Découverte Houzz : Samy Rio, entre industrie et artisanat
Ce jeune designer renouvelle les objets du quotidien en jouant avec les formes et les matériaux
Après des études d’ébénisterie, Samy Rio rejoint les bancs de l’École nationale supérieure de création industrielle à Paris pendant cinq ans, pour étudier le design industriel. Il en sort diplômé en octobre 2014 grâce à son projet de recherche sur le bambou. Lauréat en 2015 du fameux grand prix Design Parade de la villa Noailles, ce talentueux designer multiplie aujourd’hui les projets et les résidences, poursuivant son exploration autour de ce matériau éthique et durable.
Qu’est-ce qui vous passionne dans le métier de designer ?
Ce qui me fascine, c’est la pluralité des sujets sur lesquels on peut intervenir.
La création est continuellement nourrie grâce aux rencontres entre les matériaux, les savoir-faire, les personnes… Je vois le designer comme une interface.
Je travaille rarement seul, derrière un bureau : j’ai la chance de pouvoir faire pas mal de résidences et de travailler sur des projets expérimentaux avec différentes équipes. C’est à ce moment, à mon sens, que le métier de designer offre toute sa richesse.
Ce qui me fascine, c’est la pluralité des sujets sur lesquels on peut intervenir.
La création est continuellement nourrie grâce aux rencontres entre les matériaux, les savoir-faire, les personnes… Je vois le designer comme une interface.
Je travaille rarement seul, derrière un bureau : j’ai la chance de pouvoir faire pas mal de résidences et de travailler sur des projets expérimentaux avec différentes équipes. C’est à ce moment, à mon sens, que le métier de designer offre toute sa richesse.
Pourquoi avoir décidé de développer vos recherches autour du bambou ?
J’ai grandi dans les Cévennes, à côté de la bambouseraie d’Anduse, un magnifique parc botanique classé à l’Unesco, créé par Eugène Mazel en 1856.
C’est l’un des seuls endroits en Europe ou l’on peut trouver des bambous géants.
Cette plante invasive s’est développée en dehors du parc.
Là où mes parents vivaient, il y avait du bambou géant qui poussait au milieu des chênes et des châtaigniers. J’ai donc toujours eu ce matériau sous la main.
Je m’y étais intéressé pendant mes études d’ébénisterie et je m’y suis replongé à l’Ensci. Le tout premier objet que j’ai imaginé était d’ailleurs une bibliothèque en bambou ! Ce matériau est aujourd’hui mal exploité dans l’industrie. On fait beaucoup de greenwashing, pratique qui prétend faire de l’écologie. C’était un terrain vierge pour moi : j’ai donc décidé d’expérimenter ce matériau en m’inspirant des traditions asiatiques ou d’Amérique Centrale.
J’ai grandi dans les Cévennes, à côté de la bambouseraie d’Anduse, un magnifique parc botanique classé à l’Unesco, créé par Eugène Mazel en 1856.
C’est l’un des seuls endroits en Europe ou l’on peut trouver des bambous géants.
Cette plante invasive s’est développée en dehors du parc.
Là où mes parents vivaient, il y avait du bambou géant qui poussait au milieu des chênes et des châtaigniers. J’ai donc toujours eu ce matériau sous la main.
Je m’y étais intéressé pendant mes études d’ébénisterie et je m’y suis replongé à l’Ensci. Le tout premier objet que j’ai imaginé était d’ailleurs une bibliothèque en bambou ! Ce matériau est aujourd’hui mal exploité dans l’industrie. On fait beaucoup de greenwashing, pratique qui prétend faire de l’écologie. C’était un terrain vierge pour moi : j’ai donc décidé d’expérimenter ce matériau en m’inspirant des traditions asiatiques ou d’Amérique Centrale.
Parlez-nous de votre sujet de diplôme de l’Ensci les Ateliers, un projet de recherche sur l’industrialisation des tubes en bambou…
Ce projet me permettait d’établir une passerelle entre mes deux formations, mais aussi entre l’artisanat et l’industrie.
L’idée ? Transformer le bambou, matériau naturel, en semi-produit industriel, en le dénaturant le moins possible. Il s’agissait de proposer un mode d’industrialisation du tube de bambou sans forcément réaliser un objet, mais plutôt des morceaux d’objets, des connexions, des assemblages, des jonctions, des organes de mouvement… Une vraie réflexion autour du matériau pour savoir comment il peut vivre et faire partie d’un objet, associé à d’autres matériaux.
Je suis passé par plusieurs étapes et différents projets avant de trouver ce sujet de diplôme. En faisant des essais dans un atelier, j’ai passé un tronçon de bambou dans un tour à bois. J’ai réalisé qu’il réagissait particulièrement bien, jusqu’à l’obtention d’un tube parfaitement rond.
Ce projet me permettait d’établir une passerelle entre mes deux formations, mais aussi entre l’artisanat et l’industrie.
L’idée ? Transformer le bambou, matériau naturel, en semi-produit industriel, en le dénaturant le moins possible. Il s’agissait de proposer un mode d’industrialisation du tube de bambou sans forcément réaliser un objet, mais plutôt des morceaux d’objets, des connexions, des assemblages, des jonctions, des organes de mouvement… Une vraie réflexion autour du matériau pour savoir comment il peut vivre et faire partie d’un objet, associé à d’autres matériaux.
Je suis passé par plusieurs étapes et différents projets avant de trouver ce sujet de diplôme. En faisant des essais dans un atelier, j’ai passé un tronçon de bambou dans un tour à bois. J’ai réalisé qu’il réagissait particulièrement bien, jusqu’à l’obtention d’un tube parfaitement rond.
Vous avez remporté le grand prix Design Parade de la Villa Noailles en présentant des appareils électroniques en bambou, sèche-cheveux et enceintes. Quelle est la genèse de ces objets du quotidien ?
Ceux-ci ont été avant tout conçus pour être des objets durables tant dans les matériaux que dans la manière dont ils sont pensés intérieurement. L’agencement des composants internes permet d’éviter l’obsolescence programmée, en facilitant le démontage, la réparation et le recyclage. Ce projet est le fondement de ma démarche globale autour du bambou.
Ceux-ci ont été avant tout conçus pour être des objets durables tant dans les matériaux que dans la manière dont ils sont pensés intérieurement. L’agencement des composants internes permet d’éviter l’obsolescence programmée, en facilitant le démontage, la réparation et le recyclage. Ce projet est le fondement de ma démarche globale autour du bambou.
Avec les propriétés mécaniques et techniques qui lui sont propres, le bambou devient ainsi un semi-produit industriel au même titre qu’un tube d’aluminium ou de PVC.
Quelles techniques ont été employées pour créer vos objets en bambou ?
Le sèche-cheveux et l’enceinte, mais aussi la lampe Dota et, d’une certaine manière, le banc, découlent de cette même technique, la première que j’ai mise au point : rectifier le bambou en créant un tube parfaitement rond. Le process est bien plus complexe pour le sèche-cheveux et l’enceinte, puisqu’il a fallu intégrer toute la partie électronique.
Le sèche-cheveux et l’enceinte, mais aussi la lampe Dota et, d’une certaine manière, le banc, découlent de cette même technique, la première que j’ai mise au point : rectifier le bambou en créant un tube parfaitement rond. Le process est bien plus complexe pour le sèche-cheveux et l’enceinte, puisqu’il a fallu intégrer toute la partie électronique.
La lampe de table Dota est l’expression pure de ce que permet la fraiseuse numérique sur le bambou. Ce résultat est difficilement atteignable autrement qu’en utilisant cette technique industrielle.
La lampe découle de l’assemblage traditionnel dans l’architecture en bambou, qui est habituellement réalisé de manière un peu plus grossière. J’ai travaillé en collaboration avec un ébéniste afin de mettre au point cette manière de travailler ce matériau. Mais l’idée a germé en regardant les techniques de découpe de tubes métalliques dans l’industrie, qui se font au plasma.
Grâce au grand prix Design Parade de la Villa Noailles, vous avez effectué une résidence à la Cité de la céramique, à Sèvres, au Centre International de Recherche sur le verre et les arts plastiques de Marseille et obtenu une bourse de la galerie Kreo. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ces diverses expériences ?
La résidence est l’un des seuls modes permettant de travailler sur des projets expérimentaux viables. Ces moments de création pure sont très précieux.
En agence, dans un process d’édition d’objets, il est rare de pouvoir prendre le temps d’aller visiter les usines ou d’être en contact avec les professionnels qui travaillent la matière et la transforment. C’est une étape vitale pour moi dans le processus de création.
La résidence est l’un des seuls modes permettant de travailler sur des projets expérimentaux viables. Ces moments de création pure sont très précieux.
En agence, dans un process d’édition d’objets, il est rare de pouvoir prendre le temps d’aller visiter les usines ou d’être en contact avec les professionnels qui travaillent la matière et la transforment. C’est une étape vitale pour moi dans le processus de création.
Mon expérience au Cirva a été exceptionnelle : être au contact des meilleurs souffleurs de verre d’Europe, se lever le matin et regarder le travail des matières du feu, en immersion totale.
Le verre est modelé en fusion avec les souffleurs qui réalisent, en live, ce que l’on vient de dessiner sur une feuille de papier. On assiste ainsi en direct à la naissance de l’objet !
Le verre est modelé en fusion avec les souffleurs qui réalisent, en live, ce que l’on vient de dessiner sur une feuille de papier. On assiste ainsi en direct à la naissance de l’objet !
vases composés
Parlez-nous des Vases Composés… Pourquoi avoir décidé d’associer verre, céramique et bois ?
Lorsque l’on arrive en résidence au Cirva par le biais de la villa Noailles, la contrainte de départ est de dessiner un vase. Cela fait partie du concours. J’ai eu, au départ, quelques difficultés à me projeter sur cet objet. J’ai cherché à dessiner un « beau » vase pendant quelques mois, sans succès.
J’ai alors eu l’idée de faire travailler Sèvres et Cirva ensemble et de créer, en parallèle, avec la galerie Kreo, le miroir Totem. Le frêne, présent sur le vase, rappelle le miroir imaginé pour la galerie Kreo.
Lorsque l’on arrive en résidence au Cirva par le biais de la villa Noailles, la contrainte de départ est de dessiner un vase. Cela fait partie du concours. J’ai eu, au départ, quelques difficultés à me projeter sur cet objet. J’ai cherché à dessiner un « beau » vase pendant quelques mois, sans succès.
J’ai alors eu l’idée de faire travailler Sèvres et Cirva ensemble et de créer, en parallèle, avec la galerie Kreo, le miroir Totem. Le frêne, présent sur le vase, rappelle le miroir imaginé pour la galerie Kreo.
vases composés
Cet objet, dessiné par les assemblages, a pour but de rendre hommage au savoir-faire des deux maisons et aux artisans qui, avec leurs mains, réalisent un objet aussi précis qu’un produit industriel.
Le bois permettait de faire une clé de jonction adaptable entre les pièces en verre et les pièces en céramique. C’est le bois qui verrouille tout le vase.
Le bois permettait de faire une clé de jonction adaptable entre les pièces en verre et les pièces en céramique. C’est le bois qui verrouille tout le vase.
vase Qura
Quelles sont vos dernières réalisations ?
J’ai réalisé un vase ainsi qu’une lanterne en terre cuite et cuivre martelé imaginés pour la maison d’édition Marlo & Isaure. Nous avons développé une déclinaison de la lanterne de Taïwan, que je n’ai jamais pu éditer. Nous avons eu l’idée de travailler sur ce projet, avec d’autres matériaux, en le réadaptant aux savoir-faire locaux de la Tunisie.
J’ai réalisé un vase ainsi qu’une lanterne en terre cuite et cuivre martelé imaginés pour la maison d’édition Marlo & Isaure. Nous avons développé une déclinaison de la lanterne de Taïwan, que je n’ai jamais pu éditer. Nous avons eu l’idée de travailler sur ce projet, avec d’autres matériaux, en le réadaptant aux savoir-faire locaux de la Tunisie.
La lanterne réalisée au National Taiwan Craft Research and Development Institute à Caotun lors d’une résidence organisée par Hand in Hand
vase Qura
Nous sortons bientôt, en collaboration avec Archik, maison d’architecture d’intérieur, une série d’objets en édition limitée, avec des appliques murales en bambou et en aluminium.
J’ai également réalisé des pièces en marbre noir qui sont actuellement en cours de production. Celles-ci sont réalisées en marbre belge, qui a la particularité de n’avoir aucune veinure. Cette première collection d’objets domestiques — miroirs, boîtes, lampes — sortira vers avril 2019.
En parallèle, je suis en résidence à la fondation Luma, en Arles, jusqu’en avril 2019, puis à la villa Kujoyama, au Japon, afin de poursuivre mon projet autour du bambou avec deux éléments de mobilier qui vont être produits là-bas.
L’idée est d’utiliser ici également ce matériau non plus en tant que fin, mais en tant qu’outil. Le bambou sera ainsi intégré dans le process de production sans être forcément l’objet final.
J’ai également réalisé des pièces en marbre noir qui sont actuellement en cours de production. Celles-ci sont réalisées en marbre belge, qui a la particularité de n’avoir aucune veinure. Cette première collection d’objets domestiques — miroirs, boîtes, lampes — sortira vers avril 2019.
En parallèle, je suis en résidence à la fondation Luma, en Arles, jusqu’en avril 2019, puis à la villa Kujoyama, au Japon, afin de poursuivre mon projet autour du bambou avec deux éléments de mobilier qui vont être produits là-bas.
L’idée est d’utiliser ici également ce matériau non plus en tant que fin, mais en tant qu’outil. Le bambou sera ainsi intégré dans le process de production sans être forcément l’objet final.
Quel serait le projet de vos rêves ?
Imaginer et bâtir une cabane en bois dans un coin reculé qui me permettrait de m’isoler, loin de tout. C’est quelque chose dont j’ai besoin pour me ressourcer. J’ai vécu toute ma vie à la campagne : quand je suis trop longtemps en ville, je sature. J’ai donc besoin de m’échapper hors du tumulte urbain. C’est un projet que j’ai toujours eu en tête et que je réaliserai un jour…
ET VOUS ?
Que pensez-vous des réalisations de Samy Rio ?
Découvrez d’autres portraits
Imaginer et bâtir une cabane en bois dans un coin reculé qui me permettrait de m’isoler, loin de tout. C’est quelque chose dont j’ai besoin pour me ressourcer. J’ai vécu toute ma vie à la campagne : quand je suis trop longtemps en ville, je sature. J’ai donc besoin de m’échapper hors du tumulte urbain. C’est un projet que j’ai toujours eu en tête et que je réaliserai un jour…
ET VOUS ?
Que pensez-vous des réalisations de Samy Rio ?
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Pourquoi avoir décidé de suivre des études de design après votre formation d’ébéniste ?
Je me suis rendu compte que l’artisanat était une pratique trop spécialisée, même si elle est aujourd’hui très précieuse dans mon activité.
Je n’avais pas envie de m’enfermer dans un certain type de création. J’ai donc choisi de poursuivre mes études dans le design, qui permet une pratique plus généraliste. Du point de vue de la création et de l’approche, la production d’objets me correspond mieux.