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Quels défis attendent les pros de la rénovation en 2023 ?

Nous avons posé la question à 10 professionnels du secteurs, tous métiers confondus

Claire Tardy

Entre crise énergétique et inflation, 2023 s’annonce mouvementée pour les professionnels de la maison. Dans ce contexte où l’efficacité des logements est un sujet sensible, le secteur sera certainement porté par les rénovations énergétiques. Dans ses prévisions partagées en décembre dernier, la FFB (Fédération française du bâtiment) anticipait d’ailleurs une croissance de la rénovation énergétique pour cette année, de l’ordre de 2,6 % en volume, tirée par les aides financières proposées par le gouvernement et un environnement plus favorable aux économies d’énergie. Une bonne nouvelle, certes, pour les professionnels prêts à prendre ce tournant, mais d’autres défis sont à anticiper pour cette nouvelle année. Nous avons fait le point avec dix acteurs du secteur de la rénovation, architectes, architectes d’intérieur, décorateurs et entreprises de rénovation.

Prendre le virage de la rénovation énergétique

« J’appréhendais un peu l’année du fait des restrictions énergétiques, de la flambée des prix des biens de consommation… Refaire son chez-soi dans ce contexte ne me semblait pas être une priorité. Or, depuis mi-décembre, j’ai enchaîné les visites. Les gens ont en fin de compte besoin de se sentir bien chez eux et, dans certains cas plus complexes que d’autres, n’hésitent pas à faire appel à un architecte d’intérieur », observe Aude Groshaeny, de Décodage Création. La crise énergétique semble en effet remettre un peu plus le logement au centre des préoccupations, notamment en ce qui concerne l’isolation et la consommation d’énergie.

La capacité des professionnels à se positionner sur les sujets en lien avec l’efficacité des logements sera donc clé cette année, alors que la rénovation énergétique est dans tous les esprits. À son niveau, la décoratrice Virginie Henriet, de V.H. Décoration, remarque une attention plus importante de ces clients portée sur ces thématiques : « Ils demandent beaucoup plus d’explications techniques, notamment quand on place un ballon d’eau chaude ou un radiateur. On sent qu’ils se sont renseignés pour être sûrs d’avoir quelque chose d’efficace. »

Le directeur de la société Avoltis Rénovation, Colas Cellier, note toutefois qu’il faudra prendre en compte les réglementations changeantes du gouvernement et s’y adapter : « Les normes en matière d’efficacité énergétique sont de plus en plus strictes et il est attendu que les maîtres d’ouvrage continuent d’adopter des solutions de rénovation énergétique pour répondre à ces exigences. »

Afin de s’assurer de satisfaire cette demande avec la meilleure expertise possible, l’architecte Tina Merkes prévoit de poursuivre sa formation continue sur les sujets de l’énergie en 2023, et être ainsi de bon conseil pour ses clients. Ceux-ci lui demandent de plus en plus de remplacer leur système de chauffage, des panneaux photovoltaïques, une excellente isolation ou encore des audits énergétiques.

Maîtriser la hausse des prix

L’inflation, et son impact sur la demande comme sur les approvisionnements, est certainement le sujet qui préoccupe le plus les professionnels actuellement. « Les prix des matériaux et de la main-d’œuvre augmentent, rendant les rénovations plus coûteuses pour les propriétaires. Jusqu’alors, nous avons réussi à limiter l’impact de la hausse des matières premières sur nos clients en faisant jouer l’économie d’échelle et le sourcing de produits alternatifs. Mais il est à envisager que, si les hausses se poursuivent, nous seront contraints de revoir nos prix de vente à la hausse », poursuit Colas Cellier. Même son de cloche au sein de l’entreprise Adora Rénovation, où Sonia Pertusa explique : « il devient difficile de réimpacter la hausse sur les clients, donc nous devons diminuer nos marges. »

Du côté des architectes d’intérieur et décorateurs, Anne Chemineau, de l’agence Decor Interieur, explique qu’il est aujourd’hui « extrêmement difficile d’estimer les budgets travaux en amont des projets, car les prix continuent de grimper au fil des mois ». Comme son confrère Francisco Lopez, de Feel Interieur, elle doit donc sans cesse s’adapter et trouver des solutions de rechange. « L’augmentation est trop importante. Il faut adapter l’offre tarifaire à la demande et ne pas hésiter de continuer à faire des prestations “tiroir” », partage Francisco Lopez. Pour Virginie Henriet, il s’agit également de bien gérer les budgets dès le départ en gardant une marge de manœuvre afin d’anticiper les hausses.

Travailler avec des budgets serrés

Le contexte inflationniste impacte naturellement le budget des maîtres d’ouvrage, d’autant plus que l’accès aux financements est également perturbé. « Pour certaines personnes, l’accès au financement est un obstacle majeur pour la rénovation de leur habitation. Les politiques gouvernementales peuvent aider à résoudre ce problème, mais cela dépend de la disponibilité des fonds et de la pertinence des programmes de prêts », décrit Colas Cellier.

Les professionnels sont alors nombreux à changer leur manière de faire pour accompagner au mieux les prospects et clients. « Nous allons continuer d’anticiper au maximum, mais en acceptant parfois de naviguer à vue tout en rassurant les maîtres d’ouvrage », partage Aude Groshaeny. Anne Chemineau essaie, quant à elle, de trouver des solutions sans que cela ne lui fasse perdre trop de temps, considérant « qu’au final, les économies que nous pourrions apporter à nos clients ne doivent pas nous faire perdre en rentabilité. »

Un équilibre qui n’est pas simple à trouver et qui passe parfois par une meilleure implication des maîtres d’ouvrage dans leurs projets. C’est que ce constate Francisco Lopez : « Les clients n’hésitent plus à participer aux travaux pour faire des économies. Je demande par exemple au peintre de préparer les murs et les clients appliquent les couches suivantes ou posent la tapisserie. Ils sont aussi plus nombreux à récupérer et assembler les meubles, à suivre eux-même leurs travaux ou fournir les matériaux en se tournant vers les grandes enseignes de bricolage. »

Gérer les approvisionnements toujours difficiles

La question des approvisionnements reste un sujet sensible en 2023, les professionnels étant toujours confrontés à des délais plus longs, des ruptures de stock ou des réapprovisionnements soudains. « Il m’arrive de faire des sélections pour les clients et que les produits ne soient plus en stock quand ils me répondent, même si cela ne leur prend qu’une ou deux semaines », partage par exemple Virginie Henriet. Pour faire face aux délais d’approvisionnement plus longs et aux variations de prix importantes, la professionnelle essaie toujours d’avoir des plans B : soit un autre matériau sous la main, soit un mobilier qui viendrait en remplacement.

Sensibiliser les maîtres d’ouvrage

L’inquiétude, et parfois l’impatience des maîtres d’ouvrage, se fait de plus en plus ressentir dans le contexte actuel. « Les clients sont plus pointilleux, exigeants. Avec les délais d’approvisionnement des matériaux, on a des décalages de plannings qui ne sont pas toujours acceptés », relate Sonia Pertusa. Face à la hausse des prix, ils négocient aussi de plus en plus, comme le constate l’architecte d’intérieur Isabelle Hamard, d’IH Studio : « Ils négocient beaucoup et font peu de concessions malgré beaucoup de changements en cours de route. J’essaie de leur expliquer qu’il faut penser différemment leur projet et accepter que les prix ont augmenté (1 000 €/m² c’est terminé, maintenant on est davantage aux alentours de 1 500 €), que les matériaux peuvent arriver plus tard, qu’il faut donc être plus flexible sur les délais. » François Ernoult, de l’Agence Créa3, confirme qu’il n’est plus possible de rénover pour 1 000 euros par mètre carré : « Les budgets moyens se situent désormais entre 1 200 et 2 000 au mètre carré. »

« Certains clients sont très inquiets quant aux informations qu’ils entendent concernant la hausse des prix des matériaux et les délais rallongés, du coup, ils sont très pressés. D’autres comprennent qu’il y a plus d’aléas et savent qu’il faut faire avec… Cela dépend beaucoup du caractère de chacun », résume Tina Merkes.

Pour gérer l’anxiété des clients et les sensibiliser à la situation actuelle, les professionnels adaptent donc leur communication, optant pour plus de transparence en ce qui concerne les prix et les délais. « J’annonce une estimation du montant des travaux projetés et de mes honoraires après la première visite et avant de s’engager dans un projet commun. De manière générale, les clients sont contents de cette transparence, qui leur permet de prioriser leurs envies et, pour moi, l’avantage est que les clients OK sur une estimation sont des clients mûrs pour s’atteler à leur projet et seront donc plus investis », explique l’architecte d’intérieur Aude Groshaeny.

Le maître d’œuvre Edouard Cottin, de la société Les chantiers Cottin, prévoit quant à lui d’accentuer ses efforts sur les comptes rendus de chantier et la communication avec les clients.

Réduire l’empreinte carbone des chantiers

Si la question des économies d’énergie est dans tous les esprits, celle de l’empreinte carbone des logements et bâtiments, de manière plus générale, est aussi une priorité pour de nombreux professionnels de la rénovation. Encore faut-il que les clients suivent leurs recommandations en termes de développement durable, et acceptent les coûts parfois plus élevés qui les accompagnent.

Ainsi, l’une des bonnes résolutions de Colas Cellier pour l’année 2023 est de mettre plus l’accent sur l’éco-rénovation en se concentrant sur « l’utilisation de matériaux écologiques et éco-responsables, l’optimisation de l’énergie, de l’eau et la mise en place de pratiques durables dans tous les projets de rénovation. » Il poursuit en expliquant que cela « pourrait inclure la certification de bâtiments verts, l’installation de panneaux solaires, de systèmes de stockage d’énergie, et l’utilisation de techniques de construction respectueuses de l’environnement. »

Trouver des partenaires qualifiés pour les travaux

Le directeur de la société Avoltis Rénovation mentionne également la pénurie de main-d’œuvre qualifiée parmi les challenges à relever en 2023. « Le marché en croissance des rénovations liées à l’efficacité énergétique a entraîné une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, rendant difficile le fait de trouver des entreprises de rénovation et des professionnels pour réaliser des travaux spécifiques », développe Colas Cellier. Edouard Cottin est confronté au même problème et plus spécifiquement dans sa recherche de conducteur de travaux pour accompagner le développement de son activité.

L’architecte d’intérieur Anne Chemineau fait de son côté remarquer une concurrence accrue des acteurs du secteur : « Nous avons été amenés à être de plus en plus en compétition, que ce soit pour notre agence ou pour les entreprises. Les dossiers de consultation des entreprises nous demandent alors plus de travail. » D’où l’importance, pour les sociétés, de se démarquer avec des procédés de suivi de chantier et de communication plus fluides.

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Digitaliser son activité

La digitalisation du secteur paraît alors essentielle pour accompagner au mieux les professionnels dans la gestion de leur activité et les maîtres d’ouvrage dans celle de leurs projets de rénovation. « Les projets de rénovation deviendront de plus en plus connectés. Les maîtres d’ouvrage devront donc s’adapter à ces nouvelles technologies pour en extraire tout leur potentiel », relève Colas Cellier, qui prévoit de mettre en place des mécanismes pour garantir la satisfaction de ses clients à chaque étape du processus de rénovation, en utilisant les outils digitaux disponibles.

La cheffe d’entreprise Sonia Pertusa a pris une bonne résolution similaire pour 2023 afin d’accentuer la communication et de mettre en place un outil de suivi de chantiers partagé avec les architectes.

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Gérer l’incertitude sur 2023

Dans ce contexte chahuté, si l’incertitude économique inquiète, plusieurs professionnels avec lesquels nous nous sommes entretenus restent optimistes, mais prudents. « Nous constatons une forte demande en ce début d’année. Il est cependant difficile de prévoir exactement le déroulement de 2023 en ce qui concerne le secteur de la rénovation de l’habitat car cela dépendra de nombreux facteurs, tels que l’évolution économique générale, les tendances immobilières, les politiques gouvernementales et les préférences de consommateurs. Il est à mon sens probable que la demande de rénovation de l’habitat restera élevée, car de nombreuses personnes continuent à vouloir améliorer leur maison et la demande de rénovation écologique devrait augmenter pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des logements », analyse Colas Cellier.

Le début d’année est aussi encourageant pour Sonia Pertusa et Edouard Cottin qui enregistrent actuellement une demande importante. « Nous avions noté une baisse d’activité en septembre avec une phase d’attentisme, qui s’est gommée sur la fin de 2022, avec du coup un début d’année 2023 prometteur », conclut Sonia Pertusa.

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Rédactrice en chef et éditrice pour Houzz France. Journaliste spécialisée dans la rénovation.

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