Portrait d'artisan : Thibaut Malet, un jeune designer ébéniste inspiré
Entretien avec Thibaut Malet, qui nous en dit plus sur son parcours, son métier, son savoir-faire et ses créations
Aussi inspiré qu’inspirant, le travail du jeune Thibaut Malet illustre bien cette idée toute cornélienne que pour certains, à n’en pas douter, « la valeur n’attend point le nombre des années ». Luminaires, accessoires de vélo, jouets… Ce créatif a déjà soigné la signature de plusieurs pièces, en puisant dans les deux disciplines que sont le design et l’ébénisterie. Et force est de reconnaître que ses projets, simples, sans prétention mais néanmoins ingénieux et caractérisés par une esthétique précise, envoient littéralement du bois ! D’un bois qui est souvent travaillé de manière à en exalter l’aspect brut ou naturel. Tour d’horizon et découverte d’un savoir-faire, avec Thibaut Malet.
Portrait
Comment ressens-tu ton métier ? Te sens-tu designer avant d’être ébéniste ? Ou est-ce l’inverse ?
J’ai du mal à définir mon statut. J’ai une formation de designer et j’ai baigné dans l’ébénisterie à laquelle mon père m’a formé, sur le tas. C’est encore mon père qui m’a appris à travailler le bois. J’aurais donc tendance à me définir comme un designer ébéniste. Pour créer, je compose à la fois avec mes limites et le savoir-faire que j’ai pu acquérir dans ces deux disciplines. En fonction des projets, je suis designer ébéniste ou ébéniste designer. Même si le design passe pour moi avant, dans le sens où j’aborde mes projets en misant sur mon côté créatif.
J’ai du mal à définir mon statut. J’ai une formation de designer et j’ai baigné dans l’ébénisterie à laquelle mon père m’a formé, sur le tas. C’est encore mon père qui m’a appris à travailler le bois. J’aurais donc tendance à me définir comme un designer ébéniste. Pour créer, je compose à la fois avec mes limites et le savoir-faire que j’ai pu acquérir dans ces deux disciplines. En fonction des projets, je suis designer ébéniste ou ébéniste designer. Même si le design passe pour moi avant, dans le sens où j’aborde mes projets en misant sur mon côté créatif.
Qu’aimes-tu dans le fait de travailler le bois ?
Le bois est versatile et offre la possibilité de réaliser toutes sortes de choses. Si je le marie à d’autres matériaux dans certains de mes projets, j’essaie toujours de maximiser mon exploitation du bois en tant que tel. Je cherche à l’embellir tout en respectant son aspect naturel, ce qui explique que je le travaille de manière assez brute. Ce que j’aime, c’est encore pouvoir choisir parmi une vingtaine d’essences de bois différentes, pour déterminer laquelle va le mieux servir pour un projet donné, en fonction de ses propriétés physiques et esthétiques.
Aussi et sans doute parce que j’ai longtemps travaillé dans l’atelier de mon père, souvent en récupérant ses chutes de bois, j’ai pris l’habitude d’optimiser la matière au maximum.
Le bois est versatile et offre la possibilité de réaliser toutes sortes de choses. Si je le marie à d’autres matériaux dans certains de mes projets, j’essaie toujours de maximiser mon exploitation du bois en tant que tel. Je cherche à l’embellir tout en respectant son aspect naturel, ce qui explique que je le travaille de manière assez brute. Ce que j’aime, c’est encore pouvoir choisir parmi une vingtaine d’essences de bois différentes, pour déterminer laquelle va le mieux servir pour un projet donné, en fonction de ses propriétés physiques et esthétiques.
Aussi et sans doute parce que j’ai longtemps travaillé dans l’atelier de mon père, souvent en récupérant ses chutes de bois, j’ai pris l’habitude d’optimiser la matière au maximum.
Portrait
Qu’est-ce qui, selon toi, singularise ta démarche ?
Pour l’instant, l’une de mes particularités est de fabriquer tout ce que je dessine sans sous-traiter, dans mon atelier. Je designe donc du mobilier, de l’objet et du jouet de manière complètement artisanale. Je suis cependant à la recherche d’éditeurs sur certains projets, pour pouvoir me libérer du temps afin d’en développer d’autres.
Pour l’instant, l’une de mes particularités est de fabriquer tout ce que je dessine sans sous-traiter, dans mon atelier. Je designe donc du mobilier, de l’objet et du jouet de manière complètement artisanale. Je suis cependant à la recherche d’éditeurs sur certains projets, pour pouvoir me libérer du temps afin d’en développer d’autres.
Portrait
Existe-t-il une patte, une signature Thibaut Malet ?
Je cherche à travailler le bois à ma façon dans la mesure où je ne veux pas devenir menuisier ou ébéniste au sens traditionnel du terme. Je privilégie des lignes pures, droites et nettes, qui m’aident à aborder le bois de manière contemporaine, en recherchant une véritable simplicité formelle.
Je cherche à travailler le bois à ma façon dans la mesure où je ne veux pas devenir menuisier ou ébéniste au sens traditionnel du terme. Je privilégie des lignes pures, droites et nettes, qui m’aident à aborder le bois de manière contemporaine, en recherchant une véritable simplicité formelle.
Portrait
Tu sembles accorder une certaine importance au packaging… Est-ce essentiel dans ton métier ?
Oui, c’est très important ! On peut faire le meilleur projet du monde, si l’on ne sait pas le mettre en valeur, cela ne fonctionnera pas. J’essaie donc de soigner la présentation de mes créations, en composant avec mes moyens. Je fais mes boîtes à la main, j’appose mon tampon dessus et les remplis de copeaux de bois. Et puis je tâche de faire de belles photos.
Oui, c’est très important ! On peut faire le meilleur projet du monde, si l’on ne sait pas le mettre en valeur, cela ne fonctionnera pas. J’essaie donc de soigner la présentation de mes créations, en composant avec mes moyens. Je fais mes boîtes à la main, j’appose mon tampon dessus et les remplis de copeaux de bois. Et puis je tâche de faire de belles photos.
Toys
Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui souhaite se lancer dans le métier ?
Il n’y a pas si longtemps que je fais ça alors je ne voudrais pas paraître prétentieux. Je crois que le mieux est de faire ce que l’on aime, sans se calquer sur les effets de mode. Pour ma part, je sors des objets qui répondent au départ à des demandes personnelles. Car c’est important de réfléchir à la question de l’utilité au quotidien de ce que l’on crée.
Il n’y a pas si longtemps que je fais ça alors je ne voudrais pas paraître prétentieux. Je crois que le mieux est de faire ce que l’on aime, sans se calquer sur les effets de mode. Pour ma part, je sors des objets qui répondent au départ à des demandes personnelles. Car c’est important de réfléchir à la question de l’utilité au quotidien de ce que l’on crée.
Wooden Spray Can
Justement, est-ce que tout ce que tu crées doit forcément être utile ?
Lorsque je crée des meubles, j’ai vraiment envie qu’ils soient utiles et très fonctionnels. Pour autant, tout n’est pas forcément utile dans ce que je fais. Mais je crois que quand la fonction de l’objet n’apparaît pas immédiatement, il délivre quand même un message. Et peut, en ce sens, être considéré comme utile.
Lorsque je crée des meubles, j’ai vraiment envie qu’ils soient utiles et très fonctionnels. Pour autant, tout n’est pas forcément utile dans ce que je fais. Mais je crois que quand la fonction de l’objet n’apparaît pas immédiatement, il délivre quand même un message. Et peut, en ce sens, être considéré comme utile.
Peux-tu nous en dire plus quant à Sohka ?
C’est une lampe que j’ai sortie en 2013. Ce concept ludique implique que les acquéreurs reçoivent une lampe démontée, qu’ils doivent remonter eux-mêmes. C’est très simple. Elle se compose de cinq parties en bois et de soixante élastiques. On la monte chez soi en utilisant le nombre d’élastique que l’on souhaite selon l’effet recherché. Les élastiques servent à la fois d’enveloppe maintenant la lampe et d’outil pour travailler une ambiance lumineuse.
C’est une lampe que j’ai sortie en 2013. Ce concept ludique implique que les acquéreurs reçoivent une lampe démontée, qu’ils doivent remonter eux-mêmes. C’est très simple. Elle se compose de cinq parties en bois et de soixante élastiques. On la monte chez soi en utilisant le nombre d’élastique que l’on souhaite selon l’effet recherché. Les élastiques servent à la fois d’enveloppe maintenant la lampe et d’outil pour travailler une ambiance lumineuse.
Lampes
Avec les élastiques, l’idée était de donner l’envie à l’acquéreur de toucher sa lampe, de s’amuser avec et de participer à son esthétique.
Lampes
Le caoutchouc des élastiques est non naturel, ne souffrant ni des effets de la chaleur ni de la lumière.
Tu as aussi designé la lampe Phobos…
C’est le fruit d’une recherche reprenant les codes et les lignes d’une lampe de bureau basique. Le pied est incliné mais fixe et l’on peut, grâce à un système de coulissage, orienter la tête du modèle selon que l’on souhaite un éclairage de bureau ou un éclairage indirect d’ambiance, sur le mur. Chaque bras de bois forme un angle droit avec le suivant et les découpes sont nettes, carrées. Des aplats de bleu ont été apposés sur les tranches pour animer la lampe. J’ai choisi un bleu pastel que l’on retrouve à l’intérieur de l’abat-jour, qui est en céramique.
C’est le fruit d’une recherche reprenant les codes et les lignes d’une lampe de bureau basique. Le pied est incliné mais fixe et l’on peut, grâce à un système de coulissage, orienter la tête du modèle selon que l’on souhaite un éclairage de bureau ou un éclairage indirect d’ambiance, sur le mur. Chaque bras de bois forme un angle droit avec le suivant et les découpes sont nettes, carrées. Des aplats de bleu ont été apposés sur les tranches pour animer la lampe. J’ai choisi un bleu pastel que l’on retrouve à l’intérieur de l’abat-jour, qui est en céramique.
Lampes
La lampe a jusqu’à présent été faite en chêne mais on peut la réaliser avec n’importe quelle essence de bois. Je vais donc la sortir dans trois essences différentes pour proposer plusieurs coloris.
Wooden Spray Can
Comment est né le projet des bombes en bois ?
Pour ces bombes qui sont comme un hommage au graffiti, j’ai collaboré avec un ami. Un ancien graffeur, Zics, qui a monté un studio de graphisme basé à Londres. C’est lui qui s’est chargé de trouver les trois typographies que l’on retrouve sur les bombes.
J’avais réalisé des bombes en bois il y a longtemps. La forme d’une bombe est symétrique, donc facile à reprendre au tour à bois. Pour ce projet, purement décoratif, j’ai utilisé du mûrier parce que c’était le bois qui réagissait le mieux à la gravure au laser. C’est une essence ni trop tendre ni trop dure.
Pour ces bombes qui sont comme un hommage au graffiti, j’ai collaboré avec un ami. Un ancien graffeur, Zics, qui a monté un studio de graphisme basé à Londres. C’est lui qui s’est chargé de trouver les trois typographies que l’on retrouve sur les bombes.
J’avais réalisé des bombes en bois il y a longtemps. La forme d’une bombe est symétrique, donc facile à reprendre au tour à bois. Pour ce projet, purement décoratif, j’ai utilisé du mûrier parce que c’était le bois qui réagissait le mieux à la gravure au laser. C’est une essence ni trop tendre ni trop dure.
Wooden Spray Can
Des trois, c’est la proposition qui fonctionne le mieux, sans doute parce qu’elle parle davantage de l’essence du graffiti. C’est un objet déco artistique et sculptural, que l’on a envie de développer dans des galeries.
Toys
Tu as aussi signé une figurine qui n’est pas sans rappeler un jouet que l’on pourrait presque qualifier de mythique…
En effet, il s’agit d’un art toy, que j’ai édité pour la première fois en 2012, en seulement vingt exemplaires. Il a rapidement rencontré un succès auquel je ne m’attendais pas. J’ai posté des photos de ce jouet sur un réseau de créateurs et j’ai eu d’énormes demandes. Ce qui m’a conduit à l’éditer en plus grande quantité.
En effet, il s’agit d’un art toy, que j’ai édité pour la première fois en 2012, en seulement vingt exemplaires. Il a rapidement rencontré un succès auquel je ne m’attendais pas. J’ai posté des photos de ce jouet sur un réseau de créateurs et j’ai eu d’énormes demandes. Ce qui m’a conduit à l’éditer en plus grande quantité.
Toys
Je me suis évidemment inspiré des figurines Lego pour rendre hommage à ce jouet-là, qui a été si important pour beaucoup d’enfants. C’est tout un symbole !
L’idée était de revisiter, de manière artisanale, un objet iconique édité en série et de manière industrielle. Je m’étais beaucoup renseigné sur l’histoire de la marque et j’ai vu que tout était parti d’un ébéniste. En quelque sorte, je crois que j’ai eu envie de revenir à la source en créant ce petit personnage qui n’avait jamais été fait en bois.
L’idée était de revisiter, de manière artisanale, un objet iconique édité en série et de manière industrielle. Je m’étais beaucoup renseigné sur l’histoire de la marque et j’ai vu que tout était parti d’un ébéniste. En quelque sorte, je crois que j’ai eu envie de revenir à la source en créant ce petit personnage qui n’avait jamais été fait en bois.
Vélo - Guidon
Tu as aussi créé de quoi transfigurer son vélo…
Quand j’ai quitté l’agence d’architecture dans laquelle je travaillais, je me suis tout de suite penché sur le vélo pour des raisons personnelles. J’ai commencé par réaliser des guidons, droits ou courbes. Mais comme on était plusieurs à faire ça, j’ai cherché à me démarquer en misant sur une esthétique différente. C’est la raison pour laquelle je suis finalement parti sur des guidons associant plusieurs essences de bois et du métal, que j’ai laissé apparent.
Quand j’ai quitté l’agence d’architecture dans laquelle je travaillais, je me suis tout de suite penché sur le vélo pour des raisons personnelles. J’ai commencé par réaliser des guidons, droits ou courbes. Mais comme on était plusieurs à faire ça, j’ai cherché à me démarquer en misant sur une esthétique différente. C’est la raison pour laquelle je suis finalement parti sur des guidons associant plusieurs essences de bois et du métal, que j’ai laissé apparent.
Vélo - Guidon
L’idée du guidon part de la tendance au fixie. J’ai conçu ce guidon pour participer à cette façon d’aller vers un vélo toujours plus épuré.
Vélo - Guidon
J’ai décliné cette idée en menant une recherche plus complète sur les vélos. Soit en imaginant également des garde-boues, des caissettes en bois, etc. Et c’est comme ça que j’ai été démarché par des marques pour travailler sur des éditions limitées. Notamment par Smog Bicyclettes, une marque parisienne qui sort ses propres vélos, avec laquelle j’ai donc collaboré sur une édition limitée de cinq vélos.
Quid de l’avenir proche ?
J’ai trois ou quatre projets en cours qui sortiront dans les prochains mois, dont une assise assez simple qui fera aussi office d’étagère. C’est que j’aime travailler l’idée de mobilité et de multifonctionnalité des meubles.
Et puis, même s’il est difficile de faire quelque chose de nouveau quand on travaille une chaise, c’est une création essentielle pour un designer. Presque une signature. Pour ma part, je suis parti sur une assise en bois et en feutre. Je ne pourrai pas la produire seul en grande quantité, donc je souhaite aller démarcher des éditeurs.
Je voudrais aussi ouvrir un atelier partagé, dans lequel on retrouverait plusieurs types d’artisans et de corps de métier. Je suis resté au Québec l’an passé pour nourrir mon inspiration et j’y ai découvert que ces ateliers fonctionnent très bien. Ils peuvent être bénéfiques à la fois économiquement et du point de vue de la créativité, en permettant le partage donc l’émulation d’idées.
Un projet à suivre donc et de très près, tout comme l’évolution de ce talentueux designer ébéniste.
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J’ai trois ou quatre projets en cours qui sortiront dans les prochains mois, dont une assise assez simple qui fera aussi office d’étagère. C’est que j’aime travailler l’idée de mobilité et de multifonctionnalité des meubles.
Et puis, même s’il est difficile de faire quelque chose de nouveau quand on travaille une chaise, c’est une création essentielle pour un designer. Presque une signature. Pour ma part, je suis parti sur une assise en bois et en feutre. Je ne pourrai pas la produire seul en grande quantité, donc je souhaite aller démarcher des éditeurs.
Je voudrais aussi ouvrir un atelier partagé, dans lequel on retrouverait plusieurs types d’artisans et de corps de métier. Je suis resté au Québec l’an passé pour nourrir mon inspiration et j’y ai découvert que ces ateliers fonctionnent très bien. Ils peuvent être bénéfiques à la fois économiquement et du point de vue de la créativité, en permettant le partage donc l’émulation d’idées.
Un projet à suivre donc et de très près, tout comme l’évolution de ce talentueux designer ébéniste.
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Mon père étant menuisier et ébéniste, je suis tombé dans le bain tout petit. J’étais toujours fourré dans son atelier pour fabriquer de petites choses avec des chutes de bois.
Après mon bac, je me suis assez naturellement orienté vers une formation artistique, en faisant des études de design d’espace. À la base, j’ai donc suivi un cursus d’architecte d’intérieur, à la suite duquel j’ai intégré une agence d’architecture en tant que dessinateur. Assez rapidement, j’ai ressenti le besoin de fabriquer des choses dans l’atelier, j’ai alors opéré un retour aux sources vers l’ébénisterie, mais fort de ma formation de designer.