Déco de saison
La Norvège est-elle la nouvelle star du design scandinave ?
Longtemps outsider du design scandinave, la Norvège sortirait-elle de l'ombre ? Focus sur la Oslo Design Fair
La collection de verrerie Siri, imaginée par Willy Johansson et lancée pour la première fois en 1954, fait un grand retour cette année. Elle est produite par Hadeland Glassverk, la plus ancienne verrerie du pays, fondée en 1762.
La présence de la Norvège s’est toutefois fait ressentir dans les allées du salon — parmi les créations de la garde norvégienne, certes plus resserrée que les autres. Citons par exemple les canapés très modernes au minimalisme typiquement scandinave du fabricant norvégien Hovden Møbel (établi depuis plus de 70 ans). On a aussi pu admirer le travail de la verrerie Hadeland Glassverk, avec plusieurs collections d’art de la table et accessoires pour la maison, dessinés en collaboration avec des grands noms du design norvégien.
La présence de la Norvège s’est toutefois fait ressentir dans les allées du salon — parmi les créations de la garde norvégienne, certes plus resserrée que les autres. Citons par exemple les canapés très modernes au minimalisme typiquement scandinave du fabricant norvégien Hovden Møbel (établi depuis plus de 70 ans). On a aussi pu admirer le travail de la verrerie Hadeland Glassverk, avec plusieurs collections d’art de la table et accessoires pour la maison, dessinés en collaboration avec des grands noms du design norvégien.
Il n’est pas surprenant que le design norvégien soit moins représenté lors de grands événements comme celui-ci. Fermez-les yeux un instant et laissez venir des images de mobilier scandinave. Lesquelles vous viennent en premier à l’esprit ? Une pièce emblématique du design danois, fauteuil d’Arne Jacobsen ou chaise de Hans J. Wegner ? Peut-être un meuble de chez Ikea, géant suédois du mobilier à petit prix ? Un vase ou un fauteuil du designer finlandais Alvar Aalto ?
Il est fort probable que vous ayez pensé à tout sauf à des créations norvégiennes. Le pays est en effet loin d’avoir la même aura que ses voisins en matière de design — un constat qui pourrait bien être démenti dans un avenir proche. Nous avons demandé à des experts du design et de l’architecture norvégiens de nous livrer leur lecture de la situation.
Il est fort probable que vous ayez pensé à tout sauf à des créations norvégiennes. Le pays est en effet loin d’avoir la même aura que ses voisins en matière de design — un constat qui pourrait bien être démenti dans un avenir proche. Nous avons demandé à des experts du design et de l’architecture norvégiens de nous livrer leur lecture de la situation.
Si la culture norvégienne du design est moins bien connue que celle des autres pays scandinaves, cela s’explique avant tout par des choix stratégiques du pays. Concentrée depuis longtemps sur les matières brutes et les ressources naturelles — pêche et d’agriculture tout d’abord, puis gaz et, surtout, pétrole — la Norvège est souvent passée sous le radar de la sphère du design. « La Norvège est un pays pétrolier. Elle a tout simplement choisi d’investir tous ses efforts dans ce qui dépendait de près ou de loin de l’industrie pétrolière. Elle en a tiré une vraie manne financière », explique Louise Byg Kongsholm, chercheuse en tendances et PDG du cabinet de consultants et éditeur PEJ Group. « Le design n’a jamais été une priorité en Norvège. »
Canapé modulable Connect, du duo norvégien Anderssen & Voll pour le fabricant danois Muuto
La communication et le marketing ne figurent pas non plus en tête des préoccupations, estime Tor Inge Hjemdal, PDG du Centre norvégien du design et de l’architecture (DOGA), financé par le gouvernement. « En Norvège, on conçoit des produits d’excellente facture. Mais pour ce qui est de leur mise en avant, du marketing et de la vente, nous sommes loin derrière. Si le produit est de bonne qualité, on estime qu’il revient ensuite à chacun de s’y intéresser ou non. C’est un vrai défi culturel et cela explique en grande partie notre relative invisibilité à l’échelle mondiale », décrypte le spécialiste.
La communication et le marketing ne figurent pas non plus en tête des préoccupations, estime Tor Inge Hjemdal, PDG du Centre norvégien du design et de l’architecture (DOGA), financé par le gouvernement. « En Norvège, on conçoit des produits d’excellente facture. Mais pour ce qui est de leur mise en avant, du marketing et de la vente, nous sommes loin derrière. Si le produit est de bonne qualité, on estime qu’il revient ensuite à chacun de s’y intéresser ou non. C’est un vrai défi culturel et cela explique en grande partie notre relative invisibilité à l’échelle mondiale », décrypte le spécialiste.
Miroir encadré, signé Anderssen & Voll pour le Danois Muuto
« C’est inscrit en chacun ici, cette idée de ne pas sortir du lot, de ne pas se faire voir ou entendre. Cela pose problème et il est important que les jeunes générations de designers inversent la tendance et deviennent plus audacieux », ajoute Marie Aune, architecte d’intérieur norvégienne et professionnelle Houzz.
« C’est inscrit en chacun ici, cette idée de ne pas sortir du lot, de ne pas se faire voir ou entendre. Cela pose problème et il est important que les jeunes générations de designers inversent la tendance et deviennent plus audacieux », ajoute Marie Aune, architecte d’intérieur norvégienne et professionnelle Houzz.
Couverts Maya, par Tias Eckhoff, initialement produits par Norstaal en 1962 et aujourd’hui fabriqués par le Danois Stelton.
Tor Inge Hjemdal souligne parallèlement la tradition de l’utile et du fonctionnel au sein du design norvégien. Si l’esthétique et la conception sont au cœur de l’identité culturelle au Danemark et en Suède, l’interprétation du design est différente en Norvège. « Chez nous, le principe de fonctionnalité prime sur le reste. L’expression esthétique passe au second plan », analyse-t-il. « C’est une bonne démarche de ne pas se focaliser sur l’apparence, mais il est aussi vrai que la notion même d’esthétique est perçue par de nombreux Norvégiens comme quelque chose d’élitiste, de coûteux et d’accessoire. On peut donc à leurs yeux s’en passer. »
Tor Inge Hjemdal souligne parallèlement la tradition de l’utile et du fonctionnel au sein du design norvégien. Si l’esthétique et la conception sont au cœur de l’identité culturelle au Danemark et en Suède, l’interprétation du design est différente en Norvège. « Chez nous, le principe de fonctionnalité prime sur le reste. L’expression esthétique passe au second plan », analyse-t-il. « C’est une bonne démarche de ne pas se focaliser sur l’apparence, mais il est aussi vrai que la notion même d’esthétique est perçue par de nombreux Norvégiens comme quelque chose d’élitiste, de coûteux et d’accessoire. On peut donc à leurs yeux s’en passer. »
Canapé de la collection Oslo, par Anderssen & Voll pour Muuto
Einar Wahlstrøm, architecte norvégien et professionnel Houzz, confirme : « Les professions créatives, comme dans le cinéma, la musique, le design ou l’architecture, sont considérées avec scepticisme en Norvège. En Suède et au Danemark, les hommes et femmes politiques ont au contraire su valoriser tout ce qui relève de l’artistique, du créatif. »
Einar Wahlstrøm, architecte norvégien et professionnel Houzz, confirme : « Les professions créatives, comme dans le cinéma, la musique, le design ou l’architecture, sont considérées avec scepticisme en Norvège. En Suède et au Danemark, les hommes et femmes politiques ont au contraire su valoriser tout ce qui relève de l’artistique, du créatif. »
Mats Linder — un Suédois vivant en Norvège et expert du design norvégien depuis plus de 20 ans — souligne la longue histoire du pays en matière de design. Quelques pièces seulement ont cependant connu un succès mondial, en tête desquelles la chaise haute Tripp Trapp de Peter Opsvik pour Stokke. Depuis son lancement en 1972, le fabricant en a vendu un peu plus de 11,5 millions d’exemplaires.
Chaise haute Tripp Trapp, imaginée par Peter Opsvik pour Stokke, chaises Wishbone par Hans J. Wegner (ci-dessus) et Series 7 par Arne Jacobsen (ci-dessous)
Chaise haute Tripp Trapp, imaginée par Peter Opsvik pour Stokke, chaises Wishbone par Hans J. Wegner (ci-dessus) et Series 7 par Arne Jacobsen (ci-dessous)
« L’histoire du design en Norvège est assez passionnante, notamment dans les années 1950 et 1960, période de création de grands classiques danois également. Mais contrairement à ses voisins, le pays n’a pas su mettre en lumière cette tradition et ce savoir-faire », regrette Mats Linder, auteur de six ouvrages sur le sujet.
Canapé Tiki signé Andreas Engesvik pour le Suédois Fogia
Le design norvégien est-il voué à rester dans une relative pénombre ou a-t-il de belles heures de gloire devant lui ?
Les choses ont déjà commencé à bouger à l’échelle mondiale. Ida Aandal Røijen, du service de promotion internationale au sein du DOGA, signale ainsi la présence du design norvégien à la London Design Week depuis 2003 sous le label « 100 % Norway », mais aussi à la Milan Design Week avec l’exposition Norwegian Presence. « Nous sommes entrés dans ce que j’appellerais un nouvel âge d’or du design norvégien. Cela a commencé par un mouvement plutôt underground mené par des collectifs, comme Norway Says, et des jeunes talents : Andreas Engesvik, Torbjørn Anderssen ou Espen Voll », raconte-t-elle.
Le design norvégien est-il voué à rester dans une relative pénombre ou a-t-il de belles heures de gloire devant lui ?
Les choses ont déjà commencé à bouger à l’échelle mondiale. Ida Aandal Røijen, du service de promotion internationale au sein du DOGA, signale ainsi la présence du design norvégien à la London Design Week depuis 2003 sous le label « 100 % Norway », mais aussi à la Milan Design Week avec l’exposition Norwegian Presence. « Nous sommes entrés dans ce que j’appellerais un nouvel âge d’or du design norvégien. Cela a commencé par un mouvement plutôt underground mené par des collectifs, comme Norway Says, et des jeunes talents : Andreas Engesvik, Torbjørn Anderssen ou Espen Voll », raconte-t-elle.
Canapé de la collection Oslo et pouf Five par Anderssen & Voll pour le Danois Muuto
Le futur s’annonce aussi radieux pour les architectes d’intérieur : « J’ai le sentiment que la Norvège a de belles perspectives devant elle, une reconnaissance internationale à venir. Je ne vis ici que depuis quelques années, mais je constate déjà la place grandissante d’Oslo dans la sphère de l’architecture d’intérieur. Je vois une nouvelle génération d’âmes créatives prêtes à porter haut le flambeau norvégien », témoigne la designer d’intérieurs Alexia Lundgreen. Elle vient de Belgique et d’Allemagne, a étudié et travaillé aux Pays-Bas, aux États-Unis et en France, et vit en Norvège depuis 2015.
Le futur s’annonce aussi radieux pour les architectes d’intérieur : « J’ai le sentiment que la Norvège a de belles perspectives devant elle, une reconnaissance internationale à venir. Je ne vis ici que depuis quelques années, mais je constate déjà la place grandissante d’Oslo dans la sphère de l’architecture d’intérieur. Je vois une nouvelle génération d’âmes créatives prêtes à porter haut le flambeau norvégien », témoigne la designer d’intérieurs Alexia Lundgreen. Elle vient de Belgique et d’Allemagne, a étudié et travaillé aux Pays-Bas, aux États-Unis et en France, et vit en Norvège depuis 2015.
Nappe : Andreas Engesvik pour le fabricant danois Georg Jensen Damask
Au DOGA, Ida Aandal Røijen évoque l’un des principaux obstacles que rencontre l’industrie du design norvégien : elle n’est pas équipée pour répondre au succès à grande échelle (contrairement au Danemark ou à la Suède). Mats Linder note l’empreinte laissée par certains jeunes designers norvégiens au sein de grands studios internationaux, mais le plus souvent hors des frontières de leur pays. « La Norvège a un vrai vivier de jeunes designers talentueux, mais l’industrie, elle, n’est pas prête. Ils vont donc chercher ailleurs et signent des collaborations avec des entreprises extérieures et des marques telles que Kähler, Knoll, Panasonic, Muuto, Hay ou Luceplan. C’est une fuite des cerveaux créatifs », déplore-t-il.
Au DOGA, Ida Aandal Røijen évoque l’un des principaux obstacles que rencontre l’industrie du design norvégien : elle n’est pas équipée pour répondre au succès à grande échelle (contrairement au Danemark ou à la Suède). Mats Linder note l’empreinte laissée par certains jeunes designers norvégiens au sein de grands studios internationaux, mais le plus souvent hors des frontières de leur pays. « La Norvège a un vrai vivier de jeunes designers talentueux, mais l’industrie, elle, n’est pas prête. Ils vont donc chercher ailleurs et signent des collaborations avec des entreprises extérieures et des marques telles que Kähler, Knoll, Panasonic, Muuto, Hay ou Luceplan. C’est une fuite des cerveaux créatifs », déplore-t-il.
Ces difficultés ont toutefois apporté une vraie force au design norvégien : le goût du travail collaboratif. « La réflexion collective fait partie intégrante du processus de création. Les jeunes talents sont nombreux à avoir compris qu’on gagne à travailler ensemble, en groupes ou en collectifs », poursuit Ida Aandal Røijen. Elle cite le collectif Klubben et sa trentaine de designers norvégiens œuvrant de concert dans diverses disciplines. « J’ai été approchée par des homologues suédois, qui trouvent notre démarche non concurrentielle à la fois rafraîchissante et visionnaire. Nous avons tissé une toile très solide. »
Louise Byg Kongsholm prédit à la Norvège une opportunité de réellement percer à l’échelle mondiale si elle parvient à prendre en compte l’histoire du design dans le pays — et à la valoriser. « Il faut retourner dans les archives et creuser pour trouver les pépites. On y voit du mobilier ancien, classique, en bois, mais aussi une approche traditionnelle de la céramique, du tricot et de la laine. Une véritable mine d’inspiration. Mais il ne faut pas oublier de penser business, garder en tête la clientèle étrangère qui sera prête à investir. »
Une démarche déjà entamée par des fabricants norvégiens, à l’image de Fjordfiesta. Ce dernier a en effet lancé une production de classiques norvégiens, comme ce fauteuil 1001 de Sven Ivar Dysthe (photo).
Une démarche déjà entamée par des fabricants norvégiens, à l’image de Fjordfiesta. Ce dernier a en effet lancé une production de classiques norvégiens, comme ce fauteuil 1001 de Sven Ivar Dysthe (photo).
Autre point fort norvégien largement exposé lors du salon, dans le cadre de l’exposition Rethink : l’esprit écoresponsable. Il s’est traduit par la création de stands (photo ci-dessus et en début d’article) comme des cubes, en bois, créés en collaboration avec des cabinets d’architecture (Vardehaugen et Aslak Haanshuus, entre autres). Le principe ? Penser développement durable et ne pas se contenter de jeter les cabines une fois le salon terminé. Elles seront ainsi acheminées vers Træna, dans le nord du pays, et intégrées à de futurs projets de construction.
Un bon exemple de l’esprit d’écoresponsabilité qui règne parmi les architectes et designers norvégiens. Et une opportunité à l’heure où le développement durable est sur toutes les lèvres. Une analyse que partagent plusieurs experts. « Le design norvégien s’inscrit dans une tradition de qualité et de robustesse : en d’autres termes, de développement durable. Nous grandissons tous avec l’idée que les produits doivent être de bonne qualité et résister au passage du temps. Nous n’avons pas du tout une culture du jetable, comme c’est souvent le cas ailleurs », précise Ida Aandal Røijen.
Louise Byg Kongsholm voit cet engouement international pour la question écologique et la bataille contre le plastique comme une chance pour la Norvège. « Elle excelle dans le bois et les autres matériaux naturels. C’est sur eux qu’elle doit se concentrer, estime l’analyste. Le consommateur d’aujourd’hui exige plus de nature, de sérénité et de grand air. La Norvège a beaucoup à offrir de ce côté-là, et de quoi se démarquer de ses voisins. » Elle cite par exemple le Danemark aux paysages plus plats, face à une Norvège montagneuse et riche d’une beauté sauvage très diverse.
Miroir encadré signé Anderssen & Voll pour Muuto
Dernier atout entre les mains du design norvégien : sa relative discrétion jusqu’ici. C’est du moins ce que pense Mats Linder. « La Norvège reste assez méconnue, une terre à découvrir. On peut en faire un levier de communication, surtout que la qualité est par ailleurs au rendez-vous. Le design norvégien pourrait faire un vrai bond dans les années à venir. »
Dernier atout entre les mains du design norvégien : sa relative discrétion jusqu’ici. C’est du moins ce que pense Mats Linder. « La Norvège reste assez méconnue, une terre à découvrir. On peut en faire un levier de communication, surtout que la qualité est par ailleurs au rendez-vous. Le design norvégien pourrait faire un vrai bond dans les années à venir. »
Chaise Scandia signée Hans Brattrud, fabriquée par Fjordfiesta
5 nouveaux designers norvégiens à suivre :
ET VOUS ?
Que pensez-vous de ces nouvelles tendances ?
Suivez les tendances déco
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Nous sommes à la Oslo Design Fair, aux abords de la capitale norvégienne. Temps fort du design norvégien, elle attire deux fois l'an des milliers de professionnels du pays, mais reste dominée par les créations venues d'ailleurs.