Visite Privée : À Paris XIe, un ancien atelier prend des couleurs
Découvrez dans cette maison le pouvoir euphorisant de la couleur quand elle est utilisée avec une âme artistique
Ces propriétaires d’une cinquantaine d’années travaillent dans le milieu créatif, voyagent aux quatre coins du monde et apprécient l’art, collectionnant peintures, photos et mobilier. Quelque peu lassées par le VIIe arrondissement, où elles vivent depuis de nombreuses années, elles décident de déménager dans le XIe, où elles viennent de découvrir un petit bijou : une maison de 250 m² avec jardin, un ancien atelier bien préservé au fond d’un pâté d’immeubles. L’état général requiert une rénovation complète, laquelle est orchestrée par un architecte. Les volumes prennent corps, mais les difficultés s’enchaînent : lenteurs, malfaçons, volumes illisibles… Quand arrive enfin la phase des enduits, l’endroit froid et nu leur paraît tout sauf habitable car elles ont toujours vécu dans des cocons chaleureux et colorés. Pour personnaliser ce bien à leur image, elles font appel à un ami de longue date, Eric Gizard, architecte d’intérieur, designer et directeur de collections, qui va mettre à profit son sens artistique tout en nuances pour redessiner les volumes en couleur.
Coup d’œil
Qui vit ici : un couple de quinquagénaires
Superficie : 250 m²
Emplacement : à Paris dans le XIe arrondissement
Livraison du projet : mai 2018
Architecte d’intérieur : Eric Gizard
Budget : Comptez 1000 euros du mètre carré pour une rénovation de ce standing.
Crédit photos : Sisters Agency
Coup d’œil
Qui vit ici : un couple de quinquagénaires
Superficie : 250 m²
Emplacement : à Paris dans le XIe arrondissement
Livraison du projet : mai 2018
Architecte d’intérieur : Eric Gizard
Budget : Comptez 1000 euros du mètre carré pour une rénovation de ce standing.
Crédit photos : Sisters Agency
« À la première visite, j’ai pris le temps de ressentir les lieux et de me laisser gagner par l’atmosphère. Je ne plaque jamais un décor, mais détermine en fonction du lieu et de ses occupants les teintes et matières qui vont redéfinir les espaces », nous explique Eric Gizard à l’occasion de cette visite.
Disposée en U autour de la cour arborée, la maison de 250 m² était un havre de paix, une campagne en plein Paris, le « hide away » idéal. Ce fil conducteur simple et efficace, a guidé l’ambiance dont étaient en quête les nouvelles occupantes.
Trouvez un architecte d’intérieur sur Houzz
Disposée en U autour de la cour arborée, la maison de 250 m² était un havre de paix, une campagne en plein Paris, le « hide away » idéal. Ce fil conducteur simple et efficace, a guidé l’ambiance dont étaient en quête les nouvelles occupantes.
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Comme dans une maison de campagne, les propriétaires entrent par la cuisine, les bras chargés de courses. Eric Gizard, quant à lui, est venu leur rendre visite avec dans les bras le livre des peintures de Nicolas de Staël, un artiste qu’il apprécie particulièrement. Ce Français d’origine russe, mort tragiquement en 1945, a peu à peu abandonné le figuratif pour laisser sa palette picturale animer ses abstractions. Le chromatisme de l’artiste, que certains qualifient de peintre le plus raffiné de l’art moderne, s’exprime à travers des palettes sourdes, réveillées tout à coup par des notes puissantes, dans des associations toujours cohérentes.
« Elles ont été étonnées et ravies. Elles le connaissaient très bien et trouvaient que c’était une excellente idée de partir des tableaux de ce peintre pour inventer la mise en couleur des lieux. Pour mettre ses couleurs en œuvre, nous avons décidé de nous appuyer sur les gammes de plusieurs marchands experts de la couleur : Farrow & Ball, Mercadier et Emery & Cie en particulier », explique Eric Gizard.
« Elles ont été étonnées et ravies. Elles le connaissaient très bien et trouvaient que c’était une excellente idée de partir des tableaux de ce peintre pour inventer la mise en couleur des lieux. Pour mettre ses couleurs en œuvre, nous avons décidé de nous appuyer sur les gammes de plusieurs marchands experts de la couleur : Farrow & Ball, Mercadier et Emery & Cie en particulier », explique Eric Gizard.
Un pan de bleu tonique comme un ciel de l’Atlantique appelle le regard sur la perspective de la cuisine/salle à manger en longueur, égayant la base kaki appliquée sur le mobilier et les murs. En effet, ce sont les tableaux où Nicolas de Staël a peint des paysages de bord de mer qui ont le plus inspirées les propriétaires : « Les verts sourds de la nature, le bleu de la mer, le sable blond de la plage, c’est ce que l’on a mis en œuvre dans la cuisine », confirme l’architecte d’intérieur.
Pour bien user de la couleur en décoration, Eric Gizard, à l’instar de ce peintre, tente toujours de produire une tension entre douceur et force : « Je travaille avec des couleurs douces, naturelles, et tout à coup, dans un endroit où l’on ne s’y attend pas forcément, j’aime créer la surprise avec une teinte plus tonique, comme avec le mur bleu de cette cuisine par exemple », décrypte-t-il.
Pour bien user de la couleur en décoration, Eric Gizard, à l’instar de ce peintre, tente toujours de produire une tension entre douceur et force : « Je travaille avec des couleurs douces, naturelles, et tout à coup, dans un endroit où l’on ne s’y attend pas forcément, j’aime créer la surprise avec une teinte plus tonique, comme avec le mur bleu de cette cuisine par exemple », décrypte-t-il.
Pour faire une transition entre bleu et vert, ajouter de la lumière et de la surprise à cette cuisine, Eric a imaginé un plan de travail d’une couleur émeraude puissante. À l’instar de la teinte, la matière n’est pas convenue : « C’est une pierre de lave émaillée mate que l’on a fait fabriquer sur mesure chez Tradition Pierre, dans le Puy de Dôme. Un matériau extrêmement résistant en plan de travail », explique le professionnel.
Si les propriétaires férues d’art se sont chargées de la décoration, Eric Gizard est intervenu avec elles sur le choix du mobilier, des luminaires et le placement des objets : « un travail plaisir » selon lui.
Avec elles, il s’est entendu en particulier sur l’usage de suspensions graphiques pour animer le plafond de la pièce. « Ce système de chez Flos permet de faire une sortie électrique déportée discrète, puis de faire courir des fils artistiquement. Mes clientes avaient déjà eu recours à une composition lumineuse filaire dans leur précédent appartement », glisse Eric.
Avec elles, il s’est entendu en particulier sur l’usage de suspensions graphiques pour animer le plafond de la pièce. « Ce système de chez Flos permet de faire une sortie électrique déportée discrète, puis de faire courir des fils artistiquement. Mes clientes avaient déjà eu recours à une composition lumineuse filaire dans leur précédent appartement », glisse Eric.
Nous montons quelques marches pour rejoindre le salon qui occupe la branche centrale du U formé par la maison. C’est l’occasion de passer par ce palier qui porte encore les stigmates de l’atelier d’antan avec ce poteau de métal qui s’élève jusqu’au demi-niveau supérieur. Au-dessus ont été placés plusieurs tableau abstraits d’une artiste française.
Les tabourets tripodes proviennent quant à eux de la galerie Gosserez, « l’une des plus belles galeries de design de Paris », selon Eric.
Tabourets Fall/Winter par Valentin Loellmann
Les tabourets tripodes proviennent quant à eux de la galerie Gosserez, « l’une des plus belles galeries de design de Paris », selon Eric.
Tabourets Fall/Winter par Valentin Loellmann
Inspirée des lanternes japonaises traditionnelles, l’une des lampes Akari de Isamu Noguchi anime le palier. Cette version des iconiques sculptures lumineuses de l’artiste, designer et sculpteur américano-japonais, se compose de triangles de papier washi, agencés en volume façon origami.
En regagnant le salon, nous passons devant l’escalier desservant l’étage et les chambres. Celui-ci a équipé d’une main courante lumineuse graphique, réalisée par Astropol Light. À droite de l’escalier, une porte dissimule l’ascenseur que les propriétaires ont fait poser par l’architecte lors de la phase de gros œuvre.
Lampe Akari PL2 (1973) de Noguchi chez Sentou
En regagnant le salon, nous passons devant l’escalier desservant l’étage et les chambres. Celui-ci a équipé d’une main courante lumineuse graphique, réalisée par Astropol Light. À droite de l’escalier, une porte dissimule l’ascenseur que les propriétaires ont fait poser par l’architecte lors de la phase de gros œuvre.
Lampe Akari PL2 (1973) de Noguchi chez Sentou
Quand Eric Gizard a visité le salon pour la première fois, il a trouvé la rénovation désordonnée : « Les espaces étaient illisibles, des poutres sortaient de partout. » Adepte de la simplification des espaces, il s’est attaché à calmer le jeu et recadrer les volumes pour que le regard ne se perde pas. « Nous avons fait “light” dans le séjour, car le jardin était déjà très présent en raison des larges baies et il ne fallait pas en rajouter. Je pense d’ailleurs toujours plus par le vide que par le remplissage », confesse-t-il.
Afin de fondre tous les détails du plafond et les poteaux métalliques liées à l’ancienne destination du bâtiment, Eric Gizard a « calmé tous ces défauts par un gris très léger, hormis les poutres en bois, qui se mariaient avec notre thématique campagne ».
En fond de pièce, côté escalier, il apporte de la perspective avec un jeu de différents verts qui font ressortir le graphisme du garde-corps et donnent de la profondeur à l’ensemble.
En fond de pièce, côté escalier, il apporte de la perspective avec un jeu de différents verts qui font ressortir le graphisme du garde-corps et donnent de la profondeur à l’ensemble.
Pour magnifier ce salon, les propriétaires ont misé sur des éclairages graphiques. La main courante de l’escalier en zigzag qui semble flotter sur les murs. Mais également la dizaine de modules lumineux qui égaient le plafond de leurs formes hexagonales libres : « Ce sont des cadres fermés par du papier avec une ligne de LED en périphérie. Tous les modules ont été fabriqués sur mesure par Astropol Light », explique-t-il. Sans oublier l’applique noire design et le lampadaire années 50 chiné aux Puces par les propriétaires.
Applique noire : Mantis de Bernard Schottlander (1951) chez DCW éditions
Applique noire : Mantis de Bernard Schottlander (1951) chez DCW éditions
Le mobilier provient en partie de leur ancien appartement du VIIe arrondissement, à l’instar de l’immense canapé, des fauteuils tressés ou de l’enfilade scandinave en palissandre. Sur les conseils d’Eric, elles ont acheté pour ce salon la banquette Noguchi, dont le vert pomme complète à la perfection le travail sur la gamme chromatique ainsi que le tabouret Butterfly bleu canard placé devant la cheminée. Ce tabouret, prénommé Constellation, est un objet unique qu’Eric Gizard a customisé (couleur et perforation) pour la vente aux enchères de La Source (fondée par Gérard Garouste).
Elles ont également fait relooker la table basse avec une nouvelle finition de plateau en stratifié d’un vert jaune qui attire la lumière.
Banquette Freeform Sofa chez Vitra par Isamu Noguchi ; Tabouret Butterfly chez Vitra par Sori Yanagi ; Table basse chez Sculptures Jeux par Eric Gizard
Elles ont également fait relooker la table basse avec une nouvelle finition de plateau en stratifié d’un vert jaune qui attire la lumière.
Banquette Freeform Sofa chez Vitra par Isamu Noguchi ; Tabouret Butterfly chez Vitra par Sori Yanagi ; Table basse chez Sculptures Jeux par Eric Gizard
Les portes qui se situent à droite et à gauche de l’enfilade vintage en palissandre desservent l’une les toilettes, l’autre l’espace technique de la chaudière. Afin de faire ressortir la profondeur des volumes, Eric Gizard les a peintes en vert foncé.
Cette autre porte qui part du salon conduit à la troisième branche du U, la plus petite, laquelle connaît un traitement pictural intense en vert émeraude.
Les propriétaires ont pensé que cette pièce aurait pu être le bureau du patron de l’atelier d’antan, peut-être une fonderie, car sur le mur figurait ce manteau de cheminée en fonte orné, qui a été soigneusement conservé. Elle est devenu leur coin de repos, lecture et méditation, meublée en partie avec des pièces qu’elles ont ramenées de leurs voyages : un canapé charpoy débordant de coussins, un tabouret artisanal fabriqué dans une souche… La table basse a été dessinée par Eric Gizard pour Mon Petit Meuble Français.
« Cette petite pièce aurait pu passer inaperçue, c’est pourquoi on a cherché la surprise. Nous voulions apporter de la lumière à cet espace de méditation et nous avons pensé à marquer les esprits par un vert différent du jardin, plus bleu, plus synthétique », explique-t-il.
Comme toutes les pièces du rez-de-chaussée, celle-ci possède sa sortie directe dans le jardin. Une bouffée de nature au beau milieu de la ville.
Retournant sur nos pas au niveau de la sculpturale lampe Akari de Noguchi, nous empruntons l’escalier qui gagne le niveau supérieur en appréciant combien la teinte vert jaune éclaire la cage.
Les doublages des murs ont créé une étagère qui sert à placer des livres et des tableaux.
Parvenus au palier, que l’on peut également gagner par l’ascenseur, nous découvrons une banquette Jacobsen vintage surplombée d’un grand tableau où domine l’orange, lequel contraste sur le vert sauge des murs. Une suspension filaire anime le plafond tandis que face à la banquette, une lampe en raku, a été posée sur une table basse.
Suspension Aim chez Flos par Erwan & Ronan Bouroullec ; Banquette Swan par Arne Jacobsen, Circa 1957
Suspension Aim chez Flos par Erwan & Ronan Bouroullec ; Banquette Swan par Arne Jacobsen, Circa 1957
Cet escalier conduit à un demi-niveau occupé par le bureau de l’une des deux propriétaires. À cet endroit, le plafond s’élève jusqu’au toit de l’atelier, offrant d’intéressants volumes sous pente.
Tout à coup, le vert-de-gris des murs se mue en un pan anis qui met en lumière cette œuvre photographie grand format appartenant à la collection des propriétaires.
Dans ce bureau/salon, le grand bureau est un recyclage de la table de salon du précédent appartement. Eric Gizard a dessiné des bibliothèques sur lesquelles trônent des tableaux. Sur la droite, on distingue une photo de branches encadrée. Elle est signée par l’architecte d’intérieur, coloriste et designer de mobilier, également photographe épris de nature à ses heures.
Si, au lieu de monter à la mezzanine, on emprunte l’escalier qui descend sous le pan de mur anis, on rejoint un autre bureau, dédié à la seconde propriétaire. « Toutes deux disposent de leur pièce pour pouvoir s’isoler et s’adonner quand elles le veulent à leurs diverses activités créatives. L’une écrit, l’autre peint », explique Eric.
Cette pièce a été meublée avec une banquette scandinave mid-century, que la propriétaire a fait recouvrir d’un tissu Pierre Frey et d’une table basse en tôle perforée signée par le designer Mathieu Matégot. Les bibliothèques et la mise en couleur sont signées par Eric Gizard tandis qu’une pièce digne d’un musée crée une tablette filante où des magazines ont été oubliés : « Elles m’ont racheté cette table basse que j’avais trouvée il y a longtemps chez un antiquaire, un meuble-sculpture que je n’arrivais pas tellement à utiliser et qui a bien trouvé sa place ici », explique Eric Gizard.
Nous regagnons le palier pour attraper la seconde volée de marches de l’escalier principal. Il nous conduit au deuxième étage, où se trouvent les chambres.
En haut de l’escalier cet autre palier a été meublé avec quelques belles pièces figurant dans l’ancien appartement des propriétaires : un cabinet haut sur pattes, une ancienne malle militaire en bois, un lampadaire gracile en métal noir.
Lampe : DCW éditions
Lampe : DCW éditions
La « master bedroom », comme l’appelle Eric, a été traitée en un bleu grisé très doux et plafond vert-de-gris formant un ensemble harmonieux avec le plancher en chêne très clair et la literie en lin.
De part et d’autre de la chambre, Eric a créé des dressings avec des prises de main intégrées qui animent les murs de leurs formes graphiques. Deux suspensions PostKrisi en fibres de verre et intérieur doré à l’or, réalisées par le designer Enzo Catellani, ajoutent une touche bijou au lieu.
Cette porte donne accès à la salle de bains privée de la suite parentale.
Le gris sage et l’aménagement d’une grande simplicité sont tout à coup bousculés par le corail intense du plafond, une des fantaisies picturales qu’affectionne Eric Gizard. « J’ai eu idée de cette couleur en raison de deux meubles colonnes Boffi que possédaient déjà les propriétaires », nous glisse-t-il.
La surprise se reproduit dans la seconde chambre où le regard glisse du bleu gris très doux des murs à l’intense bleu roi du plafond. Une tension picturale qui prend appui sur celle de l’ameublement, juxtaposant un linteau de porte du XVIIIe siècle et une tête de lit exotique réalisée avec un paravent en osier, des lampes en papier à une chaise en osier à la forme remarquable.
« Vivre un lieu, c’est le découvrir en journée, mais également se coucher et prendre le temps de regarder le plafond, noter le changement de la teinte d’un mur en fonction du jour où de la nuit : ça va bien au-delà d’un effet waouh tapageur et immédiat. La lenteur permet d’apprécier les nuances subtiles d’un lieu, c’est la richesse de ces nuances que je cherche toujours à mettre en valeur dans mon travail et en particulier dans cette maison », conclut Eric Gizard.
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avec sa table et ses chaises de jardin, avec des arbres au fond d’une cour, non loin de Bréguet-Sabin. Un petit jardin tellement bien caché, qu’il avait par chance échappé à la construction d’un souterrain ou au parking d’un centre urbain.