Architecture
Architecture : La beauté du brutalisme
Le brutalisme, dont la période de gloire date de plus d'un demi-siècle, semble retrouver un nouveau souffle
Le 16 mars 1972 voit la démolition de Pruitt-Igoe, un quartier résidentiel construit à Saint-Louis dans le Missouri aux États-Unis, devenu symbole de dégradation sociale et de déracinement causé par l’architecture moderne. Bon nombre d’architectes, dont Charles Jencks, architecte, théoricien et cofondateur des Maggies Cancer Care Centres, décrètent dès lors la fin de la modernité, mettant un terme à une architecture trop éloignée des proportions humaines et qui a tenté d’imposer aux habitants des modèles d’habitat les empêchant de trouver leur propre identité.
Quarante ans plus tard, aussi surprenant que cela puisse paraître, un certain courant s’intéresse à nouveau à cette architecture souvent dépréciée. Quelles en sont les raisons ? Quels sont les éléments perçus comme actuels ou novateurs, alors que ces bâtiments ont été ignorés durant tant d’années ? Selon l’ouvrage Archi Brut du photographe Peter Chadwick – récemment paru aux éditions Phaidon –, nous cherchons certainement des réponses à ce type de questions. Cette série de deux articles sera ainsi l’occasion d’expliquer ce phénomène et, d’une certaine façon, de revendiquer la beauté de l’architecture brutaliste.
Quarante ans plus tard, aussi surprenant que cela puisse paraître, un certain courant s’intéresse à nouveau à cette architecture souvent dépréciée. Quelles en sont les raisons ? Quels sont les éléments perçus comme actuels ou novateurs, alors que ces bâtiments ont été ignorés durant tant d’années ? Selon l’ouvrage Archi Brut du photographe Peter Chadwick – récemment paru aux éditions Phaidon –, nous cherchons certainement des réponses à ce type de questions. Cette série de deux articles sera ainsi l’occasion d’expliquer ce phénomène et, d’une certaine façon, de revendiquer la beauté de l’architecture brutaliste.
Justo García Rubio, station d’autobus. Casar de Cáceres, Cáceres, 2003.
- Publications
Keith Ingham et Charles Wilson, parking de la gare d’autobus de Preston. Lancashire, Royaume-Uni.
- Renouveau académique et politique
Erno Goldfinger, Trellick Tower. Londres, Royaume-Uni, 1966-1972.
D’où cette interrogation sur les raisons d’un tel regain d’intérêt pour ce spectaculaire mouvement. Le brutalisme n’a jamais vraiment cessé d’être reconnu dans le monde architectural, mais à présent, l’engouement pour ce courant s’est étendu à un plus large public. C’est pourquoi il semble intéressant de comprendre ce que nous a légué le brutalisme, car bien au-delà d’une mode passagère, il dépasse largement le cadre d’une période historique et devient une véritable référence.
D’où cette interrogation sur les raisons d’un tel regain d’intérêt pour ce spectaculaire mouvement. Le brutalisme n’a jamais vraiment cessé d’être reconnu dans le monde architectural, mais à présent, l’engouement pour ce courant s’est étendu à un plus large public. C’est pourquoi il semble intéressant de comprendre ce que nous a légué le brutalisme, car bien au-delà d’une mode passagère, il dépasse largement le cadre d’une période historique et devient une véritable référence.
Louis I. Kahn, Yale University Art Museum. New Haven, États-Unis, 1951-1953.
Son esthétique est caractérisée par la pénurie qui définit également ses origines. La guerre oblige à une reconstruction rapide avec peu de moyens sur de très nombreux sites. De surcroît, il devient urgent de trouver une solution aux problèmes de migration vers la ville liée à la réindustrialisation de nombreuses zones en Europe.
- Une réponse à la barbarie
Son esthétique est caractérisée par la pénurie qui définit également ses origines. La guerre oblige à une reconstruction rapide avec peu de moyens sur de très nombreux sites. De surcroît, il devient urgent de trouver une solution aux problèmes de migration vers la ville liée à la réindustrialisation de nombreuses zones en Europe.
Van den Broek & Bakema, bâtiment universitaire. Delft, Pays-Bas, 1966.
- Un peu d’histoire
Le Corbusier, Unité d’habitation. Marseille, France, 1947-1952.
Si le terme « brutalisme » reflète parfaitement la puissance plastique et l’expressivité matérielle des œuvres construites, les origines du mot restent incertaines. Il est d’usage de l’attribuer à Le Corbusier pour ses constructions réalisées à cette même période, à l’instar de l’Unité d’habitation à Marseille (1947-1952). Le béton brut, matériau sauvage, naturel et primitif donnera alors son nom au brutalisme.
Par ailleurs, au Royaume-Uni, le critique Reyner Banham publie un article dans The Architectural Review en décembre 1955 intitulé « Le nouveau brutalisme », édité sous forme de livre en 1966. Quant aux origines du terme, il aurait été employé pour la première fois
par un architecte suédois (nybrutalism), fils du célèbre architecte Gunnar Asplund, en référence à l’architecture moderne plus radicale et moins sentimentale. Selon les jeunes architectes britanniques, cette dernière s’est convertie en symbole d’une attitude éthique face à l’esthétique architecturale.
Si le terme « brutalisme » reflète parfaitement la puissance plastique et l’expressivité matérielle des œuvres construites, les origines du mot restent incertaines. Il est d’usage de l’attribuer à Le Corbusier pour ses constructions réalisées à cette même période, à l’instar de l’Unité d’habitation à Marseille (1947-1952). Le béton brut, matériau sauvage, naturel et primitif donnera alors son nom au brutalisme.
Par ailleurs, au Royaume-Uni, le critique Reyner Banham publie un article dans The Architectural Review en décembre 1955 intitulé « Le nouveau brutalisme », édité sous forme de livre en 1966. Quant aux origines du terme, il aurait été employé pour la première fois
par un architecte suédois (nybrutalism), fils du célèbre architecte Gunnar Asplund, en référence à l’architecture moderne plus radicale et moins sentimentale. Selon les jeunes architectes britanniques, cette dernière s’est convertie en symbole d’une attitude éthique face à l’esthétique architecturale.
Alison et Peter Smithson, école de Hunstanton. Norwich, Norfolk, Royaume-Uni, 1949-1954.
Au Royaume-Uni, certaines régions détruites par les bombardements sont confiées à un célèbre couple d’architectes anglais, Alison et Peter Smithson. L’histoire rapporte que Peter se serait fait appeler Brutus durant ses années universitaires, en référence au sénateur romain.
À ce propos, il est bon de rappeler que le principal exemple retenu par Reyner Banham pour représenter le nouveau brutalisme reste l’école de Hunstanton (1949-1954) construite par le couple. Et ce, loin devant les Promontory et les Lakeshore Drive Apartments de Mies van der Rohe, le General Motors Technical Center de Eero Saarinen, ou l’Unité d’habitation à Marseille de Le Corbusier, ou même le Centre d’art britannique de Yale de Louis Kahn. Cette école fut entièrement réalisée en briques et en acier, selon le modèle des premiers bâtiments américains de Mies van der Rohe, contrairement à ceux de Le Corbusier en béton, qu’ils employèrent néanmoins plus tard pour le siège de The Economist à Londres.
Au Royaume-Uni, certaines régions détruites par les bombardements sont confiées à un célèbre couple d’architectes anglais, Alison et Peter Smithson. L’histoire rapporte que Peter se serait fait appeler Brutus durant ses années universitaires, en référence au sénateur romain.
À ce propos, il est bon de rappeler que le principal exemple retenu par Reyner Banham pour représenter le nouveau brutalisme reste l’école de Hunstanton (1949-1954) construite par le couple. Et ce, loin devant les Promontory et les Lakeshore Drive Apartments de Mies van der Rohe, le General Motors Technical Center de Eero Saarinen, ou l’Unité d’habitation à Marseille de Le Corbusier, ou même le Centre d’art britannique de Yale de Louis Kahn. Cette école fut entièrement réalisée en briques et en acier, selon le modèle des premiers bâtiments américains de Mies van der Rohe, contrairement à ceux de Le Corbusier en béton, qu’ils employèrent néanmoins plus tard pour le siège de The Economist à Londres.
João Filgueiras Lima, Centre administratif de Bahia. Bahia, Brésil, 1974.
Toutes ces anecdotes autour de la naissance du mouvement ne doivent pas nous faire oublier que le brutalisme s’inscrit avant tout dans un courant qui ne se limite pas au simple choix d’un matériau de construction comme le béton brut.
Reyner Banham cite quelques-unes de ses caractéristiques dans un article datant de 1955 : clarté formelle du plan, ossature lisible, valorisation des matériaux pour leurs qualités inhérentes (« tels quels »). Somme toute un credo éthique et esthétique fondé sur l’honnêteté : les édifices se montrent ainsi directement à leurs habitants, sans décoration superflue ni confusion intellectuelle, fuyant le théâtral et la scénographie, sans jamais rien dissimuler aux visiteurs ou aux usagers.
Toutes ces anecdotes autour de la naissance du mouvement ne doivent pas nous faire oublier que le brutalisme s’inscrit avant tout dans un courant qui ne se limite pas au simple choix d’un matériau de construction comme le béton brut.
Reyner Banham cite quelques-unes de ses caractéristiques dans un article datant de 1955 : clarté formelle du plan, ossature lisible, valorisation des matériaux pour leurs qualités inhérentes (« tels quels »). Somme toute un credo éthique et esthétique fondé sur l’honnêteté : les édifices se montrent ainsi directement à leurs habitants, sans décoration superflue ni confusion intellectuelle, fuyant le théâtral et la scénographie, sans jamais rien dissimuler aux visiteurs ou aux usagers.
Lina Bo Bardi, SESC Pompéi. Sao Paulo, Brésil.
- La redéfinition du concept de beauté
Le Corbusier, Palais de l’Assemblée. Chandigarh, Inde, 1953-1963.
ET VOUS ?
Que pensez du brutalisme ?
Lire aussi :
Une icône architecturale : le premier édifice du Bauhaus
L’incroyable renaissance de la Villa Cavrois
Exclusif : Derrière les portes de la Villa Cavrois
- La promesse d’un monde meilleur
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Pourquoi ce regain d’intérêt pour le brutalisme ?
- Expositions
Tandis que le postmodernisme induit une tendance à restaurer un langage moderne plus agréable et technologique, ces derniers temps, le brutalisme revient en avant de la scène malgré sa radicalité et son austérité. En 2013 a lieu l’exposition Brutalisme et Beauté : sauver le XXᵉ siècle à la Quadriga Gallery de l’English Heritage (le musée national du patrimoine britannique). Dès lors, une série d’articles sur le Web et dans les magazines spécialisés ou généralistes ne cesse de se succéder.