Avant/Après : Un an pour rénover 300 m2 incendiés à Paris

Un luxueux appartement haussmannien du Ve arrondissement de Paris renaît après son ravage intégral par un incendie

Agnès Carpentier11 Décembre 2019

Contributrice HOUZZ. Journaliste.

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Le dimanche 21 mai 2017, peu après 8h du matin, un violent incendie se déclare dans un appartement de 300 m² qui occupe le quatrième étage d’un immeuble haussmannien proche du Panthéon (Paris Ve). Le feu fait rage durant trois heures, dévastant intégralement le bien d’une famille qui y résidait depuis une vingtaine d’années, à l’étranger au moment des faits. Suite à l’incendie, l’assureur mandate le cabinet d’architectes urbanistes Fèvre Gaucher afin d’établir le relevé nécessaire à l’indemnisation. Lesquels font appel à Mélanie Jaulin (architecte) & Anastasia Ecalard (architecte d’intérieur) de Studio Gazelles pour les seconder et se charger dans la foulée la rénovation du bien à l’identique. C’est en leur compagnie que nous avons fait la visite des lieux flambant neufs.

Studio Gazelles

Coup d’œil
Qui habite ici : un couple et ses deux fils
Emplacement : au quatrième étage d’un immeuble haussmannien (Paris Ve)
Date de la réalisation : juin 2017 - juin 2018
Durée des travaux : 1 an
Superficie : 300 m² dont studio 33 m²
Architectes DPLG et architectes d’intérieur : Mélanie Jaulin & Anastasia Ecalard de Studio Gazelles
Entreprise tout corps d’état : Atlante
Budget : 3000 euros/m²

Crédit photos : Céline Claret pour Meero

Photo Avant

La façade portait les traces du sinistre quand Mélanie Jaulin et Anastasia Ecalard se sont rendues sur les lieux pour la première fois : « Les avancées de toiture avaient brûlé ainsi que les stores mais c’était à l’intérieur que c’était le plus impressionnant. Il ne restait rien que des décombres calcinés et des murs noircis. L’odeur était nauséabonde, insoutenable. Nous avons d’ailleurs porté des masques pendant au moins deux ou trois mois sur le chantier », se remémore Mélanie en commençant la visite.

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Photo Avant

À l’instar de ce salon carbonisé, voici à quoi ressemblait l’intérieur de l’appartement sinistré. « Impossible de débarrasser tout de suite ! Il a fallu nous livrer à quatre longs mois d’archéologie dans ces décombres pour faire l’inventaire complet des biens et des matériaux et le chiffrage pièce par pièce nécessaire à l’assurance », poursuit Anastasia.

En effet, suite à un incendie, les propriétaires ont cinq jours pour déclarer le sinistre à leur assureur. Celui-ci leur demande alors de fournir des preuves de leurs biens mobiliers comme les factures, mais aussi le listing des équipements en place (cheminées, miroirs, type de revêtements, équipements de cuisine et de salle de bains…) afin de pouvoir estimer le montant de l’indemnisation.

Avant. Il a donc fallu passer au peigne fin ces 300 m², anciennement découpés en trois grandes chambres, une vaste pièce de vie, une cuisine séparée et un studio attenant dont l’un des fils avait fait son repaire.

Après. Après cette collecte laborieuse et tandis que les propriétaires avaient été relogés non loin de là par l’assurance, les travaux de réfection à l’identique ont pu commencer, orchestrés par les architecte et architecte d’intérieur du Studio Gazelle. « Avec les propriétaires nous avons profité de l’étape des études afin d’apporter quelques améliorations à l’agencement de certains espaces. Nous avons revu en particulier la suite parentale et l’aménagement du studio dans lequel ils désiraient une chambre supplémentaire », détaillent-elles.

Photo Avant

Avant. Le feu avait pris dans l’entrée qui était donc la plus touchée. Un faux contact dans le tableau électrique était la cause présumée du sinistre.

Studio Gazelles

Après. Aujourd’hui flambant neuve et parée de mobilier design, elle a retrouvé sa superbe. Outre la gestion de la rénovation, le studio Gazelle a assuré la « mission mobilier » et sélectionné cette enfilade directement sur le salon Maison&Objet.

À l’arrière, un grand dressing d’entrée fait le lien avec le couloir et dans l’une de ses portes se cache un accès vers une petite salle d’eau.

Enfilade : Ringwide ; suspension : Flos

Photo Avant

Avant. Tout a été refait à l’identique mais avec les moyens modernes. Comme dans ce couloir qui traverse l’appartement, « les murs ont d’abord été curés, soit mis à nu jusqu’aux briques, en ôtant 5 à 7 cm de plâtre. Il n’y avait plus de fenêtre et beaucoup de courant d’air. Les murs ont séché pendant l’été puis nous les avons intégralement isolés et plaqués avant de faire les finitions », expliquent les pros.

Studio Gazelles

Après. En effet, les menuiseries bois avaient fortement souffert pendant l’incendie puis l’intervention des pompiers. Certaines avaient même explosé sous la chaleur des flammes, comme ici au bout du couloir.

« Quelques fenêtres comportaient des vitraux classés. Il a fallu les refaire à l’identique à partir de photos. La société tout corps d’état connaissait un spécialiste avec lequel les propriétaires ont pris rendez-vous », poursuivent-elles.

Photo Avant

Avant. Moyennant un effort soutenu de 10 à 15 personnes à la fois sur le chantier, le déblayage et le curage des lieux ont pris un mois complet. Le parquet, très endommagé a dû être entièrement déposé. Les professionnelles ont mandaté un bureau d’études qui a conclu à l’atteinte de la structure de l’immeuble à cet étage, ce qui a nécessité une reprise de la chape.

Studio Gazelles

Après. Avec son nouveau plancher massif clair en point de Hongrie et ses canapés bicolores, le salon a retrouvé beaucoup d’allure.

Canapés : Inspiration 2-seater sofa de Kauch ; Tables basses en marbre : Vincent Shepard chez Le Cèdre rouge ; Suspension : Sentou ; Applique : Tom Tixon chez Nedgis

Studio Gazelles

En fond de pièce, côté salle à manger, les lambris verts étaient une demande de la cliente : « Ce faux fond a été fabriqué en atelier à partir de nos dessins sur mesure. Il s’agit de cinq panneaux bois installés sur des baguettes », explique Mélanie.

Photo Avant

Avant. Des magnifiques cheminées en marbre d’origine, il ne restait rien…

Studio Gazelles

Après. « Les clients ont été voir des marbriers aux Puces pour retrouver de nouveaux manteaux de cheminées d’époque et aujourd’hui, elles sont toutes fonctionnelles », affirme Anastasia.

Table et chaises Gubi chez RBC Mobilier ; Lustre : Il Pezzo mancante

Studio Gazelles

Les propriétaires avaient refait faire toutes les peintures de l’appartement deux ans avant… Après le sinistre, outre les peintures, il a fallu reconstituer moulures et corniches. « Un staffeur de l’entreprise Atlante est venu pour réaliser les moulures choisies sur catalogue par les propriétaires, en plâtre, à l’ancienne », expliquent les pros.

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Photo Avant

Avant. Contiguë au salon, cette pièce servait de bureau. À droite du radiateur un conduit trapézoïdal striait le mur créant comme une alcôve.

Studio Gazelles

Après. « Nous avons dû adapter un design sur mesure car la propriétaire voulait retrouver cette niche existante. Cette bibliothèque a pris corps sur la base de cette niche, parcourue par deux dynamiques, horizontale avec ses étagères et verticale avec cette barre oblique qui sert de piétement et lui donne du caractère », affirme Mélanie.

Canapé Bubble chez Roche Bobois

Photo Avant

Avant. La cuisine, grande pièce située en face du salon, jouxtait l’entrée. Le feu avait pris juste derrière et elle était donc l’une des pièces les plus endommagées.

Studio Gazelles

Après. La cuisine a été refaite par le cuisiniste Boffi, une marque italienne de référence dans l’aménagement sur mesure de cuisines haut de gamme. Le choix de la famille s’est porté sur un mobilier contrasté avec un long linéaire en Lasermat surmonté de mobilier ouvert en noyer. Les plans de travail sont en Inox sur le linéaire et en granite Belvédère sur l’îlot.

Table Tulip de Saarinen ; Lampe Artemide ; Panier à bois en acier finition poudrée : Eldwarm

Photo Avant

Avant. Cliché de la cuisine vers le salon, une fois les décombres nettoyés.

Studio Gazelles

Après. Les propriétaires, estimant que cette configuration était la plus pratique pour eux, ont choisi d’avoir deux éviers, l’un près des plaques et l’autre sur l’îlot. « Ce dernier, doté un robinet plat, a été sélectionné pour ne pas dépasser sur le plan de travail », nous fait remarquer l’architecte.

Des « Sinky broyeurs » ont été installés dans les éviers, un aménagement qui n’est pas recommandé en France* mais qui est un équipement commun aux États-Unis, dont les propriétaires sont originaires.

* Pour information : « Rejeter des déchets alimentaires à l’évier revient à les détourner de la collecte sélective (ou du compostage domestique), ce qui n’est donc ni pertinent, ni utile pour réduire la quantité d’ordures ménagères résiduelles », explique l’Ademe à ce propos.

Photo Avant

Avant. À l’instar du salon et du bureau, la « chambre 1 » donne plein sud sur la façade côté rue de l’immeuble. Comme ce dernier est situé en zone de protection du patrimoine, toutes les menuiseries cintrées ont dû être refaites en bois, à l’identique.
Par ailleurs, on distingue ici la chambre après curage des murs, au moment où la chape a été refaite : « Nous avons coulé une chape en béton allégé sur un lit de billes d’argile pour éviter de rajouter trop de poids. Nous en avons profité pour y noyer un plancher chauffant électrique. Il est venu doubler le circuit de chauffage de l’immeuble que la propriétaire estimait insuffisant », explique l’architecte.

Studio Gazelles

Après. Dans cette chambre occupée par l’un des fils de la famille, le dressing a changé de place pour pouvoir agrandir la salle de bains et lui ajouter une baignoire. Un nouveau dressing a été créé par Boffi sur un pan de mur complet.

Le studio Gazelle a apporté une solution innovante en matière de radiateurs à eau chaude : des systèmes ont été intégrés directement le long des fenêtres à l’endroit où des réserves avaient été créées dans la chape. On distingue simplement des ajours sur le sol, le long de la fenêtre, par lesquels se diffuse la chaleur.

Studio Gazelles

Un bureau a été dessiné sur mesure par les professionnelles, surmonté d’un ensemble graphique de modules de rangement en forme de cubes.

« Nous souhaitions transformer la contrainte du décroché du mur en point fort. Le bureau intégré au bâti joue à se fondre avec l’existant et à continuer les perspectives », expliquent-elles.

Rangements : Cubit ; Applique Mouille chez Nedgis ; Suspension House Doctor chez Nedgis

Photo Avant

Avant. En céramique verte à la base, cette salle d’eau avait complètement changé d’aspect suite au sinistre.

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Après. Pour la remplacer, les propriétaires ont choisi les meubles, les lampes et l’armoire de marque Boffi. Les sanitaires sont en Corian, les portes laquées et le carrelage en carreaux de marbre de 10 x 10cm.

Photo Avant

Avant. La chambre parentale était elle aussi dévastée. C’est dans cette pièce que les propriétaires ont profité des travaux pour envisager les plus importantes améliorations.

Studio Gazelles

Après. Après ce sinistre et tandis que l’odeur pestilentielle avait bien du mal à se dissiper, la chambre des propriétaires a été imaginée comme une bouffée d’oxygène dans des tons de vert, rehaussée en tête de lit par un thème exotique : « Par chance, nous avons trouvé une marque qui décline papiers peints et peinture assortie ! », nous glissent les pros.

Au mur, quatre étagères en chêne ont été combinées pour créer une grande bibliothèque où les livres ont été disposés par couleur, comme un arc-en-ciel.

Étagères : Harto ; Peinture et papier peint : Papermint

Studio Gazelles

La tête de lit a été réalisée sur mesure grâce aux plans techniques du Studio Gazelles : « Huit panneaux sur lesquels ont été clouées des lamelles de chêne qui ont été placés différemment pour créer cette combinaison graphique. Nous y avons ajouté des liseuses. »

Liseuses : Ledtube de Marset chez Nedgis

Photo Avant

Avant. Assez loin du départ de foyer, la salle de bains de la suite parentale n’avait pas brûlé, mais était ravagée par la suie et l’intervention des pompiers.

Agnès Carpentier

Après. Depuis la chambre on y pénètre désormais par une porte sous tenture peinte en vert, très discrète sans cadre de porte. La nouvelle salle de bains, conçue pour disposer d’un maximum de confort et de bien-être, comporte une baignoire îlot et une grande douche à l’italienne dont la cloison de deux mètres sert d’appui à la double vasque.

Porte sous tenture : Invisidoor ; Baignoire îlot, revêtements sol et mur : Boffi

Photo Avant

Avant. Rattaché à l’appartement, un studio de 33 m² servait de repaire à l’un des fils. On y parvenait en traversant la buanderie depuis l’entrée principale. C’était la partie qui avait le moins souffert de l’incendie et où les intervenants et les propriétaires ont pris l’habitude de se rassembler pendant la durée du chantier.

Studio Gazelles

Après. Pour éviter la traversée de la buanderie, un balcon a été fermé et transformé en véranda pour servir de couloir d’entrée au studio.

Photo Avant

Avant. Ce que l’on appelait dans cette famille « le studio » était plutôt un deux-pièces avec une chambre et une autre pièce cuisine/salon.

Studio Gazelles

Après. Dans la chambre, une tête de lit sur mesure a été créée sur la base de modules de 40 cm de profondeur et un faux fond en tête de lit. Au plafond, les moulures d’origine ont été équipées d’un éclairage LED sur variateur. « Maintenant, on voit arriver des corniches lumineuses prééquipées. J’en ai repéré à Maison&Objet », nous glisse Anastasia.

Photo Avant

Avant. Cette pièce servait de cuisine/salon au studio.

Studio Gazelles

Après. Comme les propriétaires souhaitaient une chambre supplémentaire, ils l’ont transformée en suite. Elle a été équipée d’étagères en chêne sur mesure, d’un bureau et de caissons en bois de chez Cubit.

La cloison de la petite salle d’eau a gagné une verrière fixe en partie haute pour augmenter la luminosité dans la chambre.

Vasque : Boffi ; Miroir : M Nuance

Studio Gazelles

Le terrazzo a été choisi comme revêtement de sol commun à tout le studio : « Un coup de cœur de la propriétaire et le nôtre également. Ce sont des dalles dans les tons de vert et non un terrazzo coulé. Comptez néanmoins au moins 100 euros/m² et le double avec la pose », affirme Mélanie.

Papier peint tête de lit : Papermint

Studio Gazelles

« Nous gardons un souvenir sans tache de ce chantier. Les propriétaires étaient exceptionnels et ont fait face à ce sinistre avec beaucoup de courage. Bien qu’ils travaillent entre la France et l’étranger, ils se sont montrés très disponibles quand nous leur avons soumis huit esquisses successives et confrontés aux choix des agencements, matériaux, finitions… Mais alors que tout était presque achevé, ils ont brusquement décidé de vendre. Ils avaient perdu nombre de souvenirs et, même rénové, ce lieu leur était devenu sentimentalement trop difficile à vivre. Notre excellente relation perdure néanmoins car nous avons de nouveaux projets ensemble », concluent Mélanie Jaulin et Anastasia Ecalard.

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