Architecture durable
Stockholm Furniture and Light Fair : Le charme du design durable
Si le développement durable est sur toutes les lèvres depuis des années, on passe aujourd’hui du discours à la pratique
Nous parlons depuis longtemps de la place croissante du développement durable dans le design scandinave (l’utilisation du bois naturel et la simplicité en sont déjà des marqueurs) : après les discours, le temps de la mise en œuvre semble être enfin venu. L’édition 2019 de la Stockholm Furniture and Light Fair (SFLF) a montré que même les fabricants — par ailleurs tenus par des impératifs de ventes et de marge — ont fait une avancée sensible en la matière. Voici nos précisions.
L’innovation par les matériaux naturels. L’une des nouvelles pièces écoresponsables les plus fascinantes a été exposée dans l’espace « Greenhouse » du Salon. Des créateurs prometteurs et les écoles de design sont invités à y mettre en avant leurs prototypes. Le jeune designer danois Nikolaj Thrane Carlsen (TangForm - SeaweedShape) y a présenté le fauteuil The Coastal Furniture, dont la coque est composée de deux espèces d’algues. Du parquet en bambou a été recyclé pour former les pieds, et le tout est assemblé avec seulement quatre fixations à vis.
« Je désirais tout simplement proposer une alternative durable à l’industrie du meuble telle qu’elle est aujourd’hui. Tout ou presque y est en bois, métal et plastique, et très peu de choses sont recyclées », explique-t-il. L’inspiration lui est venue sur la petite île danoise de Læsø. La zostère (une plante aquatique) qu’on y trouve le long des côtes sert traditionnellement à la construction des toitures. Certaines ont traversé trois siècles : une vraie solution durable.
« Je désirais tout simplement proposer une alternative durable à l’industrie du meuble telle qu’elle est aujourd’hui. Tout ou presque y est en bois, métal et plastique, et très peu de choses sont recyclées », explique-t-il. L’inspiration lui est venue sur la petite île danoise de Læsø. La zostère (une plante aquatique) qu’on y trouve le long des côtes sert traditionnellement à la construction des toitures. Certaines ont traversé trois siècles : une vraie solution durable.
Pour faire de l’algue un matériau suffisamment solide et durable, Thrane Carlsen a testé différents types de colle. Il lui est par la suite venu l’idée d’exploiter la carraghénane, extraite d’algues rouges comestibles et très largement utilisée dans l’industrie agroalimentaire en tant qu’épaississant et stabilisant. « En mélangeant de la poudre de carraghénane avec de l’eau, puis en y ajoutant de la zostère, j’ai créé une “pâte d’algues” », raconte-t-il. Après l’avoir modelée à la main et laissée au four à basse température pendant deux jours, il a obtenu ce fauteuil extrêmement solide. « Et non, après ce long temps de séchage, cela ne sent plus l’algue », ajoute-t-il dans un sourire.
Thrane Carlsen a inventé ce matériau 100 % algues et imaginé son fauteuil dans le cadre de son projet de fin d’études (une étude de matériau) à l’école d’Architecture de Copenhague. Le jury de la Greenhouse lui a décerné le prix de la Meilleure Réalisation 2019.
Le jeune designer espère que son fauteuil (ou sa lampe, son tabouret de bar et sa petite table, faits du même matériau) n’est que le début d’une aventure écoresponsable dans l’industrie du design. « Jusqu’ici, je me suis concentré en priorité sur le matériau. Il reste encore un très vaste champ des possibles autour de la conception et de la mise en forme des meubles », estime-t-il.
Le jeune designer espère que son fauteuil (ou sa lampe, son tabouret de bar et sa petite table, faits du même matériau) n’est que le début d’une aventure écoresponsable dans l’industrie du design. « Jusqu’ici, je me suis concentré en priorité sur le matériau. Il reste encore un très vaste champ des possibles autour de la conception et de la mise en forme des meubles », estime-t-il.
Autre appel à une démarche écoresponsable, celui de l’entreprise suédoise Baux, qui exploite des matériaux habituellement confinés à la quincaillerie avec un sens accru du design. Leur stand très accrocheur au SFLF a été monté avec ses panneaux absorbants antibruit, baptisés Acoustic Pulp. Ils sont fabriqués à partir de matériaux 100 % bio. Stella McCartney, championne du développement durable, utilise des matériaux de chez Baux dans ses magasins : une caution de renom s’il en était besoin.
Ces cloisons d’intérieur ont été imaginées en partenariat avec l’Institut Royal de Technologie (KTH) de Stockholm. Principalement composées de pulpe de bois, elles sont ensuite teintes au son de blé. « Lorsque nous avons constaté que nous pouvions imiter la nature avec des matériaux eux-mêmes naturels, nous nous sommes dit qu’il y avait là de quoi révolutionner les choses. Je pense par exemple aux propriétés ignifuges de certaines plantes herbacées, celles hydrofuges de la fleur de lotus, ou à la solidité de l’association catalytique des pommes de terre, de la cire de plantes et d’agrumes », confie son cofondateur, Fredrik Franzon.
Est-ce réellement du recyclage ? En ces temps où la question de la consommation — et des déchets — de plastique s’invite dans les débats de société, on peut se demander ce qui est fait de tout le plastique servant à la fabrication des meubles. L’entreprise de design danoise Houe s’est emparée du sujet avec le fauteuil Falk. Il s’agit d’après ses créateurs du premier modèle au monde fabriqué en plastique recyclé. Il a été conçu par le designer danois Thomas Pedersen et produit à Randers au Danemark à partir de meubles d’occasion mis au rebut par la population locale.
Bien que Houe insiste sur son principe écoresponsable, il était important que le fauteuil n’ait pas l’apparence d’un objet recyclé. « Le fait que la pièce soit en plastique recyclé ne change rien au processus de création. Il était hors de question pour nous de transiger sur le design au profit du simple matériau. Nous voulions proposer un fauteuil aussi séduisant que n’importe quel autre », explique le fondateur, Lars Houe.
Bien que Houe insiste sur son principe écoresponsable, il était important que le fauteuil n’ait pas l’apparence d’un objet recyclé. « Le fait que la pièce soit en plastique recyclé ne change rien au processus de création. Il était hors de question pour nous de transiger sur le design au profit du simple matériau. Nous voulions proposer un fauteuil aussi séduisant que n’importe quel autre », explique le fondateur, Lars Houe.
La coque du fauteuil se compose de 15 % de verre et d’un peu de teinture : le reste, soit 80 à 85 % du matériau, est en plastique recyclé, issu de déchets ménagers de la région qui seraient sinon passés à l’incinérateur.
« Remettons toutefois les choses à leur place », avise Lars Houe. « Le mieux à faire pour la planète reste encore de ne pas acheter de nouvelle chaise. Pour toutes les fois où on le fait quand même, j’estime qu’il est de notre responsabilité en tant que créateurs et fabricants de minimiser l’impact environnemental nos productions. »
« Remettons toutefois les choses à leur place », avise Lars Houe. « Le mieux à faire pour la planète reste encore de ne pas acheter de nouvelle chaise. Pour toutes les fois où on le fait quand même, j’estime qu’il est de notre responsabilité en tant que créateurs et fabricants de minimiser l’impact environnemental nos productions. »
L’entreprise norvégienne Heymat a elle aussi innové en matière de plastique recyclé. Elle a récemment lancé Heymat+, une gamme de paillassons dont la face est à 100 % composée de plastique recyclé. Autre point fort de ces produits : leur longévité. Ils sont en effet conçus pour durer plusieurs dizaines d’années.
« Le design peut et doit s’inscrire dans une démarche de développement durable, estime Sonja Djønne, PDG d’Heymat. Nous voulions produire un paillasson d’une qualité équivalente aux modèles industriels, mais au look très séduisant », explique-t-elle.
Tapis Heymat+ : Kristine Five Melvær pour Heymat
« Le design peut et doit s’inscrire dans une démarche de développement durable, estime Sonja Djønne, PDG d’Heymat. Nous voulions produire un paillasson d’une qualité équivalente aux modèles industriels, mais au look très séduisant », explique-t-elle.
Tapis Heymat+ : Kristine Five Melvær pour Heymat
L’avènement de l’anti-design ? Une autre approche du design est possible avec des produits si bien dessinés et si fonctionnels qu’il n’est plus nécessaire de les remplacer par du neuf. On pourrait appeler cela de « l’anti-design ». Le créateur britannique Jasper Morrison, pourrait en être un exemple. Sa collaboration avec Iittala a donné naissance à une nouvelle ligne d’art de la table, Raami, si simple (en apparence) qu’elle semble presque banale. Théières, assiettes, bols, verres et verres à vin sont poussés jusqu’à leur plus simple expression — comme les dessinerait un enfant.
Verres : collection Raami par Jasper Morrison pour Iittala
Verres : collection Raami par Jasper Morrison pour Iittala
Où déposer clés et manteaux quand on entre chez soi ? Sur cette patère, efficace par sa simplicité. Intemporelle, discrète et intelligente dans son utilisation des matériaux.
Patère : Kapten One par Mia Cullin pour Gemla
Patère : Kapten One par Mia Cullin pour Gemla
Exposition NM& au SFLF ; photographie de Gustaf Kaiser
Des produits conçus pour durer — un retour vers le passé. Regarder du côté de la tradition du meuble construit pour durer constitue une autre forme d’engagement en faveur du développement durable. Et un acte de consommation réfléchi, phénomène très ancré dans les cultures scandinaves.
En 2018, le musée national d’Art et de Design de Stockholm lance une vaste commande de mobilier. Le splendide bâtiment du XIXᵉ siècle a bénéficié d’une vaste rénovation. Pour l’occasion, 20 fabricants scandinaves ont été sollicités pour produire des verreries, de la vaisselle, des tissus et meubles à destination du musée, sous la supervision du designer Matti Klenell. Certaines pièces sont aujourd’hui également disponibles à la vente.
Des produits conçus pour durer — un retour vers le passé. Regarder du côté de la tradition du meuble construit pour durer constitue une autre forme d’engagement en faveur du développement durable. Et un acte de consommation réfléchi, phénomène très ancré dans les cultures scandinaves.
En 2018, le musée national d’Art et de Design de Stockholm lance une vaste commande de mobilier. Le splendide bâtiment du XIXᵉ siècle a bénéficié d’une vaste rénovation. Pour l’occasion, 20 fabricants scandinaves ont été sollicités pour produire des verreries, de la vaisselle, des tissus et meubles à destination du musée, sous la supervision du designer Matti Klenell. Certaines pièces sont aujourd’hui également disponibles à la vente.
Une pièce de la collection se distingue plus particulièrement, à la fois par son design innovant et parce qu’elle incarne l’amour et le respect scandinave pour l’enfance. La chaise haute, à droite de la photo, est entourée d’un épais anneau en plastique doré. Ou comment transformer un plateau fonctionnel en objet élégant et sublimé. Ses créateurs, Anna von Schewen et Björn Dahlström ont baptisé cette chaise Lilla Skatt (petit trésor) : quelque soit le nombre de pièces de valeur ou œuvres d’art autour de l’enfant, il ou elle reste le plus précieux.
Chaise chapeau (à gauche) : TAF Studios pour Offecct ; Chaise haute Lilla Skatt : Anna von Schewen et Björn Dahlström pour Articles ; Luminaire Putki : Matti Klenell pour Iittala
Chaise chapeau (à gauche) : TAF Studios pour Offecct ; Chaise haute Lilla Skatt : Anna von Schewen et Björn Dahlström pour Articles ; Luminaire Putki : Matti Klenell pour Iittala
Créer des meubles pour un lieu public dépositaire d’une histoire du design, avec la mission de marier style classique et modernité n’est pas chose aisée. C’est pourtant ce qu’ont réussi à faire Matti Klenell et Peter Andersson avec la chaise Botero. Son dossier en cuir, moelleux, invite à la détente et évoque un salon de style victorien. Sa structure en bois ne dépareillerait pas dans une cuisine scandinave du XIXe siècle.
Chaise Botero : Matti Klenell et Peter Andersson pour Källemo
Chaise Botero : Matti Klenell et Peter Andersson pour Källemo
L’ère victorienne est aussi invoquée dans cette suspension d’Anna Berglund pour BSweden. Baptisé en hommage à la grand-mère de la créatrice, le luminaire affiche les couleurs et les courbes d’un salon victorien, mais nous parle de modernité avec son ampoule LED droite et sa forme simplifiée.
Luminaire Valborg : Anna Berglund pour BSweden
Luminaire Valborg : Anna Berglund pour BSweden
Japanordic : un vieil ami de l’environnement. Ce tournant historique rappelle que l’intérêt scandinave pour la protection de la planète ne date pas d’hier. Autre grand thème de cette année, le « Japanordic » — mariage heureux des design scandinave et japonais — évoque les bases mêmes du mouvement en faveur du développement durable. Au Japon comme en Scandinavie, le design a toujours été affaire de savoir-faire, matériaux naturels, minimalisme et approche anti-consumériste. L’objet y est imparfait et changeant, sa conception se veut durable. Il traverse les années et se patine au fil du temps. Cette autre grande tendance de l’édition 2019 du SFLF se fait à cet égard porte-voix et annonciatrice d’un grand mouvement écoresponsable.
Avec le Design Bar du SFLF, les designers norvégiens Anderssen & Voll ont créé une oasis de tranquillité au cœur de l’effervescence. Un restaurant, une cour et un lieu de rencontre entourés d’arbre, célébrant la sérénité et les essences à croissance rapide issues d’une production écoresponsable.
Avec le Design Bar du SFLF, les designers norvégiens Anderssen & Voll ont créé une oasis de tranquillité au cœur de l’effervescence. Un restaurant, une cour et un lieu de rencontre entourés d’arbre, célébrant la sérénité et les essences à croissance rapide issues d’une production écoresponsable.
L’influence « japanordique » s’illustre dans de nombreuses créations, comme celles des fabricants Carl Hansen et Design House Stockholm aux lignes si strictes et au style si épuré qu’on les croirait presque sorties de catalogues standards. Artisanat et travail fait main ont été les mots d’ordre d’Artek (photo) lors du SFLF. Le plaisir du mobilier passe aussi bien par une finition au toucher velouté que par l’esthétique visuelle.
Chaise atelier : TAF Studio pour Artek, conçue pour le Nationalmuseum (voir ci-dessous)
Chaise atelier : TAF Studio pour Artek, conçue pour le Nationalmuseum (voir ci-dessous)
La somme de toutes les tendances. Le fauteuil 040 de NM& rassemble et illustre ces différentes tendances. Également imaginé pour le Nationalmuseum, il affiche des accents orientaux. Il est l’œuvre du créateur Matti Klenell et a été réalisé dans le prestigieux atelier Larsson Korgmakare (dans la vieille ville de Stockholm). On le trouve désormais dans le restaurant du musée national, sur l’autre rive. Fabriqué dans la région avec des matériaux durables, il est cosmopolite par son style mais scandinave dans sa simplicité. Ce fauteuil résume à lui seul les tendances scandinaves pour 2019.
ET VOUS ?
Que pensez-vous du design durable ?
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Tabouret Lilla Snåland : Marie-Louise Hellgren pour Stolab