Le papier d'Arménie : Secrets d'une fabrication vieille de 130 ans
C'est certainement le papier buvard le plus célèbre au monde. Parcours en 12 étapes d'un parfum d'ambiance
L’histoire débute en 1885 à Montrouge aux portes de Paris et l’entreprise n’a presque pas changé durant tout ce temps. Elle vient d’ailleurs de remporter le label Entreprise du Patrimoine Vivant qui distingue les entreprises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence. Elle a également remporté le label Entreprise Familiale Centenaire, qui ne distingue en France que 1 450 entreprises, à une époque où les choses se font et se défont à vitesse grand V. 100 % française et 100 % familiale, la petite usine ressemble à l’extérieur à une école primaire du début du siècle, tout en brique rouge et à un seul étage, et parfume l’air du quartier résidentiel.
Le papier d’Arménie, c’est plus de 20 000 points de vente et 10 % de la production exportés à l’étranger. Découvrons comment sont produits ces minuscules carnets, célébrés par Gainsbourg dans sa chanson Les P’tits Papiers chantée par Régine, au terme d’un parcours de six mois de fabrication.
Le papier d’Arménie, c’est plus de 20 000 points de vente et 10 % de la production exportés à l’étranger. Découvrons comment sont produits ces minuscules carnets, célébrés par Gainsbourg dans sa chanson Les P’tits Papiers chantée par Régine, au terme d’un parcours de six mois de fabrication.
Mystérieux Orient de 1880
C’est lors d’un voyage en Arménie vers 1880 qu’Auguste Ponsot, chimiste, découvre les vertus désinfectantes et purifiantes du benjoin, utilisé par les Ottomans pour rendre salubres les maisons qui ne l’étaient pas, ou lors des épidémies de choléra. La résine du Styrax benjoin est récoltée par incision sur le tronc de l’arbre. Cet arbre pousse beaucoup en Extrême-Orient, notamment au Laos d’où provient celui du papier d’Arménie.
C’est lors d’un voyage en Arménie vers 1880 qu’Auguste Ponsot, chimiste, découvre les vertus désinfectantes et purifiantes du benjoin, utilisé par les Ottomans pour rendre salubres les maisons qui ne l’étaient pas, ou lors des épidémies de choléra. La résine du Styrax benjoin est récoltée par incision sur le tronc de l’arbre. Cet arbre pousse beaucoup en Extrême-Orient, notamment au Laos d’où provient celui du papier d’Arménie.
Élément fondamental : le benjoin
De retour en France, Auguste Ponsot s’associe avec Henri Rivier, pharmacien. Ensemble, ils élaborent une formule pour liquéfier la résine dans de l’alcool presque pur et découvrent que le papier buvard, trempé dans cette solution, se consume sans flamme tel de l’encens. Très rapidement, l’entreprise connaît le succès et malgré la concurrence du papier d’Égypte, de Turquie ou d’ailleurs, c’est le seul produit à être primé durant l’exposition universelle de Paris en 1889, où la tour Eiffel sera édifiée. Il faut six mois d’un parcours codifié et douze étapes pour donner naissance au papier parfumé.
De retour en France, Auguste Ponsot s’associe avec Henri Rivier, pharmacien. Ensemble, ils élaborent une formule pour liquéfier la résine dans de l’alcool presque pur et découvrent que le papier buvard, trempé dans cette solution, se consume sans flamme tel de l’encens. Très rapidement, l’entreprise connaît le succès et malgré la concurrence du papier d’Égypte, de Turquie ou d’ailleurs, c’est le seul produit à être primé durant l’exposition universelle de Paris en 1889, où la tour Eiffel sera édifiée. Il faut six mois d’un parcours codifié et douze étapes pour donner naissance au papier parfumé.
Origine du benjoin
La résine de benjoin est extraite du styrax benjoin par scarification du tronc. C’est la même technique que pour la résine de pin dans les Landes. L’arbre doit avoir 25 ans minimum pour pouvoir être utilisé. Sa culture au Laos a été étatisée et est rigoureusement contrôlée. Ces perles de sève sont ensuite récoltées à la main et acheminées en caisse de bois vers la France où elles seront utilisées pour la parfumerie et le papier d’Arménie. Shalimar, le célèbre parfum de Guerlain, en contient, ainsi qu’Opium d’Yves Saint Laurent. Ces senteurs puissantes et lourdes ne sont pas sans rappeler les parfums d’Orient. C’est d’ailleurs aussi en partie pour cette raison qu’Auguste Ponsot et Henri Rivier l’ont utilisée. Les voyages en Orient avaient beaucoup de succès à l’époque mais peu de gens avaient l’occasion de les faire. Ce parfum – d’ambiance, dirait-on aujourd’hui – abordable pour la maison était la garantie d’un dépaysement.
La résine de benjoin est extraite du styrax benjoin par scarification du tronc. C’est la même technique que pour la résine de pin dans les Landes. L’arbre doit avoir 25 ans minimum pour pouvoir être utilisé. Sa culture au Laos a été étatisée et est rigoureusement contrôlée. Ces perles de sève sont ensuite récoltées à la main et acheminées en caisse de bois vers la France où elles seront utilisées pour la parfumerie et le papier d’Arménie. Shalimar, le célèbre parfum de Guerlain, en contient, ainsi qu’Opium d’Yves Saint Laurent. Ces senteurs puissantes et lourdes ne sont pas sans rappeler les parfums d’Orient. C’est d’ailleurs aussi en partie pour cette raison qu’Auguste Ponsot et Henri Rivier l’ont utilisée. Les voyages en Orient avaient beaucoup de succès à l’époque mais peu de gens avaient l’occasion de les faire. Ce parfum – d’ambiance, dirait-on aujourd’hui – abordable pour la maison était la garantie d’un dépaysement.
Alcool et benjoin, la recette
L’alchimie alcool pur et benjoin nécessite plus de deux mois de préparation en cuve. La recette tenue secrète est une combinaison entre le volume d’alcool et le poids de benjoin. La solution en bouteille sur la photo est le résultat du volume d’alcool dans le flacon et de la paillette de résine dans la main. On retrouve la même proportion dans les cuves de macération.
L’alchimie alcool pur et benjoin nécessite plus de deux mois de préparation en cuve. La recette tenue secrète est une combinaison entre le volume d’alcool et le poids de benjoin. La solution en bouteille sur la photo est le résultat du volume d’alcool dans le flacon et de la paillette de résine dans la main. On retrouve la même proportion dans les cuves de macération.
La macération
Une fois pesée et jetée dans l’alcool pur, la résine se liquéfie peu à peu. Tous les matins, le chef de fabrication tourne à la main une manivelle sur le haut de chaque cuve qui actionne alors des pales de mélange à l’intérieur. Il faut deux mois pour que la résine et l’alcool ne forment plus qu’un jus épais foncé et soit utilisable pour le trempage des feuilles de papier. La solution ainsi fabriquée est soutirée puis transportée dans des seaux à l’atelier. Tout est resté très artisanal.
Une fois pesée et jetée dans l’alcool pur, la résine se liquéfie peu à peu. Tous les matins, le chef de fabrication tourne à la main une manivelle sur le haut de chaque cuve qui actionne alors des pales de mélange à l’intérieur. Il faut deux mois pour que la résine et l’alcool ne forment plus qu’un jus épais foncé et soit utilisable pour le trempage des feuilles de papier. La solution ainsi fabriquée est soutirée puis transportée dans des seaux à l’atelier. Tout est resté très artisanal.
Petite entreprise mais grande réputation
Il y a encore quelques années, les balances électroniques n’avaient pas leur place rue Moncel, à Montrouge, siège de l’entreprise. Jusqu’en 2007, ces balances anciennes étaient encore en service. La précision de la formule est telle que la quantité de résine du Styrax benjoin (appelé couramment benjoin) est pesée très exactement. On a gardé en souvenir ces outils ayant servi tant d’années mais désormais mis de côté.
Il y a encore quelques années, les balances électroniques n’avaient pas leur place rue Moncel, à Montrouge, siège de l’entreprise. Jusqu’en 2007, ces balances anciennes étaient encore en service. La précision de la formule est telle que la quantité de résine du Styrax benjoin (appelé couramment benjoin) est pesée très exactement. On a gardé en souvenir ces outils ayant servi tant d’années mais désormais mis de côté.
Souvenirs
Comme pour la préparation de la solution, les caisses étaient pesées par lots sur cette balance avant d’être utilisées.
Comme pour la préparation de la solution, les caisses étaient pesées par lots sur cette balance avant d’être utilisées.
La solution miracle
Le papier brûle au contact d’une flamme, c’est une évidence. Mais lorsqu’il est trempé dans la résine de benjoin dissoute, il se transforme et devient combustible comme de l’encens. La solution saline ralentit encore sa combustion et procure une fumée légère. Les feuilles de papier buvard sont fabriquées en Suède, selon un procédé tenu secret. L’impression du texte sur chaque bandelette utilise une encre naturelle non polluante. Tous les matériaux qui composent le papier d’Arménie doivent obligatoirement avoir au minimum cette garantie.
Le papier brûle au contact d’une flamme, c’est une évidence. Mais lorsqu’il est trempé dans la résine de benjoin dissoute, il se transforme et devient combustible comme de l’encens. La solution saline ralentit encore sa combustion et procure une fumée légère. Les feuilles de papier buvard sont fabriquées en Suède, selon un procédé tenu secret. L’impression du texte sur chaque bandelette utilise une encre naturelle non polluante. Tous les matériaux qui composent le papier d’Arménie doivent obligatoirement avoir au minimum cette garantie.
Séchage naturel
Une fois bien imbibées de la solution saline, les feuilles sont mises à sécher à l’air sur des grilles. L’atelier du rez-de-chaussée, là où le traitement des feuilles est fait, comporte des fenêtres en vis-à-vis qui procurent un courant d’air naturel, idéal pour sécher le papier. De plus, la température reste très supportable car la pièce est bien ventilée, même lors d’épisodes caniculaires.
Une fois bien imbibées de la solution saline, les feuilles sont mises à sécher à l’air sur des grilles. L’atelier du rez-de-chaussée, là où le traitement des feuilles est fait, comporte des fenêtres en vis-à-vis qui procurent un courant d’air naturel, idéal pour sécher le papier. De plus, la température reste très supportable car la pièce est bien ventilée, même lors d’épisodes caniculaires.
Le papier doit être bien sec juste avant d’être trempé dans la solution alcoolisée au benjoin. Plus il est sec, mieux il absorbera.
Le parfum en fût
Au bout des deux mois de macération dans les cuves situées à l’étage supérieur, la solution alcool pur et benjoin a pris une belle teinte rouge foncé et descend dans le réservoir de l’atelier. Comme on peut le voir, c’est un modeste seau standard. On est loin de la mécanisation.
Au bout des deux mois de macération dans les cuves situées à l’étage supérieur, la solution alcool pur et benjoin a pris une belle teinte rouge foncé et descend dans le réservoir de l’atelier. Comme on peut le voir, c’est un modeste seau standard. On est loin de la mécanisation.
Le papier prend des couleurs
Dernière étape du processus olfactif, le trempage du papier dans le macérat de benjoin et d’alcool donne la couleur typique et uniforme du papier d’Arménie. Un seul bac, une seule personne, mais très qualifiée.
Dernière étape du processus olfactif, le trempage du papier dans le macérat de benjoin et d’alcool donne la couleur typique et uniforme du papier d’Arménie. Un seul bac, une seule personne, mais très qualifiée.
L’égouttage manuel
Tout ou presque est fait à la main. Comme l’immersion dans la solution saline et le trempage, l’égouttage est effectué manuellement par une personne qui a toujours été là et sait parfaitement comment presser, mais sans arracher le papier mouillé. Le mouvement est lent et précis. Avant elle, sa maman faisait le même geste. Car le papier d’Arménie est d’abord une histoire de famille tant du côté de l’équipe de douze personnes (huit à l’atelier et quatre dans les bureaux) que de la direction.
Tout ou presque est fait à la main. Comme l’immersion dans la solution saline et le trempage, l’égouttage est effectué manuellement par une personne qui a toujours été là et sait parfaitement comment presser, mais sans arracher le papier mouillé. Le mouvement est lent et précis. Avant elle, sa maman faisait le même geste. Car le papier d’Arménie est d’abord une histoire de famille tant du côté de l’équipe de douze personnes (huit à l’atelier et quatre dans les bureaux) que de la direction.
Inspection
Après avoir été pressé, une inspection est faite pour voir si le papier a bien supporté le traitement dans la solution parfumée et l’égouttage/pressage. Le moindre petit doute, et c’est toute la feuille qui part aux ordures ménagères. Beaucoup de personnes le savent et viennent récupérer les feuilles déclassées dans les poubelles.
Après avoir été pressé, une inspection est faite pour voir si le papier a bien supporté le traitement dans la solution parfumée et l’égouttage/pressage. Le moindre petit doute, et c’est toute la feuille qui part aux ordures ménagères. Beaucoup de personnes le savent et viennent récupérer les feuilles déclassées dans les poubelles.
Le séchage au four
Environ 60° dans ces anciens fours de fumage à viande ou poisson. Ils ont été adaptés bien sûr pour l’usage qui voulait en être fait, à savoir le séchage du papier imbibé et l’évaporation totale de l’alcool. C’est feuille à feuille que le papier est mis sur les rails avec précaution.
Environ 60° dans ces anciens fours de fumage à viande ou poisson. Ils ont été adaptés bien sûr pour l’usage qui voulait en être fait, à savoir le séchage du papier imbibé et l’évaporation totale de l’alcool. C’est feuille à feuille que le papier est mis sur les rails avec précaution.
La perforation
Cette ancienne imprimante industrielle a été reconditionnée pour effectuer les perforations des feuilles. C’est un matériel costaud qui ne nécessite qu’une seule personne pour son approvisionnement en rames de feuilles. C’est là que prennent forme les célèbres petites bandelettes.
Ensuite, c’est l’étape finale du découpage et l’assemblage de la couverture du carnet et des feuilles dans une autre machine.
Cette ancienne imprimante industrielle a été reconditionnée pour effectuer les perforations des feuilles. C’est un matériel costaud qui ne nécessite qu’une seule personne pour son approvisionnement en rames de feuilles. C’est là que prennent forme les célèbres petites bandelettes.
Ensuite, c’est l’étape finale du découpage et l’assemblage de la couverture du carnet et des feuilles dans une autre machine.
Toute la gamme
Dans cette ancienne armoire de bureau, les produits sont exposés. Le papier, bien évidemment, mais aussi les bougies d’ambiance, non fabriquées sur le site mais qui sont garanties avoir la même odeur caractéristique. Cette présentation en bougie est un produit récent.
Dans cette ancienne armoire de bureau, les produits sont exposés. Le papier, bien évidemment, mais aussi les bougies d’ambiance, non fabriquées sur le site mais qui sont garanties avoir la même odeur caractéristique. Cette présentation en bougie est un produit récent.
Le coffret « découverte » 2015 et le kit voyage
Le coffret « découverte » a été spécialement édité pour la célébration des 130 ans du papier d’Arménie. Deux autres parfums ont été ajoutés au classique Triple au benjoin : La Rose, devenu un incontournable dans nos parfums d’ambiance, et Arménie, créé par un célèbre parfumeur. Si vous aimez être dans – l’odeur de – vos petits papiers, il existe un kit de voyage avec une mini-boîte d’allumettes, un carnet de papier d’Arménie triple, le tout dans une petite boîte de transport dans laquelle vous ferez brûler vos bandelettes. Pratique pour changer l’air d’une chambre d’hôtel !
ET VOUS ?
Utilisez-vous du papier d’Arménie ? Connaissiez-vous son histoire et sa fabrication ?
Découvrez d’autres savoir-faire artisanaux français
Découvrez d’autres focus matières
Le coffret « découverte » a été spécialement édité pour la célébration des 130 ans du papier d’Arménie. Deux autres parfums ont été ajoutés au classique Triple au benjoin : La Rose, devenu un incontournable dans nos parfums d’ambiance, et Arménie, créé par un célèbre parfumeur. Si vous aimez être dans – l’odeur de – vos petits papiers, il existe un kit de voyage avec une mini-boîte d’allumettes, un carnet de papier d’Arménie triple, le tout dans une petite boîte de transport dans laquelle vous ferez brûler vos bandelettes. Pratique pour changer l’air d’une chambre d’hôtel !
ET VOUS ?
Utilisez-vous du papier d’Arménie ? Connaissiez-vous son histoire et sa fabrication ?
Découvrez d’autres savoir-faire artisanaux français
Découvrez d’autres focus matières
Célèbre petit papier qui parfume l’air de nos maisons depuis 130 ans, le papier d’Arménie nous dévoile ses secrets de fabrication. Rien de compliqué, juste un grand savoir-faire éprouvé.
L’entreprise est actuellement pilotée par Mireille Schvartz, l’arrière-petite-fille du cofondateur Henri Rivier, et n’a subi que très peu de changements depuis sa création. Ce sont entre 12 et 16 000 petits carnets qui sortent tous les jours de l’atelier soit environ 3 millions par an.