes folles : « Ce sont des Trichocereus, mais normalement ils ne sont pas si petits. Ce sont les sangliers qui sont passés par là ; ils ont tout saccagé. Résultat, il ne reste que des bouts qui ont repris racine. Ils forment des grosses queues de rat longues d’un mètre qui rampent un peu partout », nous indique Pierre.
Nous avons une chance inouïe car nous sommes présents juste au moment de la floraison de certains cactus. Les fleurs naissent et s’ouvrent durant plusieurs jours en passant par des coloris sublimes, étranges mélanges entre épines et pétales de soie.
Malgré ses superbes fleurs, l’Opuntia aciculata est « très méchant », comme le précise Pierre. « Son nom l’indique d’ailleurs parfaitement puisqu’il signifie “plein d’épines”. Il est très bien adapté à nos climats. Il grandit assez vite et il est exceptionnel pour sa floraison. Les fleurs passent du rouge vif, le soir, à un rouge framboise en matinée. Le lendemain, elles se parent d’un rouge amarante merveilleux. De nouvelles fleurs apparaissent chaque jour dans un magnifique camaïeu de rouges. Elles durent deux jours et se renouvellent. Il fleurit pendant plus d’un mois. »
Cactus
L’Opuntia aciculata lindheimeri offre des fruits rouges incroyablement juteux qui représentent un cadeau miraculeux pour ceux qui savent les trouver en plein désert. On l’appelle d’ailleurs le « poirier du Texas » !
Pierre nous cueille un fruit sur le vif pour une dégustation impromptue : « Ce fruit rouge betterave est un peu comme une figue de Barbarie, mais avec un goût de poire. Imaginez quand vous dégustez ce trésor en plein désert, une véritable aubaine pour tous les assoiffés ! » Il l’épluche et nous ouvre le fruit avant de nous le faire goûter. Incroyable texture douce et soyeuse avec un goût de poire juteuse en fin de bouche, une pure merveille !
Ce Trichocereus pasacana a 17 ans. Pierre ajoute à notre étonnement : « C’est un hybride que j’ai créé avec un pachanoi, c’est pour ça qu’il pousse très vite. Il est moins haut, mais plus large que le pachanoi. Dans la nature, d’ailleurs, les oiseaux le creusent et font leur nid dedans. Celui-là pousse au Chili. »
Ce pachanoi mesure environ 5 mètres de haut. « Il pousse très vite », précise Pierre, « au Mexique, ils fabriquent des clôtures avec ! »
Des buissons entiers de raquettes plates ornées de fleurs jaunes barrent le passage par moments. Pierre nous renseigne sur cette espèce : « Ce sont des Opuntia macrocalyx. Ils n’ont pas d’épines, mais des glochides, des petits aiguillons tenaces qui s’enfoncent dans la peau si vous les touchez, véritables poils à gratter. Ce cactus m’étonne toujours parce qu’il change de couleur quand il souffre à cause de la température ou de la sécheresse. Il devient alors rouge vineux. Puis il redevient vert quand il va mieux. L’hiver, il est complètement rouge, c’est sa manière de se défendre. »
Pierre passe quotidiennement dans sa serre pour veiller sur les semis et les boutures. Il nous invite à rentrer et précise : « En hiver pour préserver quelques plantes, la serre est essentielle. Je ne la chauffe pas, et on ne gagne pas beaucoup en température, un degré peut-être. Tandis que dehors, il gèle toute la nuit, dans la serre, il ne gèle qu’entre 5 et 6 heures du matin ; donc les plantes résistent mieux. »
Cactus
Parmi les plantes qui vivent toutes serrées bien au chaud dans la serre, l’Aporocactus flagelliformis nous offre ses plus belles fleurs rouge fuchsia. « Il ne gèle pas, d’ailleurs il faudrait que j’en mette en pleine terre, je les garde toutes en pot ! Il peut descendre jusqu’au sol et dans la nature, ils rampent et s’enfoncent dans la terre sur de grandes distances. Les fleurs ne durent pas plus d’une semaine. »
« Et celui-là, il est drôle, c’est mon voisin qui me l’a rapporté de Madagascar. Il a repris racine alors je le garde en serre. »
Voici quelques boutures d’Echinocactus grusonii, que l’on connaît mieux sous le nom de « coussins de belle-mère ». Avant de sortir de la serre, Pierre nous montre encore des dizaines de petits sujets, des plantes et des arbres, des graines et des semis : « Dès que je casse une plante par mégarde, je fais des boutures. Il ne se passe pas une journée sans que je vienne ici. »
Et puis nous repartons. La nuit ne va pas tarder à tomber sur la montagne, mais nos yeux continuent de scruter l’espace si riche de merveilles. Ce sont les pervenches mélangées au cactus qui nous disent au revoir, contraint d’arrêter Pierre dans ces récits féeriques : « Elles poussent comme ça, naturellement. J’ai des pervenches avec des fleurs en étoile, alors que d’autres ont des fleurs en forme d’ailes de moulin. Il y a aussi deux variétés de panachés que je suis allé chercher sur les corniches. Elles ont des fleurs blanches doubles. En fait, j’ai six variétés de pervenches qui poussent ici. »
« Et avant de partir, je vais vous emmener dans un endroit secret, là où l’on déposera mes cendres. J’y ai semé des plantes qui fleuriront pour mon anniversaire. Comme ça, les gens n’auront pas besoin de me mettre des fleurs ! »
Merci, Pierre, pour cette extraordinaire visite. Le monde a besoin d’hommes courageux et passionnés, la Nature sait d’ailleurs les reconnaître !
ET VOUS ?
Que pensez-vous de cet extraordinaire jardin ? Possédez-vous des cactus aussi beaux ?
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« Et avant de partir, je vais vous emmener dans un endroit secret, là où l’on déposera mes cendres. J’y ai semé des plantes qui fleuriront pour mon anniversaire. Comme ça, les gens n’auront pas besoin de me mettre des fleurs ! »
Merci, Pierre, pour cette extraordinaire visite. Le monde a besoin d’hommes courageux et passionnés, la Nature sait d’ailleurs les reconnaître !
ET VOUS ?
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