Le design au service de l'altermondialisme
Dans un monde où chaque geste compte, on peut acheter éthique sans rien sacrifier au style
Aujourd’hui, des millions de personnes à travers le monde s’inquiètent de l’avenir de notre planète et des conditions de vie de leurs prochains. En Europe, les pays du Nord font figure de pionniers : recyclage des ordures, consommation de produits bio et locaux et, lentement mais sûrement, prise de conscience de la nécessité d’une déco éthique. C’est dans le cadre de cette effervescence grandissante autour de l’achat intelligent que nous avons rencontré quatre designers engagés. Ils nous racontent leur vision du monde et la co-création avec des artisans du Kenya, de Thaïlande et du Vietnam.
Comment vous est venue l’idée de créer des produits avec des artisans kényans ?
« J’ai déménagé au Kenya avec ma famille en 2009, et ai été fascinée par l’artisanat africain », se souvient Minna Impiö. « À cette époque, j’ai eu l’occasion de voir de talentueux artisans à l’œuvre – mais aussi les conditions difficiles dans lesquelles ils vivent. Mari était alors en Finlande et travaillait sur ses propres projets. Nous avions déjà évoqué la possibilité d’une collaboration et notre choix s’est naturellement porté sur le Kenya lorsqu’il a fallu lancer notre nouvelle activité. Nous voulions porter les couleurs du commerce équitable. Nous avons choisi de travailler en premier lieu avec des groupements de femmes autogérés dans les petits villages, et avec des ateliers dans les villes plus grandes. Plus de 90 % des 400 artisans avec lesquels nous travaillons étaient auparavant des fermiers défavorisés. Mifuko leur offre l’occasion d’étendre leur savoir-faire tout en percevant un bon revenu. »
« J’ai déménagé au Kenya avec ma famille en 2009, et ai été fascinée par l’artisanat africain », se souvient Minna Impiö. « À cette époque, j’ai eu l’occasion de voir de talentueux artisans à l’œuvre – mais aussi les conditions difficiles dans lesquelles ils vivent. Mari était alors en Finlande et travaillait sur ses propres projets. Nous avions déjà évoqué la possibilité d’une collaboration et notre choix s’est naturellement porté sur le Kenya lorsqu’il a fallu lancer notre nouvelle activité. Nous voulions porter les couleurs du commerce équitable. Nous avons choisi de travailler en premier lieu avec des groupements de femmes autogérés dans les petits villages, et avec des ateliers dans les villes plus grandes. Plus de 90 % des 400 artisans avec lesquels nous travaillons étaient auparavant des fermiers défavorisés. Mifuko leur offre l’occasion d’étendre leur savoir-faire tout en percevant un bon revenu. »
À présent que vous êtes toutes deux de retour en Finlande, quelles difficultés constatez-vous dans ces collaborations à distance ?
« Il est compliqué de garantir une qualité comparable entre chaque produit lorsque nous ne sommes pas sur place », déplore Mari Martikainen. « Les ateliers comptent de nombreux artisans, et certains travaillent vite, d’autres moins, ce qui peut provoquer des retards dans les livraisons. »
« Il est compliqué de garantir une qualité comparable entre chaque produit lorsque nous ne sommes pas sur place », déplore Mari Martikainen. « Les ateliers comptent de nombreux artisans, et certains travaillent vite, d’autres moins, ce qui peut provoquer des retards dans les livraisons. »
Comment remédiez-vous à ce problème ?
« Deux fois par an, Mari et moi nous rendons au Kenya. Nous allons à la rencontre de chaque groupe d’artisans et évoquons avec eux leur situation, les problèmes qu’ils rencontrent. Le reste du temps, un consultant sur place leur rend visite deux fois par semaine. Il s’assure que la communication reste fluide entre nous et les femmes là-bas », explique Minna.
« Deux fois par an, Mari et moi nous rendons au Kenya. Nous allons à la rencontre de chaque groupe d’artisans et évoquons avec eux leur situation, les problèmes qu’ils rencontrent. Le reste du temps, un consultant sur place leur rend visite deux fois par semaine. Il s’assure que la communication reste fluide entre nous et les femmes là-bas », explique Minna.
Comment décririez-vous ce travail avec une autre culture ?
« Dans les premiers temps, nous avons eu du mal à leur faire comprendre pourquoi un panier devait être noir et blanc si telle était la commande passée », s’amuse Mari. « Pour elles, si la taille est la bonne et que la qualité est au rendez-vous, la couleur n’a pas d’importance – nous avons plusieurs fois reçu un modèle dans lequel le bleu avait remplacé le blanc ! Je pense que de leur point de vue, nous les gens du Nord avons des goûts un peu ennuyeux. Si ça ne tenait qu’à elles, nos paniers auraient les couleurs de l’arc-en-ciel. Ce n’est que maintenant, sept ans plus tard, que l’habitude est prise. Oui, nous travaillons différemment et, oui, nous prenons du plaisir à le faire ensemble. »
« Dans les premiers temps, nous avons eu du mal à leur faire comprendre pourquoi un panier devait être noir et blanc si telle était la commande passée », s’amuse Mari. « Pour elles, si la taille est la bonne et que la qualité est au rendez-vous, la couleur n’a pas d’importance – nous avons plusieurs fois reçu un modèle dans lequel le bleu avait remplacé le blanc ! Je pense que de leur point de vue, nous les gens du Nord avons des goûts un peu ennuyeux. Si ça ne tenait qu’à elles, nos paniers auraient les couleurs de l’arc-en-ciel. Ce n’est que maintenant, sept ans plus tard, que l’habitude est prise. Oui, nous travaillons différemment et, oui, nous prenons du plaisir à le faire ensemble. »
NINA JOBS POUR DESIGN HOUSE STOCKHOLM
Designer : Nina Jobs
Produit : Collection de coussins Melange
Pays de production : Thaïlande
Anecdote : Nina voulait un nom de collection aux accents français.
Vous avez longtemps rêvé d’associer travail humanitaire et design haut de gamme. Comment avez-vous transformé ce rêve en réalité ?
« Lors d’une exposition à Bangkok, j’ai découvert l’organisation Kids Ark, qui fonctionne comme un programme de bourse pour permettre aux orphelins habitant avec un membre de leur famille de rester scolarisés. Ils m’ont demandé si j’étais prête à les aider en développant une gamme de produits contemporains. J’ai bien entendu accepté. Au fil du temps, l’organisation s’est également tournée vers les femmes. Elle les aide à faire commerce de leur savoir-faire artisanal pour augmenter leurs revenus et ainsi mieux pourvoir aux besoins de toute la famille. C’est dans ce contexte que j’ai convaincu l’un de mes clients, Design House Stockholm, de s’impliquer à son tour. L’idée était qu’ils travaillent sur un projet en collaboration avec une coopérative de femmes soutenue par Kids Ark. Cela a pris du temps, mais ils ont fini par accepter », se réjouit Nina Jobs.
Designer : Nina Jobs
Produit : Collection de coussins Melange
Pays de production : Thaïlande
Anecdote : Nina voulait un nom de collection aux accents français.
Vous avez longtemps rêvé d’associer travail humanitaire et design haut de gamme. Comment avez-vous transformé ce rêve en réalité ?
« Lors d’une exposition à Bangkok, j’ai découvert l’organisation Kids Ark, qui fonctionne comme un programme de bourse pour permettre aux orphelins habitant avec un membre de leur famille de rester scolarisés. Ils m’ont demandé si j’étais prête à les aider en développant une gamme de produits contemporains. J’ai bien entendu accepté. Au fil du temps, l’organisation s’est également tournée vers les femmes. Elle les aide à faire commerce de leur savoir-faire artisanal pour augmenter leurs revenus et ainsi mieux pourvoir aux besoins de toute la famille. C’est dans ce contexte que j’ai convaincu l’un de mes clients, Design House Stockholm, de s’impliquer à son tour. L’idée était qu’ils travaillent sur un projet en collaboration avec une coopérative de femmes soutenue par Kids Ark. Cela a pris du temps, mais ils ont fini par accepter », se réjouit Nina Jobs.
Melange cushion
De cette collaboration est née la collection de coussins Melange. Qu’avez-vous tiré de plus positif de ce projet ?
« L’inspiration ! Cette collection, je l’ai imaginée avec des artisans thaïlandais. J’adore être secouée par une autre manière de voir le monde, le choc culturel a vraiment du bon. »
Des pierres d’achoppement ?
« Les tisseurs ont leur propre langage régional, il leur est impossible d’échanger avec l’extérieur. Nous communiquons donc principalement avec nos mains et avec des images. C’est assez difficile et un peu agaçant au début. Mais plus on se connaît, plus cela devient facile. »
« L’inspiration ! Cette collection, je l’ai imaginée avec des artisans thaïlandais. J’adore être secouée par une autre manière de voir le monde, le choc culturel a vraiment du bon. »
Des pierres d’achoppement ?
« Les tisseurs ont leur propre langage régional, il leur est impossible d’échanger avec l’extérieur. Nous communiquons donc principalement avec nos mains et avec des images. C’est assez difficile et un peu agaçant au début. Mais plus on se connaît, plus cela devient facile. »
Melange cushion
Quel était le but de cette collection ?
« Pour moi, il s’agissait de mettre la barre haut en termes de qualité : j’avais à cœur de montrer aux artisans qu’ils sont capables de produire des biens un peu luxueux. Nous arrivons maintenant à la deuxième étape, à savoir la co-création de nouveaux produit. Ils sont impatients, tout comme Design House Stockholm et moi ! »
Quel regard portez-vous sur nos habitudes de consommation ?
« Pour ma part, je ne suis pas une proie facile ! Chaque chose doit répondre à un réel besoin pour que je l’achète. Le consommateur d’aujourd’hui collectionne littéralement les biens. Je pense qu’il est temps que chacun prenne conscience de sa responsabilité sociétale et réfléchisse avant d’acheter. Aider ceux qui souffrent est souvent plus facile qu’il n’y paraît – à travers un achat porteur de sens, par exemple. »
Découvrez Design House Stockholm et Nina Jobs designs au Salon Stockholm Furniture & Light Fair début février
« Pour moi, il s’agissait de mettre la barre haut en termes de qualité : j’avais à cœur de montrer aux artisans qu’ils sont capables de produire des biens un peu luxueux. Nous arrivons maintenant à la deuxième étape, à savoir la co-création de nouveaux produit. Ils sont impatients, tout comme Design House Stockholm et moi ! »
Quel regard portez-vous sur nos habitudes de consommation ?
« Pour ma part, je ne suis pas une proie facile ! Chaque chose doit répondre à un réel besoin pour que je l’achète. Le consommateur d’aujourd’hui collectionne littéralement les biens. Je pense qu’il est temps que chacun prenne conscience de sa responsabilité sociétale et réfléchisse avant d’acheter. Aider ceux qui souffrent est souvent plus facile qu’il n’y paraît – à travers un achat porteur de sens, par exemple. »
Découvrez Design House Stockholm et Nina Jobs designs au Salon Stockholm Furniture & Light Fair début février
FORM – STUDIO DE DESIGN NOMADE
Designer : Josefine Olsson
Produit : Le sac de vélo Pako
Pays de production : Vietnam
Anecdote : Le sac porte le nom du peuple Pako, l’une des nombreuses minorités du Vietnam.
Designer : Josefine Olsson
Produit : Le sac de vélo Pako
Pays de production : Vietnam
Anecdote : Le sac porte le nom du peuple Pako, l’une des nombreuses minorités du Vietnam.
Qu’est-ce qui vous a conduite au Vietnam ?
« J’avais depuis longtemps envie de travailler dans des pays en développement. J’ai eu l’opportunité de vivre au Vietnam durant mes études et ai décidé d’y rester pour lancer ma propre activité. J’avais envie de travailler avec des artisans locaux, de leur proposer des créations qui leur apportent une valeur ajoutée », témoigne Josefine Olsson.
« J’avais depuis longtemps envie de travailler dans des pays en développement. J’ai eu l’opportunité de vivre au Vietnam durant mes études et ai décidé d’y rester pour lancer ma propre activité. J’avais envie de travailler avec des artisans locaux, de leur proposer des créations qui leur apportent une valeur ajoutée », témoigne Josefine Olsson.
D’où vous est venue l’inspiration pour le sac de vélo Pako ?
« Ce sac s’inspire des paniers en plastique dont se sert beaucoup la population ici. Mais point de plastique dans le sac Pako : il est fait en bambou. Le peuple Pako est une minorité vivant dans l’une des provinces les plus pauvres du Vietnam. Produire ce sac a permis aux artisans d’augmenter leurs revenus. Il s’agit principalement de tisseurs devenus trop vieux pour le travail au champ. »
« Ce sac s’inspire des paniers en plastique dont se sert beaucoup la population ici. Mais point de plastique dans le sac Pako : il est fait en bambou. Le peuple Pako est une minorité vivant dans l’une des provinces les plus pauvres du Vietnam. Produire ce sac a permis aux artisans d’augmenter leurs revenus. Il s’agit principalement de tisseurs devenus trop vieux pour le travail au champ. »
Parlez-nous du travail dans un pays moins favorisé que le vôtre ?
« C’est intéressant et gratifiant. Mais cela peut aussi parfois rendre un peu chèvre lorsqu’on vient d’une société structurée. Les minorités sont particulièrement vulnérables. Elles souffrent d’une pauvreté rampante et n’ont pas beaucoup de leviers de développement à leur portée. Elles vivent recluses du reste du monde et il faut une licence pour pouvoir travailler dans leur région. Tout cela demande de gros efforts, il faut s’armer d’une infinie patience. Mais j’ai la chance d’être bien accompagnée par un traducteur et l’organisation MCNV. Ils facilitent mes démarches et mes échanges avec les artisans. Leur aide m’est très précieuse. »
Quel sens donnez-vous à votre activité ?
« C’est justement à mon travail que je veux donner du sens. Il doit à mes yeux être synonyme de qualité et d’intégrité pour les artisans qui fabriquent mes sacs. Ils en sont fiers et mon but est de les aider davantage, notamment en co-créant de nouveaux produits. Nous travaillons actuellement à la création d’une table et d’une lampe. »
« C’est intéressant et gratifiant. Mais cela peut aussi parfois rendre un peu chèvre lorsqu’on vient d’une société structurée. Les minorités sont particulièrement vulnérables. Elles souffrent d’une pauvreté rampante et n’ont pas beaucoup de leviers de développement à leur portée. Elles vivent recluses du reste du monde et il faut une licence pour pouvoir travailler dans leur région. Tout cela demande de gros efforts, il faut s’armer d’une infinie patience. Mais j’ai la chance d’être bien accompagnée par un traducteur et l’organisation MCNV. Ils facilitent mes démarches et mes échanges avec les artisans. Leur aide m’est très précieuse. »
Quel sens donnez-vous à votre activité ?
« C’est justement à mon travail que je veux donner du sens. Il doit à mes yeux être synonyme de qualité et d’intégrité pour les artisans qui fabriquent mes sacs. Ils en sont fiers et mon but est de les aider davantage, notamment en co-créant de nouveaux produits. Nous travaillons actuellement à la création d’une table et d’une lampe. »
Comment votre travail est-il accueilli par le public ?
« Mon entreprise est relativement récente – je l’ai créée en 2015 et la mettre sur les bons rails a demandé du temps. Mes produits, et surtout leur histoire, ont rencontré un certain succès lors du salon Formex [Salon du design d’intérieur, NDLT] à Stockholm. Le concept plaît, et nous fêtons nos premières ventes. »
ET VOUS ?
Que pensez-vous du travail de ces designers engagés ? Partagez votre opinion dans les commentaires ci-dessous.
Lire aussi :
Le design scandinave au service d’une génération en mouvement
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« Mon entreprise est relativement récente – je l’ai créée en 2015 et la mettre sur les bons rails a demandé du temps. Mes produits, et surtout leur histoire, ont rencontré un certain succès lors du salon Formex [Salon du design d’intérieur, NDLT] à Stockholm. Le concept plaît, et nous fêtons nos premières ventes. »
ET VOUS ?
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Designers : Mari Martikainen et Minna Impiö
Produit : Les paniers Kiondo
Pays de production : Kenya
Anecdote : « Mifuko » signifie « poche » en swahili.