Aparté : Un entretien privilégié avec le bédéaste Alfred
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Soyons honnêtes. Admettons une bonne fois pour toutes que beaucoup d’auteurs font souvent preuve d’un altruisme inversement proportionnel à leur talent. C’est un fait, hélas. On ne compte plus dans les allées de n’importe quel salon du livre les génies totalement infects, les philanthropes à la plume désastreuse, et encore moins ceux qui cumulent ces deux défauts.
Le miracle se produit pourtant parfois, et c’est le cas avec Alfred. Un sacré cas. Comme tous les dessinateurs de bande dessinée, Alfred court beaucoup, il est éternellement en bouclage – ici d’un album avec Brigitte Fontaine ou Olivier Ka, là d’un roman graphique devant faire suite à son album Come Prima qui lui a valu le Fauve d’or au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême. Et si ce n’est pas un livre qui le fait courir, c’est le monde. Une fuite à Venise, un voyage en Asie… Alfred est éternellement en transit ainsi qu’il aime à le dire, insaisissable comme la poésie fragile de ses dessins. Et pourtant. Quand enfin vous le retrouvez, en tête-à-tête chez lui, en plein centre de Bordeaux, il est bien là. Disponible, convivial, généreux. Car Alfred possède, en plus d’une simplicité désarmante, ce don qui caractérise les artistes d’exception, cette capacité à être pleinement au monde et aux gens qu’il reçoit. Il accueille, il écoute, il s’adapte. Il est chaleureux, profondément humain, et son appartement est à son image. Plein de lumière, débordant d’images et embaumé d’une odeur comme il n’en flotte d’ordinaire qu’en Italie.
Pour célébrer la présence d’auteurs de renom sur Houzz, nous offrons à tous nos lecteurs la chance de gagner un bon d’achat de 50 euros, valable chez Drawer. Le gagnant du tirage au sort du reportage chez Alfred a été annoncé : félicitations à Jacob Kaminski
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Quel effet ça fait de devenir propriétaire quand on a comme toi toujours la bougeotte ?
Je m’en suis fait pendant longtemps une montagne avec cette idée, un peu bête, qu’être propriétaire signifiait ne plus pouvoir bouger, être coincé. J’ai toujours eu le besoin de ne pas m’entraver, de conserver l’impression de pouvoir tout lâcher du jour au lendemain. Jusqu’au jour où je me suis aperçu que cela n’empêchait rien, au contraire.
Je m’en suis fait pendant longtemps une montagne avec cette idée, un peu bête, qu’être propriétaire signifiait ne plus pouvoir bouger, être coincé. J’ai toujours eu le besoin de ne pas m’entraver, de conserver l’impression de pouvoir tout lâcher du jour au lendemain. Jusqu’au jour où je me suis aperçu que cela n’empêchait rien, au contraire.
Je crois que je n’ai jamais autant voyagé – comme être parti vivre en Italie des années, ou comme ce tour du monde que nous avons réalisé l’année passée en famille – que depuis que je suis propriétaire. Et père également (rires). Je suis rassuré. J’ai le sentiment, que ce soit pour mon appartement ou mon atelier, de disposer de refuges qui justement rendent tous les départs possibles. J’ai toujours un endroit où revenir.
Comment es-tu arrivé dans ce logement ?
Lorsque je suis rentré de Venise après plusieurs années, j’ai séjourné en location dans l’appartement auparavant occupé par un camarade dessinateur. Nous nous y sommes installés, sans l’avoir au préalable visité, et il se trouvait dans une zone assez éloignée du centre. Or, depuis dix-sept que je vis à Bordeaux, j’ai souvent déménagé mais toujours habité le quartier Saint-Michel. Je me sens bien dans ce coin. Nous avons alors vite cherché à nous en rapprocher.
Lorsque je suis rentré de Venise après plusieurs années, j’ai séjourné en location dans l’appartement auparavant occupé par un camarade dessinateur. Nous nous y sommes installés, sans l’avoir au préalable visité, et il se trouvait dans une zone assez éloignée du centre. Or, depuis dix-sept que je vis à Bordeaux, j’ai souvent déménagé mais toujours habité le quartier Saint-Michel. Je me sens bien dans ce coin. Nous avons alors vite cherché à nous en rapprocher.
Jusqu’à il y a peu, le quartier allait moins vite que les autres parties de la ville en termes de restructuration, de gentrification. C’était également, et ça l’est encore un peu, un lieu de métissage. J’ai besoin de vivre dans des lieux où les confrontations de cultures, de modes de vie sont encore possibles. Il y a aussi que j’ai longtemps aimé vivre la nuit, et Saint-Michel est très animé à partir de la tombée du jour.
Comment l’appartement était-il à votre entrée ? Y as-tu réalisé beaucoup de travaux ?
Nous avons eu un coup de cœur dès la première visite. Avec son côté de guingois, il avait un charme quasi vénitien. Mais il était plutôt nu. Il n’y avait pas de cuisine notamment.
Nous avons eu un coup de cœur dès la première visite. Avec son côté de guingois, il avait un charme quasi vénitien. Mais il était plutôt nu. Il n’y avait pas de cuisine notamment.
Nous avons donc dû entièrement repenser les espaces, ce qui m’allait très bien. C’est indispensable pour moi, j’ai besoin de m’impliquer physiquement, d’injecter de ce que je suis dans les lieux où je suis amené à vivre. Y réaliser des aménagements, y construire des meubles. Avec l’aide d’un ami menuisier qui réfléchit beaucoup aux besoins dans les espaces, nous avons ainsi bougé des cloisons, dessiné la cuisine. Nous avons rétréci la salle de bains et tombé un grand placard pour gagner de l’espace afin d’installer notre chambre. Nous avons transformé un ancien dressing en chambre d’enfant. Nous avons beaucoup construit – en bois exclusivement, car c’est un matériau que j’apprécie par-dessus tout.
Les modifications se sont faites également dans des détails. Comme changer le sens d’une porte. Je suis très sensible aux questions de circulation dans un espace. Peut-être est-ce dû à mon travail. Faire de la bande dessinée, c’est aussi penser l’organisation d’une page, des cases entre elles, c’est bâtir des liens narratifs entre les images. J’aime, quand j’entre quelque part, que les lieux me racontent une histoire. Par exemple, je ne pouvais pas imaginer disposer les bibliothèques dans la pièce de vie. Choisir un livre demande de pouvoir s’isoler.
Beaucoup de livres donc, mais pas de table à dessin…
Effectivement. Cela fait plusieurs années que je travaille en atelier et j’en suis très heureux. Je saturais de vivre continuellement au milieu des brouillons de dessins étalés partout, des pots de couleur envahissant tout. J’étouffais. L’atelier est à trois minutes à pied de chez moi et cela suffit pour séparer un minimum les choses, me couper mentalement de mon travail.
Effectivement. Cela fait plusieurs années que je travaille en atelier et j’en suis très heureux. Je saturais de vivre continuellement au milieu des brouillons de dessins étalés partout, des pots de couleur envahissant tout. J’étouffais. L’atelier est à trois minutes à pied de chez moi et cela suffit pour séparer un minimum les choses, me couper mentalement de mon travail.
Ce qui ne m’empêche pas de dessiner parfois au bureau de ma fille ou sur la table de la cuisine. J’ai une boîte pleine de crayons et une petite table lumineuse dissimulée dans mes affaires...
Tu as grandi dans les Cinque Terre, tu as vécu plusieurs années à Venise… L’Italie a-t-elle une place dans ton appartement ?
L’Italie, elle est beaucoup en cuisine. Le placard au-dessus de l’évier par exemple, il y en a des semblables partout là-bas, ce qui avait dérouté le menuisier, avec qui nous avons travaillé à l’aménagement de l’appartement. Il ne comprenait pas pourquoi j’insistais pour qu’il réalise un étendoir à vaisselle en hauteur.
L’Italie, elle est beaucoup en cuisine. Le placard au-dessus de l’évier par exemple, il y en a des semblables partout là-bas, ce qui avait dérouté le menuisier, avec qui nous avons travaillé à l’aménagement de l’appartement. Il ne comprenait pas pourquoi j’insistais pour qu’il réalise un étendoir à vaisselle en hauteur.
Après, ça passe essentiellement par de petits objets. J’ai ainsi accroché au mur le dessin d’un petit garçon acheté juste avant de quitter Venise. J’en ai fait l’acquisition dans le cadre d’une exposition organisée dans le café où je prenais chaque jour mon premier expresso de la journée. J’y suis allé boire un dernier verre avant de regagner la France et j’ai eu envie de ramener avec moi quelque chose de cet endroit. Ça a été ce petit dessin sur bois, signé d’une jeune illustratrice italienne que je n’ai jamais rencontrée.
Plus généralement, chaque fois que je me rends dans un lieu qui compte, il faut que j’en rapporte quelque chose à poser sur un bureau ou une étagère.
Cela peut être n’importe quoi, même si ce sont souvent des images. C’est une manière de construire et faire évoluer un univers, un peu comme un décor de théâtre.
Est-ce compliqué pour toi de choisir quoi afficher aux murs ?
Disons que je change souvent. J’ai des cartons remplis de dessins, des cadeaux de copains ou des originaux échangés avec d’autres dessinateurs. J’ai besoin autant d’avoir des dessins au mur que de voir ce paysage souvent se modifier.
Disons que je change souvent. J’ai des cartons remplis de dessins, des cadeaux de copains ou des originaux échangés avec d’autres dessinateurs. J’ai besoin autant d’avoir des dessins au mur que de voir ce paysage souvent se modifier.
Il y a seulement un ou deux cadres auxquels je ne touche jamais. Comme un original du dessinateur italien Lorenzo Mattotti, une vue de Venise que j’ai accrochée dans un endroit de passage, ce qui me permet de m’y arrêter au moins une fois par jour pour la contempler…
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