Le jardin vu par le peintre impressionniste Gustave Caillebotte
Petite balade dans les fabuleux jardins impressionnistes, au détour des œuvres du peintre français qui nous apprend à mieux les regarder
Le musée Thyssen-Bornemisza de Madrid propose cet automne une exposition qui rassemble 64 toiles d’un des plus grands impressionnistes français : Gustave Caillebotte (1848-1894).
Nous profitons de cette merveilleuse occasion pour nous attarder sur les jardins ou les potagers, en nous émerveillant chaque fois davantage devant les plantes et les fleurs, à l’instar de cet artiste peintre, ami de Monet, véritable passionné d’horticulture attentif à la conception des jardins.
Nous profitons de cette merveilleuse occasion pour nous attarder sur les jardins ou les potagers, en nous émerveillant chaque fois davantage devant les plantes et les fleurs, à l’instar de cet artiste peintre, ami de Monet, véritable passionné d’horticulture attentif à la conception des jardins.
Peinture ou jardin : lequel vint en premier ?
« Gustave Caillebotte a su glorifier la nature à travers la peinture », explique la paysagiste Julie Gambin. Même s’il est vrai que les nénuphars et les tournesols apparaissent dans les œuvres d’autres peintres, « celles de Gustave Caillebotte se distinguent par la finesse de leurs détails. Il a su souligner le côté bucolique du jardin en montrant les scènes et les objets quotidiens d’un jardinier. Et il a ainsi uni la pratique à l’esthétique », poursuit-elle.
À en juger par les 64 toiles exposées au musée Thyssen de Madrid, la paysagiste française a vu juste : les couleurs et les perspectives sont toujours aussi cohérentes et réfléchies dans l’art du jardin encore de nos jours.
« Gustave Caillebotte a su glorifier la nature à travers la peinture », explique la paysagiste Julie Gambin. Même s’il est vrai que les nénuphars et les tournesols apparaissent dans les œuvres d’autres peintres, « celles de Gustave Caillebotte se distinguent par la finesse de leurs détails. Il a su souligner le côté bucolique du jardin en montrant les scènes et les objets quotidiens d’un jardinier. Et il a ainsi uni la pratique à l’esthétique », poursuit-elle.
À en juger par les 64 toiles exposées au musée Thyssen de Madrid, la paysagiste française a vu juste : les couleurs et les perspectives sont toujours aussi cohérentes et réfléchies dans l’art du jardin encore de nos jours.
© Paris, Comité Caillebotte. Tournesols, Jardin au Petit Gennevilliers (1885), avec l’autorisation du musée Thyssen-Bornemisza, Madrid
Paula Luengo, conservatrice du musée et commissaire de l’exposition Caillebotte : Pintor y jardinero [« Caillebotte : peintre et jardinier », NDLT] nous explique : « Il favorisait un point de vue proche de celui des oiseaux, en plongée, influencé par les estampes japonaises. C’est d’ailleurs cette manière de peindre la nature qui fut à la fois innovante et critiquée. Aujourd’hui, nous y sommes habitués grâce au cinéma. Il n’était pas question pour lui de réaliser une nature morte : ses toiles nous emmènent vraiment au cœur du jardin. »
Après avoir peint plusieurs années dans la maison de Yerres – « étape d’expérimentation », nous explique Paula Luengo –, Gustave Caillebotte trouve son bonheur dans une villa au bord de la Seine, au Petit Gennevilliers (image ci-dessus), où il affirme son art. Il cultive dès lors un magnifique potager et crée un jardin à la française, avec des parterres parfaitement dessinés, une roseraie, une serre et des vergers.
« Comme Claude Monet, il s’est fabriqué son propre paradis qui lui fournit naturellement des éléments pour travailler sur ses thèmes favoris », ajoute Paula Luengo. Aujourd’hui disparue, cette propriété entretenue par quatre jardiniers reste présente dans nos esprits grâce aux toiles peintes par Gustave Caillebotte (image ci-dessus)… et à sa correspondance avec Claude Monet.
Paula Luengo, conservatrice du musée et commissaire de l’exposition Caillebotte : Pintor y jardinero [« Caillebotte : peintre et jardinier », NDLT] nous explique : « Il favorisait un point de vue proche de celui des oiseaux, en plongée, influencé par les estampes japonaises. C’est d’ailleurs cette manière de peindre la nature qui fut à la fois innovante et critiquée. Aujourd’hui, nous y sommes habitués grâce au cinéma. Il n’était pas question pour lui de réaliser une nature morte : ses toiles nous emmènent vraiment au cœur du jardin. »
Après avoir peint plusieurs années dans la maison de Yerres – « étape d’expérimentation », nous explique Paula Luengo –, Gustave Caillebotte trouve son bonheur dans une villa au bord de la Seine, au Petit Gennevilliers (image ci-dessus), où il affirme son art. Il cultive dès lors un magnifique potager et crée un jardin à la française, avec des parterres parfaitement dessinés, une roseraie, une serre et des vergers.
« Comme Claude Monet, il s’est fabriqué son propre paradis qui lui fournit naturellement des éléments pour travailler sur ses thèmes favoris », ajoute Paula Luengo. Aujourd’hui disparue, cette propriété entretenue par quatre jardiniers reste présente dans nos esprits grâce aux toiles peintes par Gustave Caillebotte (image ci-dessus)… et à sa correspondance avec Claude Monet.
Les deux peintres, jardiniers et véritables passionnés d’horticulture, échangent des engrais, partagent leurs découvertes de variétés et des graines de tournesols.
« Ce fut un beau printemps. J’ai envie de peindre tout ce qui fleurit, mais certaines fleurs durent si peu que c’est parfois difficile », écrit Gustave Caillebotte à son ami.
De son côté, Claude Monet vit déjà entouré de ses chers nénuphars – une des toiles de cette série a été vendue pour environ 40 millions d’euros en 2014 – dans son paradis personnel de Giverny, en Normandie.
« Ce fut un beau printemps. J’ai envie de peindre tout ce qui fleurit, mais certaines fleurs durent si peu que c’est parfois difficile », écrit Gustave Caillebotte à son ami.
De son côté, Claude Monet vit déjà entouré de ses chers nénuphars – une des toiles de cette série a été vendue pour environ 40 millions d’euros en 2014 – dans son paradis personnel de Giverny, en Normandie.
© Paris, Comité Caillebotte. Le jardin potager, Yerres (1884), avec l’autorisation du musée Thyssen-Bornemisza, Madrid
La maison du Petit Gennevilliers devient la résidence principale de Caillebotte en 1888. Dans cette image, les tons jaunes et violets prédominent, soulignés par un point de vue cinématographique sur le jardin.
« Ces jardins tentent de recréer un paysage naturel… Et le peintre choisit une couleur prédominante, selon la sensation qu’il recherche : violet, pour son côté relaxant ; jaunes, doré, ou verts, pour créer une ambiance lyrique. En effet, si vous mélangez des teintes vibrantes comme le jaune et le violet, vous suscitez l’intérêt », affirme Natalia Pérez Vázquez, ingénieur agricole d’El Creador de paisajes.
La maison du Petit Gennevilliers devient la résidence principale de Caillebotte en 1888. Dans cette image, les tons jaunes et violets prédominent, soulignés par un point de vue cinématographique sur le jardin.
« Ces jardins tentent de recréer un paysage naturel… Et le peintre choisit une couleur prédominante, selon la sensation qu’il recherche : violet, pour son côté relaxant ; jaunes, doré, ou verts, pour créer une ambiance lyrique. En effet, si vous mélangez des teintes vibrantes comme le jaune et le violet, vous suscitez l’intérêt », affirme Natalia Pérez Vázquez, ingénieur agricole d’El Creador de paisajes.
Les impressionnistes mettent en pratique une nouvelle façon de représenter les fleurs, les plantes et les arbres, afin d’intensifier nos sensations. Par ailleurs, le monde, devenu soudainement plus rapide à l’époque, ne se contente plus d’une peinture réaliste.
« L’invention de l’appareil photo a changé la façon de voir les hommes et le monde. Le visible prend alors une autre signification. Et cela se ressent immédiatement dans la peinture », explique John Berger dans son essai Voir le voir.
La peinture en plein air est restée, depuis lors, associée aux impressionnistes, qui ont réussi à provoquer cette émotion. « Les jardins du XIXᵉ siècle illustrent la nécessité de convertir la conception des espaces extérieurs en art, comme la photographie ou la peinture. C’est aussi pour cette raison que bon nombre de paysagistes de ce siècle sont également peintres, et que certains peintres sont aussi jardiniers… comme Gustave Caillebotte », explique Natalia Pérez Vázquez.
« L’invention de l’appareil photo a changé la façon de voir les hommes et le monde. Le visible prend alors une autre signification. Et cela se ressent immédiatement dans la peinture », explique John Berger dans son essai Voir le voir.
La peinture en plein air est restée, depuis lors, associée aux impressionnistes, qui ont réussi à provoquer cette émotion. « Les jardins du XIXᵉ siècle illustrent la nécessité de convertir la conception des espaces extérieurs en art, comme la photographie ou la peinture. C’est aussi pour cette raison que bon nombre de paysagistes de ce siècle sont également peintres, et que certains peintres sont aussi jardiniers… comme Gustave Caillebotte », explique Natalia Pérez Vázquez.
© Paris, Comité Caillebotte. Orchidées (1893), avec l’autorisation du musée Thyssen-Bornemisza, Madrid
L’orchidée (Stanhopea aurea) est la fleur préférée de Claude Monet et Gustave Caillebotte. Et certaines ne durent pas plus de trois ou quatre jours, un laps de temps très court pour les peindre.
Dans cette image, la vision très moderne de Gustave Caillebotte est évidente. « Comme s’il employait un zoom, il réussit à faire de son sujet l’unique point d’intérêt de la composition », raconte la commissaire du musée Thyssen.
L’orchidée (Stanhopea aurea) est la fleur préférée de Claude Monet et Gustave Caillebotte. Et certaines ne durent pas plus de trois ou quatre jours, un laps de temps très court pour les peindre.
Dans cette image, la vision très moderne de Gustave Caillebotte est évidente. « Comme s’il employait un zoom, il réussit à faire de son sujet l’unique point d’intérêt de la composition », raconte la commissaire du musée Thyssen.
Le jardin impressionniste : hier et aujourd’hui
Suite à la révolution industrielle, les villes s’étendent. Des poumons de verdure, lieux de détente, apparaissent un peu partout dans les espaces publics ou privés, au cœur des noyaux urbains fraîchement apparus. Ce n’est qu’à la fin du XIXᵉ siècle que le jardin cesse d’être un luxe et devient populaire.
Suite à la révolution industrielle, les villes s’étendent. Des poumons de verdure, lieux de détente, apparaissent un peu partout dans les espaces publics ou privés, au cœur des noyaux urbains fraîchement apparus. Ce n’est qu’à la fin du XIXᵉ siècle que le jardin cesse d’être un luxe et devient populaire.
© Paris, Comité Caillebotte. Allée de jardin et massifs de dahlias, Petit Gennevilliers (1890-1891), avec l’autorisation du musée Thyssen-Bornemisza, Madrid
« Nous perpétuons les concepts de cette période, en tentant d’adapter les jardins à la climatologie, tout en introduisant une création paysagère la plus naturelle possible dans les parcs et les jardins privés », explique Natalia à propos de la permanence des principes de création paysagère qui ont traversé les siècles, comme en témoignent les toiles de Gustave Caillebotte.
« Et surtout, les jardins ne se réduisent pas à des représentations sur des toiles, mais nous fournissent l’occasion d’y pénétrer et d’en profiter », poursuit la conceptrice paysagiste.
« Nous perpétuons les concepts de cette période, en tentant d’adapter les jardins à la climatologie, tout en introduisant une création paysagère la plus naturelle possible dans les parcs et les jardins privés », explique Natalia à propos de la permanence des principes de création paysagère qui ont traversé les siècles, comme en témoignent les toiles de Gustave Caillebotte.
« Et surtout, les jardins ne se réduisent pas à des représentations sur des toiles, mais nous fournissent l’occasion d’y pénétrer et d’en profiter », poursuit la conceptrice paysagiste.
« Ces œuvres sont le symbole du jardin intemporel et impérissable… Cela se confirme dans la pratique par la présence de sentiers et de chemins en perspective qui se retrouvent de nos jours dans la conception des espaces paysagers », explique Julie Gambin.
La suppression des barrières artificielles – clôtures, haies –, qui permet à la végétation de pénétrer dans les chemins, et le recours à des espèces autochtones, qui respectent les formes naturelles si elles sont disposées harmonieusement, sont des leçons tirées de l’observation de ces paysages.
La suppression des barrières artificielles – clôtures, haies –, qui permet à la végétation de pénétrer dans les chemins, et le recours à des espèces autochtones, qui respectent les formes naturelles si elles sont disposées harmonieusement, sont des leçons tirées de l’observation de ces paysages.
D’un point de vue conceptuel, le jardin impressionniste est un mélange (im)possible entre la rigueur du jardin à la française et le romantisme du jardin anglais. Il s’agit en fait d’un jeu subtil de textures qui sollicitent nos cinq sens.
« Les toiles impressionnistes sont une sorte de réalité augmentée de l’art des jardins », affirme Julie.
« Les toiles impressionnistes sont une sorte de réalité augmentée de l’art des jardins », affirme Julie.
Chrysanthèmes, roses, marguerites…
Pour obtenir une floraison constante tout au long de l’année, les jardins de Gustave Caillebotte combinent des espèces caduques avec des persistantes afin de conserver des feuillus en hiver.
« Les rudbeckias, l’amarante, l’achillée et les dahlias en automne », explique Natalia. « En hiver, les mahonias, le nandina, la lavande et le romarin. La bruyère fleurit de janvier à mai et les variétés de conifères bleues, jaunes ou vertes apportent du feuillage. »
Pour obtenir une floraison constante tout au long de l’année, les jardins de Gustave Caillebotte combinent des espèces caduques avec des persistantes afin de conserver des feuillus en hiver.
« Les rudbeckias, l’amarante, l’achillée et les dahlias en automne », explique Natalia. « En hiver, les mahonias, le nandina, la lavande et le romarin. La bruyère fleurit de janvier à mai et les variétés de conifères bleues, jaunes ou vertes apportent du feuillage. »
© Paris, galerie Brame et Lorenceau. Parterre de marguerites (entre 1892-1893), avec l’autorisation du musée Thyssen-Bornemisza, Madrid
Caillebotte meurt jeune à Paris, à l’âge de 45 ans. Il a peint 400 œuvres et a légué à l’État français une collection complète de peintures impressionnistes. Mais à l’époque, l’impressionnisme n’était pas encore valorisé et son geste est passé quasiment inaperçu. Aujourd’hui, une partie de ces œuvres – d’Édouard Manet, Camille Pissarro, Edgar Degas, Paul Cézanne… – se trouve au célèbre musée d’Orsay à Paris.
Inachevés, ces panneaux de marguerites (ci-dessus) étaient destinés à tapisser les portes de son salon, pour prolonger encore davantage le plaisir du jardin à l’intérieur de sa maison. Une idée moderne pour l’époque… et toujours d’actualité. Une parmi tant d’autres.
ET VOUS ?
Que pensez-vous des magnifiques jardins peints par Gustave Caillebotte ?
Lire aussi :
Les astuces du maître incontesté des jardins anglais, Capability Brown
Conseils de pro pour concevoir un jardin à l’anglaise
Découvrez d’autres univers d’artistes
Caillebotte meurt jeune à Paris, à l’âge de 45 ans. Il a peint 400 œuvres et a légué à l’État français une collection complète de peintures impressionnistes. Mais à l’époque, l’impressionnisme n’était pas encore valorisé et son geste est passé quasiment inaperçu. Aujourd’hui, une partie de ces œuvres – d’Édouard Manet, Camille Pissarro, Edgar Degas, Paul Cézanne… – se trouve au célèbre musée d’Orsay à Paris.
Inachevés, ces panneaux de marguerites (ci-dessus) étaient destinés à tapisser les portes de son salon, pour prolonger encore davantage le plaisir du jardin à l’intérieur de sa maison. Une idée moderne pour l’époque… et toujours d’actualité. Une parmi tant d’autres.
ET VOUS ?
Que pensez-vous des magnifiques jardins peints par Gustave Caillebotte ?
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La maison familiale de Yerres du peintre français Gustave Caillebotte (1848-1894) est aujourd’hui un lieu de pèlerinage pour tous les amoureux du mouvement impressionniste. C’est dans ce parc qu’il commence à peindre en plein air le jardin et le potager, tandis qu’il se consacre au mécénat en organisant des expositions pour le groupe impressionniste, tout en collectionnant des toiles.
De longs sentiers, un jardin potager, des bassins et des temples à coupoles – le décor parfait pour une des scènes cruelles de la Comédie humaine de Balzac – sont autant d’éléments incontournables dans l’histoire de la peinture… et de la conception des jardins.