Neri et Hu : La décoration d'intérieur pour narrer l'espace
Ce duo nous parle d’architecture, de déco d’intérieur, d’influences orientales et occidentales et de sa maison idéale
Basés à Shanghai, Lyndon Neri et Rossana Hu se bâtissent une solide réputation dans l’industrie de l’architecture. Nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer ce couple à la scène comme à la ville, et de parler avec lui de design, décoration d’intérieur et architecture. Ils se sont aussi confiés sur leur propre maison et leur façon de collaborer.
Chaises signées Neri et Hu, collection Industry pour Stellar Works, chez qui ils officient en tant que directeur et directrice artistiques depuis 2015.
Est-ce que ce que vous venez de soulever se retrouve dans votre propre maison ? À quoi ressemble-t-elle ?
LN : Nous habitons le quartier français de Shanghai. Nous possédons une maison à trois niveaux et une autre juste à côté, avec un seul étage cette fois-ci. Les deux communiquent entre elles et forment un « L », comme celui de mon prénom. Nous avons également un grand jardin (à la végétation indomptée car nous ne l’entretenons pas) et une petite dépendance. Notre maison est pareille à une série de boîtes. Vous pénétrez dans une première pièce puis successivement dans les autres. Il n’y a pas de notion de circulation.
Est-ce que ce que vous venez de soulever se retrouve dans votre propre maison ? À quoi ressemble-t-elle ?
LN : Nous habitons le quartier français de Shanghai. Nous possédons une maison à trois niveaux et une autre juste à côté, avec un seul étage cette fois-ci. Les deux communiquent entre elles et forment un « L », comme celui de mon prénom. Nous avons également un grand jardin (à la végétation indomptée car nous ne l’entretenons pas) et une petite dépendance. Notre maison est pareille à une série de boîtes. Vous pénétrez dans une première pièce puis successivement dans les autres. Il n’y a pas de notion de circulation.
Lyndon Neri et Rossana Hu sur le stand Gan lors du Salone del Mobile 2018.
Vous avez tous deux étudié, vécu et travaillé aux États-Unis. Votre maison est-elle un mélange de cultures occidentale et orientale ? Quelle est votre vision de la maison d’aujourd’hui ?
RH : À mes yeux, les maisons d’aujourd’hui sont majoritairement occidentales. Cela est dû au fait que le concept même de « moderne » est occidental. Nous avons des cuisines modernes, des salles de bains modernes, des douches modernes… Nous possédons pour notre part des objets venus des quatre coins du monde. Notre travail aussi reflète de nombreuses influences culturelles. Si vous regardez notre collection de meubles, par exemple, certaines chaises évoquent naturellement les créations de Charles et Ray Eames ou Arne Jacobsen, mais nous avons également des modèles de chaises, bancs et tables venus de Java ou des Philippines… Chez nous, l’Occident et l’Orient sont représentés à parts égales.
Vous avez tous deux étudié, vécu et travaillé aux États-Unis. Votre maison est-elle un mélange de cultures occidentale et orientale ? Quelle est votre vision de la maison d’aujourd’hui ?
RH : À mes yeux, les maisons d’aujourd’hui sont majoritairement occidentales. Cela est dû au fait que le concept même de « moderne » est occidental. Nous avons des cuisines modernes, des salles de bains modernes, des douches modernes… Nous possédons pour notre part des objets venus des quatre coins du monde. Notre travail aussi reflète de nombreuses influences culturelles. Si vous regardez notre collection de meubles, par exemple, certaines chaises évoquent naturellement les créations de Charles et Ray Eames ou Arne Jacobsen, mais nous avons également des modèles de chaises, bancs et tables venus de Java ou des Philippines… Chez nous, l’Occident et l’Orient sont représentés à parts égales.
Détails de la collection Lan, imaginée par Neri et Hu pour Gan.
LN : Les maisons de la concession française de Shanghai ont été construites par les Français dans les années 1930. Elles reprennent la typologie occidentale, mais leur agencement présente des particularités asiatiques. Les voisins ont par ailleurs vue sur les jardins. [Les maisons des allées de la concession française sont connues pour leur frontière floue entre espace public et espace privé, NDLR.] Notre intérieur a pour langage formel celui de l’Occident, mais il est asiatique dans son essence même. C’est assez courant à Shanghai.
LN : Les maisons de la concession française de Shanghai ont été construites par les Français dans les années 1930. Elles reprennent la typologie occidentale, mais leur agencement présente des particularités asiatiques. Les voisins ont par ailleurs vue sur les jardins. [Les maisons des allées de la concession française sont connues pour leur frontière floue entre espace public et espace privé, NDLR.] Notre intérieur a pour langage formel celui de l’Occident, mais il est asiatique dans son essence même. C’est assez courant à Shanghai.
Tripode Mesa, Neri et Hu pour Stellar Works.
Pouvez-vous brièvement évoquer ce que chacun de vous fait au sein de votre cabinet ? Comment vous complétez-vous ?
RH : Il aime les ajouts, moi j’aime les modifications et les coupes. C’est pour cela que notre duo fonctionne bien. Nous ne créons pas de la même manière.
LN : Lorsqu’il me devient évident que j’ai trop travaillé sur un même projet, je lui passe le relais et elle commence son processus de révision. Je pense également que nous parlons un même langage, celui du dessin. Parfois, elle parle et je dessine ; à d’autres moments, c’est l’inverse. Cette forme de collaboration a de l’intérêt à mes yeux.
Pouvez-vous brièvement évoquer ce que chacun de vous fait au sein de votre cabinet ? Comment vous complétez-vous ?
RH : Il aime les ajouts, moi j’aime les modifications et les coupes. C’est pour cela que notre duo fonctionne bien. Nous ne créons pas de la même manière.
LN : Lorsqu’il me devient évident que j’ai trop travaillé sur un même projet, je lui passe le relais et elle commence son processus de révision. Je pense également que nous parlons un même langage, celui du dessin. Parfois, elle parle et je dessine ; à d’autres moments, c’est l’inverse. Cette forme de collaboration a de l’intérêt à mes yeux.
Installation de Neri et Hu pour Stellar Works au Salone del Mobile 2018.
Chez Houzz, nous posons un regard sur l’architecture, le design et, bien sûr, la décoration. Que vous évoque ce dernier mot ?
RH : Intéressant… C’est la première fois que l’on nous parle de ce sujet en particulier…
LN : Un instant… J’essaie de reformuler votre question. Imaginons que nous soyons des architectes hors de toute préoccupation concernant la décoration, ou plutôt qui ne s’y essaient même pas. Créer des espaces et rassembler des objets, chaises, lampes, etc., n’est dans ce cas plus de la décoration. Pour apprécier à la fois l’espace et l’objet, il faut qu’ils respirent. Nous croyons aux espaces, et à ce titre je n’utiliserais par le terme de « décoration ». S’il s’agit de mettre un bouquet par-ci, un objet par-là, un peu de jaune ici, du blanc là pour valoriser un intérieur, c’est hors sujet par rapport à ce que nous faisons. Si vous recherchez un dialogue entre les objets et les couleurs, si vous souhaitez que votre intérieur raconte une histoire, quelle qu’elle soit, c’est là notre domaine de compétence.
Chez Houzz, nous posons un regard sur l’architecture, le design et, bien sûr, la décoration. Que vous évoque ce dernier mot ?
RH : Intéressant… C’est la première fois que l’on nous parle de ce sujet en particulier…
LN : Un instant… J’essaie de reformuler votre question. Imaginons que nous soyons des architectes hors de toute préoccupation concernant la décoration, ou plutôt qui ne s’y essaient même pas. Créer des espaces et rassembler des objets, chaises, lampes, etc., n’est dans ce cas plus de la décoration. Pour apprécier à la fois l’espace et l’objet, il faut qu’ils respirent. Nous croyons aux espaces, et à ce titre je n’utiliserais par le terme de « décoration ». S’il s’agit de mettre un bouquet par-ci, un objet par-là, un peu de jaune ici, du blanc là pour valoriser un intérieur, c’est hors sujet par rapport à ce que nous faisons. Si vous recherchez un dialogue entre les objets et les couleurs, si vous souhaitez que votre intérieur raconte une histoire, quelle qu’elle soit, c’est là notre domaine de compétence.
The Waterhouse, Shanghai.
RH : Comme je vous l’ai dit, c’est la première fois que l’on nous pose cette question. Pour des architectes, ce que nous sommes, la décoration, ou « ornementation », tel que définie par Adolf Loos, est presque un crime. Et selon nous, décoration veut dire ornementation. Mais d’un autre côté, si l’on regarde de près la signification de la décoration, il s’agit d’une nouvelle strate dans le processus de conception. Je crois même qu’il s’agit de la dernière. D’abord, on travaille à la structure et tout ce qui touche à l’architecture. La décoration intervient en fin de projet. Ce « décor » s’inscrit d’ailleurs dans l’histoire. Dans les cultures anciennes, on décorait déjà les murs des habitations, par exemple. Nous revenons du Cambodge : la façon de décorer les murs des temples, les récits qu’ils renferment… Ce que j’entends par là, c’est que la décoration appartient à l’histoire et à l’espace. Il ne s’agit pas simplement de poser un objet à un endroit ou un autre. La décoration peut être un concept à part entière. Tout dépend du regard que l’on porte sur tout cela.
LN : Exactement. Ce n’est pas que nous ne pensons pas la décoration : nous croyons en un intérieur qui se frotte à l’espace, qui s’inscrit dans ce que ce dernier raconte comme dans la vie quotidienne.
ET VOUS ?
Que pensez-vous du travail de Neri et Hu ?
Découvrez d’autres portraits
RH : Comme je vous l’ai dit, c’est la première fois que l’on nous pose cette question. Pour des architectes, ce que nous sommes, la décoration, ou « ornementation », tel que définie par Adolf Loos, est presque un crime. Et selon nous, décoration veut dire ornementation. Mais d’un autre côté, si l’on regarde de près la signification de la décoration, il s’agit d’une nouvelle strate dans le processus de conception. Je crois même qu’il s’agit de la dernière. D’abord, on travaille à la structure et tout ce qui touche à l’architecture. La décoration intervient en fin de projet. Ce « décor » s’inscrit d’ailleurs dans l’histoire. Dans les cultures anciennes, on décorait déjà les murs des habitations, par exemple. Nous revenons du Cambodge : la façon de décorer les murs des temples, les récits qu’ils renferment… Ce que j’entends par là, c’est que la décoration appartient à l’histoire et à l’espace. Il ne s’agit pas simplement de poser un objet à un endroit ou un autre. La décoration peut être un concept à part entière. Tout dépend du regard que l’on porte sur tout cela.
LN : Exactement. Ce n’est pas que nous ne pensons pas la décoration : nous croyons en un intérieur qui se frotte à l’espace, qui s’inscrit dans ce que ce dernier raconte comme dans la vie quotidienne.
ET VOUS ?
Que pensez-vous du travail de Neri et Hu ?
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Rossana Hu (RH) : Cette formulation des choses me plaît. La prochaine étape serait de transformer tout cela en dessin.
Lyndon Neri (LN) : Votre résumé m’a également séduit. Et au-delà des mots, cela nous reflète bien. Mais si une idée ne passe pas sur le plan tangible, concret, elle ne vaut rien en tant que telle.
Ce que j’entends par là c’est la nécessité de basculer vers la sensation tactile que vous avez justement évoquée. Gardons à l’esprit que le choix des meubles n’a rien d’accidentel. Il s’agit de décisions conscientes. Selon moi, le plan de coupe [représentation en 2D de l’intérieur d’une construction coupée sur un plan vertical ou horizontal, NDLR] prime, plus encore que l’élévation [représentation en 2D d’un côté de la construction depuis l’extérieur, NDLR]. Bien souvent, les gens remarquent la façade, à savoir l’aspect extérieur du bâtiment. En tant que designers, cela ne nous intéresse pas particulièrement. Nous nous focalisons davantage sur le plan de coupe et la transition entre les espaces.