Architecture durable
Développement durable
Écoconception : Rencontre avec Quentin Hirsinger de MatériO’
Houzz a rencontré le fondateur de MatériO’, qui regroupe des milliers de matières et technologies innovantes
Fondée il y a vingt ans, la base de données internationale MatériO’ propose pas moins de 8500 références de matériaux aux professionnels du monde entier. Après avoir ouvert un showroom à Paris, la mathériauthèque s’est peu à peu exportée à l’étranger, de Prague à Séoul, en passant par Shenzhen ou Shanghai. À l’heure où le développement durable est plus que jamais au cœur des problématiques de conception, de production et de consommation dans les domaines de l’architecture et du design, nous avons interrogé le fondateur et président de MatériO’, Quentin Hirsinger.
Le stand de MatériO’ lors de la dernière édition du salon Maison&Objet ©matériO’
L’idée est de promouvoir le décloisonnement et d’étendre le champ des possibles. Nous identifions des matières particulières qui sont souvent utilisées dans un domaine précis. Quelqu’un qui travaille dans le packaging, par exemple, connaîtra globalement les possibilités des papiers et cartons en passant peut-être à côté d’autres matériaux qui pourraient être intéressants.
Nous signalons ainsi à nos utilisateurs que ce type de gel polyuréthane ou ce textile métallique existe. Chacun va ensuite pouvoir s’approprier ces matières en réfléchissant à de nouvelles utilisations possibles.
L’idée est de promouvoir le décloisonnement et d’étendre le champ des possibles. Nous identifions des matières particulières qui sont souvent utilisées dans un domaine précis. Quelqu’un qui travaille dans le packaging, par exemple, connaîtra globalement les possibilités des papiers et cartons en passant peut-être à côté d’autres matériaux qui pourraient être intéressants.
Nous signalons ainsi à nos utilisateurs que ce type de gel polyuréthane ou ce textile métallique existe. Chacun va ensuite pouvoir s’approprier ces matières en réfléchissant à de nouvelles utilisations possibles.
©Selency
Quels types de matériaux ont été détournés de leur utilisation première pour être utilisés dans les domaines du design ou de l’architecture ?
Les tubes en fil Inox, qui servent généralement pour le forage pétrolier ou la filtration dans des stations d’épuration, sont désormais employés dans l’architecture pour effectuer de l’habillage de poteaux, de radiateurs ou encore faire office de brise-soleil sur une façade.
Autre exemple mondialement connu : le Formica, qui habille depuis les années 50 toutes sortes de pièces de mobilier.
Ce matériau composite, inventé en 1912 par deux ingénieurs américains, a été initialement conçu comme substitut au mica pour servir d’isolant électrique. Il se compose de feuilles de papier kraft imprégnées de résines phénoliques, qui sont pressées à chaud pour le conformer.
Quels types de matériaux ont été détournés de leur utilisation première pour être utilisés dans les domaines du design ou de l’architecture ?
Les tubes en fil Inox, qui servent généralement pour le forage pétrolier ou la filtration dans des stations d’épuration, sont désormais employés dans l’architecture pour effectuer de l’habillage de poteaux, de radiateurs ou encore faire office de brise-soleil sur une façade.
Autre exemple mondialement connu : le Formica, qui habille depuis les années 50 toutes sortes de pièces de mobilier.
Ce matériau composite, inventé en 1912 par deux ingénieurs américains, a été initialement conçu comme substitut au mica pour servir d’isolant électrique. Il se compose de feuilles de papier kraft imprégnées de résines phénoliques, qui sont pressées à chaud pour le conformer.
©Les Gambettes
Cet élément isolant a la même structure lamellaire que le mica. C’est aussi un produit standardisé capable d’être fabriqué en grande quantité.
Ce n’est qu’à la fin des années 20 que l’idée de placer en surface un décor lithographié pour créer un élément de décoration est née.
Cet élément isolant a la même structure lamellaire que le mica. C’est aussi un produit standardisé capable d’être fabriqué en grande quantité.
Ce n’est qu’à la fin des années 20 que l’idée de placer en surface un décor lithographié pour créer un élément de décoration est née.
Vasque en composite de copeaux de bois et résine biosourcée. À droite, une cotte de maille en plaquettes aluminium servant de tablier de protection dans l’industrie agroalimentaire ©matériO’
Comment a évolué la demande en matière de durabilité depuis la création de MatériO’ ?
Auparavant, les professionnels et entreprises étaient principalement dans une logique marketing ou tentaient tout simplement d’éviter d’être pénalisé économiquement. On note désormais une vraie prise de conscience en matière environnementale, mais aussi une méconnaissance des enjeux et de la complexité liés au développement durable. D’un point de vue compétences et formations, nous n’avons pas beaucoup avancé. Nous sommes encore dans une lecture plutôt manichéenne.
Comment a évolué la demande en matière de durabilité depuis la création de MatériO’ ?
Auparavant, les professionnels et entreprises étaient principalement dans une logique marketing ou tentaient tout simplement d’éviter d’être pénalisé économiquement. On note désormais une vraie prise de conscience en matière environnementale, mais aussi une méconnaissance des enjeux et de la complexité liés au développement durable. D’un point de vue compétences et formations, nous n’avons pas beaucoup avancé. Nous sommes encore dans une lecture plutôt manichéenne.
Quels sont les pièges à éviter lorsque l’on parle de matériaux durables ?
Le terme « matériau durable » est une chimère, une notion creuse et une facilité langagière dangereuse pour une véritable approche d’écoconception. La matière n’est pas bonne ou mauvaise. C’est l’utilisation que l’on en fait qui est judicieuse ou non. En termes environnementaux, on ne peut qualifier la matière sans tenir compte du projet dans lequel elle s’inscrit.
Le terme « matériau durable » est une chimère, une notion creuse et une facilité langagière dangereuse pour une véritable approche d’écoconception. La matière n’est pas bonne ou mauvaise. C’est l’utilisation que l’on en fait qui est judicieuse ou non. En termes environnementaux, on ne peut qualifier la matière sans tenir compte du projet dans lequel elle s’inscrit.
La chaise Thirsty, signée Zuiver (créée en collaboration avec le studio de design APE), réalisée en bouteilles PET recyclées ©Zuiver
Chaque projet doit être considéré dans son ensemble, dans son cycle, dans son cadre. Le meilleur choix de matière dans un cas peut s’avérer catastrophique dans un autre. Il faut avant tout accepter cette complexité pour avancer.
La matière emblématique généralement jugée mauvaise pour l’environnement — le plastique — a pourtant des qualités exceptionnelles. Dans le secteur médical, par exemple, il permet de sauver des millions de vies depuis les années 50. Nous nous battons contre ce terme, car il véhicule cette notion erronée que le bois serait meilleur que le plastique.
Chaque projet doit être considéré dans son ensemble, dans son cycle, dans son cadre. Le meilleur choix de matière dans un cas peut s’avérer catastrophique dans un autre. Il faut avant tout accepter cette complexité pour avancer.
La matière emblématique généralement jugée mauvaise pour l’environnement — le plastique — a pourtant des qualités exceptionnelles. Dans le secteur médical, par exemple, il permet de sauver des millions de vies depuis les années 50. Nous nous battons contre ce terme, car il véhicule cette notion erronée que le bois serait meilleur que le plastique.
Non tissé à partir de fibres de déchets de feuilles d’ananas servant comme alternative au cuir ©matériO’
On parle beaucoup de « cuir vegan » dans les domaines du design et de l’ameublement. Que pensez-vous de ces nouveaux matériaux ?
J’ai des demandes quasi quotidiennes pour du « cuir vegan ». Ici aussi, il y a un problème de sémantique. Il faut parler de similicuir lorsque l’on évoque un substitut du cuir imitant son aspect ou ses propriétés.
Plus de 95 % du cuir utilisé dans le monde est un déchet provenant de l’agroalimentaire. Pourquoi vouloir remplacer ce matériau naturel par des alternatives — généralement des textiles enduits de polyuréthane — beaucoup moins résistants et plus polluants ? D’un point de vue environnemental, le véritable enjeu aujourd’hui se situe autour des filières de tannage.
On parle beaucoup de « cuir vegan » dans les domaines du design et de l’ameublement. Que pensez-vous de ces nouveaux matériaux ?
J’ai des demandes quasi quotidiennes pour du « cuir vegan ». Ici aussi, il y a un problème de sémantique. Il faut parler de similicuir lorsque l’on évoque un substitut du cuir imitant son aspect ou ses propriétés.
Plus de 95 % du cuir utilisé dans le monde est un déchet provenant de l’agroalimentaire. Pourquoi vouloir remplacer ce matériau naturel par des alternatives — généralement des textiles enduits de polyuréthane — beaucoup moins résistants et plus polluants ? D’un point de vue environnemental, le véritable enjeu aujourd’hui se situe autour des filières de tannage.
Projet In Vivo, Paris XIIIe -
2020 Lauréat Réinventer Paris © XTU
Quels sont les projets durables dont on parle le plus aujourd’hui en architecture ?
On réfléchit désormais de plus en plus à des bâtiments écologiquement vertueux qui sont, d’un point de vue énergétique, neutres ou émetteurs.
Il y a un travail très intéressant autour des micro-algues mais je suis beaucoup plus dubitatif au sujet du photovoltaïque, car l’industrie de production est extrêmement polluante. Il y a, en amont, d’importants impacts en termes environnementaux, d’autant plus que les cellules que l’on construit aujourd’hui ne sont pas très pérennes.
2020 Lauréat Réinventer Paris © XTU
Quels sont les projets durables dont on parle le plus aujourd’hui en architecture ?
On réfléchit désormais de plus en plus à des bâtiments écologiquement vertueux qui sont, d’un point de vue énergétique, neutres ou émetteurs.
Il y a un travail très intéressant autour des micro-algues mais je suis beaucoup plus dubitatif au sujet du photovoltaïque, car l’industrie de production est extrêmement polluante. Il y a, en amont, d’importants impacts en termes environnementaux, d’autant plus que les cellules que l’on construit aujourd’hui ne sont pas très pérennes.
BayEcotarium, San Francisco © XTU
L’agence XTU, fondée par les architectes Anouk Legendre et Nicolas Desmazières, développe des recherches dans les biotechnologies. Investis dans la recherche expérimentale, ils développent des biofaçades en micro-algues, véritables capteurs solaires biologiques. L’architecture mise en œuvre est conçue comme un écosystème qui assure la préservation de la biodiversité en milieu urbain. Ce type de démarche est très intéressant car réfléchi en termes de cycle.
Les réflexions autour du biomimétisme sont tout aussi passionnantes. Certains architectes puisent notamment leur inspiration dans la structure complexe des termitières pour créer des bâtiments dotés d’une ventilation naturelle.
ET VOUS ?
Que pensez-vous des matériaux dits écoresponsables ?
Lire aussi :
Décorer durable : 7 éléments clés pour faire un choix responsable
Suivez les tendances déco
L’agence XTU, fondée par les architectes Anouk Legendre et Nicolas Desmazières, développe des recherches dans les biotechnologies. Investis dans la recherche expérimentale, ils développent des biofaçades en micro-algues, véritables capteurs solaires biologiques. L’architecture mise en œuvre est conçue comme un écosystème qui assure la préservation de la biodiversité en milieu urbain. Ce type de démarche est très intéressant car réfléchi en termes de cycle.
Les réflexions autour du biomimétisme sont tout aussi passionnantes. Certains architectes puisent notamment leur inspiration dans la structure complexe des termitières pour créer des bâtiments dotés d’une ventilation naturelle.
ET VOUS ?
Que pensez-vous des matériaux dits écoresponsables ?
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MatériO’ a été créée pour identifier les matières singulières, innovantes, atypiques venant de tous types de secteurs, du packaging à l’architecture en passant par la cosmétique, l’industrie de la mode ou encore le secteur automobile.