Exclusif : Les coulisses de la serre tropicale du zoo de Vincennes
Découvrez l'aménagement spectaculaire de la plus grande serre tropicale de France
Agnès Carpentier
23 juillet 2015
Contributrice HOUZZ. Journaliste.
Le « nouveau » zoo de Vincennes, ouvert depuis le 12 avril 2014, se place désormais parmi les plus beaux zoos du monde. Né en 1934, il avait dû fermer ses portes en 2008 pour raison de vétusté. Deux ans et demi de travaux ont été nécessaires pour le métamorphoser en zoo du XXIᵉ siècle, un zoo à la finalité réinventée. L’attraction originelle, visant à montrer le plus possible d’animaux et à souligner leur étrangeté a laissé place à un lieu d’étude et de conservation, permettant de sensibiliser le public à la vie de l’animal dans son milieu. À cette fin, le biotope de cinq zones de la planète (Europe, plaine du Sahel-Soudan en Afrique, Madagascar, Guyane et Patagonie) a été reconstitué. Le public y chemine à travers le parcours de son choix, où il découvre les animaux évoluant le plus librement possible dans chacun de ces milieux reconstitués. Fine fleur de cet aménagement, une immense serre tropicale accueille la flore et la faune de Guyane et Madagascar. Olivier Bedouelle, dirigeant de la société Vertdéco, en charge de la végétalisation de la serre, a bien voulu nous dévoiler les coulisses de cette incroyable expérience d’architecture paysagiste en France, un projet qui a occupé son entreprise pendant 9 mois pour un budget de 1 300 000 euros.
Imaginez une bulle de verre de 4 000 m² (100 x 40 mètres, soit la taille d’un terrain de foot) et d’une hauteur de 16 mètres, plantée sur 2 500 m² d’un ensemble de végétaux endémiques reproduisant la forêt tropicale et, plus particulièrement, les biotopes de Guyane et de Madagascar. Une serre où évoluent aujourd’hui 67 espèces d’animaux, parfois en totale liberté, des lamantins aux aras, des tamanoirs aux paresseux en passant par de nombreux petits primates. « Ce projet, unique en France, n’a d’équivalent qu’à Zurich ou Berlin », s’enthousiasme encore Olivier Bedouelle. « C’est l’écrin du zoo de Vincennes, son côté “waouh”. Une des visites désormais incontournables dans la capitale. »
Pas plus de deux ou trois sociétés en France étaient aptes à mener un tel projet. Vertdéco a remporté le concours en raison de son travail depuis 30 ans sur les plantes d’intérieur, tropicales notamment, et la connaissance de leur acclimatation, des substrats, de leur arrosage et de leurs fournisseurs.
Dans la serre conçue par Bernard Tschumi et Véronique Descharrières, architectes urbanistes, des paysages fidèles à ceux de la Guyane et de Madagascar ont été imaginés par l’atelier d’architecture paysagiste de Jacqueline Osty. À charge pour Vertdéco de choisir les végétaux endémiques propres à reconstituer le milieu de vie de la faune de ces régions et d’en assurer l’installation.
« Nous avons été choisir les végétaux en Floride, d’où ils viennent majoritairement, ainsi que du Costa Rica. Le problème majeur était le rapatriement et il était impossible à assurer depuis la Guyane ou Madagascar. » 350 grands végétaux, de 3 à 15 mètres, ont ainsi dû traverser l’Atlantique. Direction la Hollande pour une période d’acclimatation en serre de quatre à six mois. « Nous avons bien une grande serre chez Vertdéco mais elle ne fait que 8 mètres de haut… », déplore Olivier Bedouelle.
Les grands végétaux, arbres et palmiers, dont une cinquantaine de sujets d’exception, ont par la suite été transportés à Vincennes en semi-remorque, à raison de deux ou trois par camions. « L’un d’entre eux, l’immense arbre du voyageur qui atteint 16 mètres de haut, a même nécessité un camion à lui tout seul. »
Après un long voyage en camion, ficelés dans du plastique, les grands végétaux devaient être très vite installés sur place afin de ne pas se détériorer. « Certains jours, nous avions jusqu’à quinze jardiniers spécialisés dans les plantes tropicales d’intérieur sur le terrain afin d’installer les plantes », note Olivier Bedouelle.
« La manipulation des végétaux a été très difficile. Les travaux ont eu lieu pendant la période estivale et, sous la serre, la chaleur était intense. Et pas question d’y faire entrer les camions transportant les végétaux… Il nous a fallu des engins de levage pour manipuler avec soin des espèces extrêmement fragiles et cassantes et les installer dans des endroits inaccessibles comme des rochers. »
Quand Olivier Bedouelle a pris possession de la serre pour la végétaliser, celle-ci était « vide ». Il a d’abord fallu procéder au terrassement et à la création du relief et des zones de plantation. « Nous avons fonctionné par zone car nous n’étions pas seuls à intervenir dans ces lieux. Étaient aussi présents les personnes qui créaient les contours et les rochers en béton, les électriciens, ceux qui devaient construire les enclos et les cages pour les animaux… Dès qu’ils avaient fini une zone, nous intervenions. »
2 500 sacs de 1 m³ de terre ont dû être amenés et enrichis d’un substrat minéral drainant, un véritable travail de titan !
Chaque petite zone de plantation a pris environ trois semaines de travail. Deux semaines étaient consacrées au terrassement et à la préparation des plantations sur la zone. La dernière était réservée à la mise en terre des végétaux eux-mêmes.
Les plantations dans chaque zone ont été très organisées : « On a commencé par les grands arbres, de 3 à 15 mètres de haut, puis on a planté la moyenne strate constituée par des végétaux de 1,5 à 2 mètres. Enfin ont été mises en terre les petites plantes, retombantes, couvre-sol (Pothos, Aglaonema, Syngonium…). Chacune d’entre elles est arrivée numérotée de chez le fournisseur et le jardinier devait la placer à l’endroit où son numéro figurait dans le plan afin d’éviter toute erreur. »
En tout, 350 grands arbres, 1 000 végétaux de moyenne taille et 5 000 petits végétaux ont été installés de mai à novembre 2013. Les plantes fleuries, telles les orchidées, ont quant à elles été mises en terre peu de temps avant l’ouverture du zoo (le 12 avril 2014) afin que la serre soit en habits d’apparat pour l’occasion.
La serre reproduit un climat tropical avec une température de 25 °C en été, 20 °C en hiver et 75 % d’hygrométrie toute l’année. Un « fog system », sorte de brumisateur géant, fait partie du système de climatisation de la serre. Vertdéco a pour sa part installé un arrosage automatique de type goutte-à-goutte avec apport d’engrais automatique pour conserver la beauté des plantes.
Certaines zones à l’instar de celle habitée par le tamanoir, animal fouisseur, n’ont néanmoins pas pu être équipées avec les tuyaux du goutte-à-goutte enfouis à une dizaine de centimètres de profondeur dans la terre. Ces zones doivent être arrosées à la main par les six jardiniers du Muséum d’histoire naturelle, propriétaire du zoo de Vincennes.
Question entretien encore, la serre est traitée biologiquement pour lutter contre les acariens et surtout les cochenilles. « Nous faisons des lâchages d’insectes », explique Olivier Bedouelle. « Ils sont contenus dans des sacs que l’on met sur les arbres. Ils pondent dans les cocons de cochenilles et les détruisent durablement. »
Le paysagiste explique que les cochenilles farineuses et celles à carapaces sont les principales nuisances des plantes d’intérieur tropicales, y compris chez les particuliers. Les ficus notamment y sont sujets. Elles sont souvent amenées via la terre ou les outils de jardinage et sont compliquées à traiter avec des produits phytosanitaires.
Un an après cet aménagement inouï, Olivier Bedouelle est fier de son œuvre : « Mission réussie ! 99,9 % des plantes se sont enracinées parfaitement et sont en très bonne santé. »
ET VOUS ?
Avez-vous déjà visité cette incroyable serre ?
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Jardin : Comment choisir sa serre ?
Cultiver des palmiers, mode d’emploi
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Merci zefilm ! Passionnant à écrire également :)
Je vis au Tchad et nous avons des températures de 45 à 50°c à l'ombre...est-il possible d'implanter un projet de jardin sous serre dans un tel contexte climatique?