Deux Dublinoises remportent le prix Pritzker 2020
L'architecture rationnelle d'Yvonne Farrell et Shelley McNamara s'appuie sur le lieu et la fonction
Mitchell Parker
6 mars 2020
Cette année, la plus prestigieuse des distinctions en architecture revient à deux femmes — amies, associées, enseignantes et collègues depuis leur rencontre en école d’architecture voici quarante ans. Yvonne Farrell et Shelley McNamara, dont le cabinet est à Dublin, créent des structures rationnelles « sans intention de faire dans le grandiose ou le futile », a affirmé le jury (composé de huit membres) dans son communiqué du 3 mars. « Elles parviennent à concevoir des bâtiments de l’ordre du monumental, à la présence indéniable. Mais ils sont aussi ancrés dans leur périmètre, pensés pour offrir davantage d’espaces à taille humaine, facteurs du vivre-ensemble. »
Yvonne Farrell et Shelley McNamara, à la tête de Grafton Architects, ne sont que les quatrième et cinquième femmes à remporter le célèbre prix depuis sa création en 1979. Avant elles, il a été décerné à la regrettée Zaha Hadid en 2004, à Kazuyo Sejima en 2010 (avec Ryue Nishizawa) et Carme Pigem en 2017 (avec Rafael Aranda et Ramon Vilalta). « Pionnières dans une discipline traditionnellement dominée — hier comme aujourd’hui — par les hommes, Yvonne Farrell et Shelley McNamara ouvrent la voie à d’autres avec leur parcours professionnel exemplaire », a estimé le jury.
Yvonne Farrell et Shelley McNamara, à la tête de Grafton Architects, ne sont que les quatrième et cinquième femmes à remporter le célèbre prix depuis sa création en 1979. Avant elles, il a été décerné à la regrettée Zaha Hadid en 2004, à Kazuyo Sejima en 2010 (avec Ryue Nishizawa) et Carme Pigem en 2017 (avec Rafael Aranda et Ramon Vilalta). « Pionnières dans une discipline traditionnellement dominée — hier comme aujourd’hui — par les hommes, Yvonne Farrell et Shelley McNamara ouvrent la voie à d’autres avec leur parcours professionnel exemplaire », a estimé le jury.
Yvonne Farrell (à gauche) et Shelley McNamara, se sont rencontrées au début des années 1970 à l’école d’Architecture de l’University College de Dublin (UCD). Une fois diplômées, elles y ont toutes deux enseigné durant trente ans. Avec trois autres associés, elles ont fondé Grafton Architects en 1978, du nom de la rue (Grafton Street) où se trouvaient originellement leurs locaux.
Le lieu : voilà un fil rouge qui caractérise leurs quarante ans de carrière.
Si le travail de certains, à l’image de Zaha Hadid, répond à une idée de grandeur, les créations d’Yvonne Farrell et Shelley McNamara privilégient l’environnement urbain dans lequel elles s’inscrivent.
« Elles visent systématiquement et sans hésitation la plus haute qualité d’architecture, adaptée à son lieu, à sa fonction et surtout à ses résidents, ses usagers », a déclaré le jury.
Le lieu : voilà un fil rouge qui caractérise leurs quarante ans de carrière.
Si le travail de certains, à l’image de Zaha Hadid, répond à une idée de grandeur, les créations d’Yvonne Farrell et Shelley McNamara privilégient l’environnement urbain dans lequel elles s’inscrivent.
« Elles visent systématiquement et sans hésitation la plus haute qualité d’architecture, adaptée à son lieu, à sa fonction et surtout à ses résidents, ses usagers », a déclaré le jury.
Le campus de l’UTEC (2015) à Lima au Pérou (avec l’aimable autorisation d’Iwan Baan)
Pendant plus de vingt ans, leur travail a été confiné à leur Irlande natale, dont les montagnes et falaises ont souvent dicté les contours de leurs projets. Lorsque ceux-ci se sont tournés vers l’international, cette influence – un empilement d’angles émoussés et de formes plus proches de la roche escarpée que des lignes organiques – les a suivies. Le premier a été l’Università Luigi Bocconi de Milan, en 2008, 25 ans après leurs débuts.
Au Pérou, le campus de l’UTEC (Universidad de Ingenería y Tecnología) à Lima [photo], construit en 2015 à côté d’une autoroute et au bord d’un ravin, affiche une silhouette en cascade. Les architectes se sont inspirées de la citadelle inca du Machu Picchu.
Parmi leurs réalisations, de nombreux bâtiments universitaires, résidences, administrations et institutions culturelles. Toutes font preuve d’une « compréhension profonde d’un “esprit des lieux” », a précisé le jury. « Leur travail améliore et valorise l’environnement dans lequel il s’inscrit. Leurs bâtiments sont de “bons voisins” cherchant à apporter une contribution à la collectivité, au-delà de leur frontière physique. Ils vont dans le sens d’un meilleur fonctionnement de la ville. »
Pendant plus de vingt ans, leur travail a été confiné à leur Irlande natale, dont les montagnes et falaises ont souvent dicté les contours de leurs projets. Lorsque ceux-ci se sont tournés vers l’international, cette influence – un empilement d’angles émoussés et de formes plus proches de la roche escarpée que des lignes organiques – les a suivies. Le premier a été l’Università Luigi Bocconi de Milan, en 2008, 25 ans après leurs débuts.
Au Pérou, le campus de l’UTEC (Universidad de Ingenería y Tecnología) à Lima [photo], construit en 2015 à côté d’une autoroute et au bord d’un ravin, affiche une silhouette en cascade. Les architectes se sont inspirées de la citadelle inca du Machu Picchu.
Parmi leurs réalisations, de nombreux bâtiments universitaires, résidences, administrations et institutions culturelles. Toutes font preuve d’une « compréhension profonde d’un “esprit des lieux” », a précisé le jury. « Leur travail améliore et valorise l’environnement dans lequel il s’inscrit. Leurs bâtiments sont de “bons voisins” cherchant à apporter une contribution à la collectivité, au-delà de leur frontière physique. Ils vont dans le sens d’un meilleur fonctionnement de la ville. »
Campus de l’UTEC (avec l’aimable autorisation d’Iwan Baan)
Le campus de l’UTEC jouxte un pont autoroutier [visible dans la partie supérieure centrale de cette photo]. Le travail des architectes autour de ce terrain plus que complexe – d’un côté une autoroute, de l’autre des falaises basses marquant les limites de la ville – a été très largement salué.
« La face nord du bâtiment tient le rôle de “nouvelle falaise”. Au sud, des jardins en terrasses font écho à l’échelle urbaine moins imposante de ce côté-ci du quartier », ont écrit Yvonne Farrel et Shelley McNamara.
Le campus de l’UTEC jouxte un pont autoroutier [visible dans la partie supérieure centrale de cette photo]. Le travail des architectes autour de ce terrain plus que complexe – d’un côté une autoroute, de l’autre des falaises basses marquant les limites de la ville – a été très largement salué.
« La face nord du bâtiment tient le rôle de “nouvelle falaise”. Au sud, des jardins en terrasses font écho à l’échelle urbaine moins imposante de ce côté-ci du quartier », ont écrit Yvonne Farrel et Shelley McNamara.
Université Luigi Bocconi (2008), Milan (avec l’aimable autorisation de Federico Brunetti)
Tout en pierre, l’université Luigi Bocconi de Milan occupe à elle seule l’équivalent d’un pâté de maisons. Le bâtiment abrite des amphithéâtres, une salle de conférences, des bureaux, des salles de réunions, une bibliothèque et un café-restaurant pour les 1000 usagers des lieux.
Tout en pierre, l’université Luigi Bocconi de Milan occupe à elle seule l’équivalent d’un pâté de maisons. Le bâtiment abrite des amphithéâtres, une salle de conférences, des bureaux, des salles de réunions, une bibliothèque et un café-restaurant pour les 1000 usagers des lieux.
Université Luigi Bocconi (avec l’aimable autorisation de Federico Brunetti)
Autre constante dans le travail d’Yvonne Farrell et Shelley : « Elles comprennent comment concevoir des segments architecturaux complexes au sein de plus grands bâtiments, a détaillé le jury. Les espaces creusés dans leurs entrailles s’ouvrent invariablement sur un extérieur plus vaste. L’abondance de lumière naturelle y est systématique. Cette dernière entre par des fenêtres de toit, des ouvertures placées en hauteur, et s’invite dans les espaces les plus reculés. Ces percées ponctuent l’intérieur des édifices, joignent au chaleureux un intérêt visuel, permettent aux usagers de se repérer dans les espaces et pérennisent une nécessaire connexion avec l’extérieur. »
Autre constante dans le travail d’Yvonne Farrell et Shelley : « Elles comprennent comment concevoir des segments architecturaux complexes au sein de plus grands bâtiments, a détaillé le jury. Les espaces creusés dans leurs entrailles s’ouvrent invariablement sur un extérieur plus vaste. L’abondance de lumière naturelle y est systématique. Cette dernière entre par des fenêtres de toit, des ouvertures placées en hauteur, et s’invite dans les espaces les plus reculés. Ces percées ponctuent l’intérieur des édifices, joignent au chaleureux un intérêt visuel, permettent aux usagers de se repérer dans les espaces et pérennisent une nécessaire connexion avec l’extérieur. »
La London School of Economics and Political Science (en construction), à Londres (avec l’aimable autorisation de Grafton Architects)
La Loreto Community School (2006), Milford, Irlande (avec l’aimable autorisation de Ros Kavanagh)
Dans le village de Milford, en Irlande, l’école Loreto accueille plus de 700 élèves. Elle est articulée autour de quatre grandes composantes : un espace pour les repas et les échanges entouré par une aile technologique, un ensemble de salles de classe et un gymnase. L’ondulation de la toiture en zinc épouse symboliquement les courbes de l’écrin naturel dans lequel s’inscrit le complexe.
Dans le village de Milford, en Irlande, l’école Loreto accueille plus de 700 élèves. Elle est articulée autour de quatre grandes composantes : un espace pour les repas et les échanges entouré par une aile technologique, un ensemble de salles de classe et un gymnase. L’ondulation de la toiture en zinc épouse symboliquement les courbes de l’écrin naturel dans lequel s’inscrit le complexe.
Institut Mines-Télécom (2019), Paris (avec l’aimable autorisation de Grafton Architects)
Les grands espaces ouverts de l’Institut Mines-Télécom à Paris accueillent professeurs, étudiants et chercheurs.
Les grands espaces ouverts de l’Institut Mines-Télécom à Paris accueillent professeurs, étudiants et chercheurs.
Bureau du département des Finances (2009), Dublin (avec l’aimable autorisation de Dennis Gilbert)
Les bureaux du département des Finances occupent un terrain peu arrangeant au cœur de Dublin, avec pour voisins le jardin public de Saint Stephen Green, un cimetière huguenot et une rue de l’époque géorgienne (XVIIIe siècle).
Les bureaux du département des Finances occupent un terrain peu arrangeant au cœur de Dublin, avec pour voisins le jardin public de Saint Stephen Green, un cimetière huguenot et une rue de l’époque géorgienne (XVIIIe siècle).
Université Toulouse 1 Capitole, School of Economics (2019), Toulouse (avec l’aimable autorisation de Dennis Gilbert)
Récemment construit, le bâtiment de la School of Economics de l’université de Toulouse donne sur un coude du canal de Garonne. Selon les deux lauréates, il s’agit d’une « composition à partir d’une réinterprétation des grands marqueurs de la ville : les contreforts, les remparts, les montées, les intérieurs mystérieux et fascinants, les cloîtres et les cours intérieures ».
Récemment construit, le bâtiment de la School of Economics de l’université de Toulouse donne sur un coude du canal de Garonne. Selon les deux lauréates, il s’agit d’une « composition à partir d’une réinterprétation des grands marqueurs de la ville : les contreforts, les remparts, les montées, les intérieurs mystérieux et fascinants, les cloîtres et les cours intérieures ».
Université Toulouse 1 Capitole, School of Economics, Toulouse (avec l’aimable autorisation de Dennis Gilbert)
Town House, université de Kingston (2019), Kingston upon Thames, banlieue de Londres (avec l’aimable autorisation d’Ed Reeves)
La Town House de l’université de Kingston, en banlieue de Londres, est un ensemble d’espaces ouverts qu’unifient et enveloppent des colonnes de pierre formant la façade du bâtiment. Ici se chevauchent de vastes salles et espaces distribués sur deux ou trois niveaux.
La Town House de l’université de Kingston, en banlieue de Londres, est un ensemble d’espaces ouverts qu’unifient et enveloppent des colonnes de pierre formant la façade du bâtiment. Ici se chevauchent de vastes salles et espaces distribués sur deux ou trois niveaux.
Urban Institute of Ireland (2002), à Dublin (avec l’aimable autorisation de Ros Kavanagh)
L’Urban Institute of Ireland, au sein de l’University College de Dublin, borde une série de bâtiments du campus. Là des ingénieurs, urbanistes, géographes, économistes et scientifiques s’attachent à répondre par l’innovation aux défis du développement durable. Tuiles en terre cuite, briques rouges et dalle haute en granit composent le bâtiment.
L’Urban Institute of Ireland, au sein de l’University College de Dublin, borde une série de bâtiments du campus. Là des ingénieurs, urbanistes, géographes, économistes et scientifiques s’attachent à répondre par l’innovation aux défis du développement durable. Tuiles en terre cuite, briques rouges et dalle haute en granit composent le bâtiment.
Urban Institute of Ireland (avec l’aimable autorisation de Ros Kavanagh)
Dans un entretien accordé au told New York Times Yvonne Farrell et Shelley McNamarathat ont affirmé n’avoir jamais couru après une reconnaissance publique. Elles lui ont préféré « une manière de penser et quelques valeurs immuables », a confié Shelley McNamara au Times.
« Nous ne craignons ni le gigantisme ni les gestes forts quand ils s’imposent, mais nous ne craignons pas plus d’être dans l’ombre. Nous réfléchissons à la fois à un espace extraordinaire et à la manière dont un humain peut se sentir dedans. Nous envisageons notre mission comme humaniste avant tout. »
Le prix, fondé à Chicago par la famille Pritzker en 1979 et décerné par l’entremise de sa fondation Hyatt, s’accompagne d’une enveloppe de 100 000 dollars (environ 90 000 euros) et d’un médaillon en bronze. La distinction sera remise à Yvonne Farrell et Shelley McNamara en mai. Le lieu de cérémonie demeure inconnu, mais il aura inévitablement une importance architecturale.
Lire aussi :
Rencontre avec l’architecte chilien, lauréat du prix Pritzker 2016
Le prix Pritzker 2017 décerné à un trio espagnol
Le prix Pritzker 2018 décerné au pionnier de la modernité en Inde
Découvrez d’autres portraits d’architectes
Dans un entretien accordé au told New York Times Yvonne Farrell et Shelley McNamarathat ont affirmé n’avoir jamais couru après une reconnaissance publique. Elles lui ont préféré « une manière de penser et quelques valeurs immuables », a confié Shelley McNamara au Times.
« Nous ne craignons ni le gigantisme ni les gestes forts quand ils s’imposent, mais nous ne craignons pas plus d’être dans l’ombre. Nous réfléchissons à la fois à un espace extraordinaire et à la manière dont un humain peut se sentir dedans. Nous envisageons notre mission comme humaniste avant tout. »
Le prix, fondé à Chicago par la famille Pritzker en 1979 et décerné par l’entremise de sa fondation Hyatt, s’accompagne d’une enveloppe de 100 000 dollars (environ 90 000 euros) et d’un médaillon en bronze. La distinction sera remise à Yvonne Farrell et Shelley McNamara en mai. Le lieu de cérémonie demeure inconnu, mais il aura inévitablement une importance architecturale.
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Merci Mitchell Parker pour cet article !
félicitations !