Portrait d'artisan : Millie Baudequin, enchanteresse de la nature
Découvrez le parcours passionné d'une créatrice textile habitée par la nature et à la recherche de formes vivantes
Millie Baudequin a grandi à Lunéville, près de Nancy, une région de filatures où la création textile a occupé une place majeure depuis le XVIIIᵉ siècle avec un âge d’or dans les années 30. Millie a toujours vu sa mère coudre. Sa tante, quant à elle brodeuse professionnelle, travaillait pour des marques de haute couture telle Chanel. Elle réalisait des galons en « broderie de Lunéville », un type d’ouvrage particulier réalisé à la main au crochet sur un métier et qui consiste notamment à enrichir un textile avec des perles, des paillettes. « Un tiroir de la maison était rempli d’échantillons de ses broderies. Je les trouvais magnifiques », se rappelle-t-elle.
betula (ciel de lit)
Le déclic artistique
Un jour qu’elle se promène avec son mari Christophe près du lac de Pierre-Percée dans sa région natale de l’est de la France, elle a un vrai déclic : « C’était l’automne, les arbres au bord du lac étaient jaune doré, solaires. J’ai eu envie de faire un arbre jaune. » C’est ainsi qu’est née l’idée de créer des structures décoratives en 3D inspirées de la nature. « La nature est la première créatrice. Lorsqu’on a fait des études d’art, on aime regarder sans fin cette source d’inspiration : les textures, les couleurs, les harmonies, la lumière dans les feuilles. Quand je cherche à me faire du bien, je vais toujours me promener en forêt. C’est un processus complet. Pas étonnant que mon point de départ artistique se situe dans une interprétation de la nature », décrypte Millie.
Un jour qu’elle se promène avec son mari Christophe près du lac de Pierre-Percée dans sa région natale de l’est de la France, elle a un vrai déclic : « C’était l’automne, les arbres au bord du lac étaient jaune doré, solaires. J’ai eu envie de faire un arbre jaune. » C’est ainsi qu’est née l’idée de créer des structures décoratives en 3D inspirées de la nature. « La nature est la première créatrice. Lorsqu’on a fait des études d’art, on aime regarder sans fin cette source d’inspiration : les textures, les couleurs, les harmonies, la lumière dans les feuilles. Quand je cherche à me faire du bien, je vais toujours me promener en forêt. C’est un processus complet. Pas étonnant que mon point de départ artistique se situe dans une interprétation de la nature », décrypte Millie.
Un buisson habité
« Vous allez peut-être me trouver nunuche, mais j’ai eu envie de créer un buisson habité », poursuit-elle. « À l’époque, j’étais enceinte de ma fille, je me sentais une âme d’enfant, un regard neuf. Je voulais retrouver ce moment d’émerveillement et de communion que j’avais senti en voyant des oiseaux sur ces branches. » Mais qui oserait trouver Verlaine ou Apollinaire nunuches dans leurs évocations de l’automne si simples, touchantes, poétiques ?
« Vous allez peut-être me trouver nunuche, mais j’ai eu envie de créer un buisson habité », poursuit-elle. « À l’époque, j’étais enceinte de ma fille, je me sentais une âme d’enfant, un regard neuf. Je voulais retrouver ce moment d’émerveillement et de communion que j’avais senti en voyant des oiseaux sur ces branches. » Mais qui oserait trouver Verlaine ou Apollinaire nunuches dans leurs évocations de l’automne si simples, touchantes, poétiques ?
vitis (installation détail)
La mise en œuvre
Le processus créatif a commencé par un dessin pour celle qui n’a jamais cessé de dessiner. Elle tenait à un modèle original. « Je suis partie des feuilles d’une vraie plante et j’ai exploré Google Images à la recherche d’un oiseau qui me plaise : j’ai voulu reproduire un colibri car c’est une petite merveille de la nature. Le plus gracieux, le plus coloré. » Quand les gens lui demandent si elle a choisi les colibris en référence au mouvement altermondialiste éponyme, ça la fait sourire. « Mon engagement n’est pas politique mais artisanal. J’œuvre dans l’amour des choses vraies, bien faites, qui illustrent le patrimoine français. »
Le processus créatif a commencé par un dessin pour celle qui n’a jamais cessé de dessiner. Elle tenait à un modèle original. « Je suis partie des feuilles d’une vraie plante et j’ai exploré Google Images à la recherche d’un oiseau qui me plaise : j’ai voulu reproduire un colibri car c’est une petite merveille de la nature. Le plus gracieux, le plus coloré. » Quand les gens lui demandent si elle a choisi les colibris en référence au mouvement altermondialiste éponyme, ça la fait sourire. « Mon engagement n’est pas politique mais artisanal. J’œuvre dans l’amour des choses vraies, bien faites, qui illustrent le patrimoine français. »
Se former encore
La création de son arbre jaune lui a demandé beaucoup d’essais : « J’ai tâtonné pour les structures, d’abord en bois flotté entouré de lanières de lin. J’ai eu des frustrations avec les branches rigides qui se cassaient. » En revanche, pour les feuilles, le textile s’est rapidement imposé comme sa matière de prédilection. « J’ai eu envie de marquer le tissu, de créer des pleins et des vides. J’ai commencé simplement à l’aiguille, mais ça n’allait pas assez vite. J’ai alors pensé à ce que j’avais vu dans mon enfance, à la broderie de Lunéville. » Millie a donc fait un retour aux origines. Pendant une année, elle s’est formée en cours du soir à cette technique de broderie auprès d’un expert de la maison Lesage, à Paris, l’héritière de ce savoir-faire. « La broderie de Lunéville a toujours eu comme destination naturelle la mode, l’embellissement du corps, mais ce qui m’intéressait était le rapport à l’espace », explique-t-elle.
La création de son arbre jaune lui a demandé beaucoup d’essais : « J’ai tâtonné pour les structures, d’abord en bois flotté entouré de lanières de lin. J’ai eu des frustrations avec les branches rigides qui se cassaient. » En revanche, pour les feuilles, le textile s’est rapidement imposé comme sa matière de prédilection. « J’ai eu envie de marquer le tissu, de créer des pleins et des vides. J’ai commencé simplement à l’aiguille, mais ça n’allait pas assez vite. J’ai alors pensé à ce que j’avais vu dans mon enfance, à la broderie de Lunéville. » Millie a donc fait un retour aux origines. Pendant une année, elle s’est formée en cours du soir à cette technique de broderie auprès d’un expert de la maison Lesage, à Paris, l’héritière de ce savoir-faire. « La broderie de Lunéville a toujours eu comme destination naturelle la mode, l’embellissement du corps, mais ce qui m’intéressait était le rapport à l’espace », explique-t-elle.
Suspension "Pachira", détail
Âme sœur
Son mari Christophe, ingénieur de son métier, fait pleinement partie du processus créatif de Millie. Il l’a même aidée à peaufiner ses structures. Tous deux se sont formés ensemble à la soudure et se sont lancés dans la fabrication de branchages en laiton. « C’est grâce à son regard que j’ai réussi à trouver mon écriture. Il m’a épaulée à chaque étape de ma reconversion et m’a encouragée. Son regard bienveillant m’a donné confiance dans le regard des autres vis-à-vis de ma création et m’a aidée à me dépasser », affirme Millie pour lui rendre hommage.
Son mari Christophe, ingénieur de son métier, fait pleinement partie du processus créatif de Millie. Il l’a même aidée à peaufiner ses structures. Tous deux se sont formés ensemble à la soudure et se sont lancés dans la fabrication de branchages en laiton. « C’est grâce à son regard que j’ai réussi à trouver mon écriture. Il m’a épaulée à chaque étape de ma reconversion et m’a encouragée. Son regard bienveillant m’a donné confiance dans le regard des autres vis-à-vis de ma création et m’a aidée à me dépasser », affirme Millie pour lui rendre hommage.
Olea, lampe à poser
Les lampes-fleurs
Leur fille Aliette – dont le prénom signifie « celle qui a des ailes » – compte aussi beaucoup dans le cheminement de l’artisan. Il y a un an, elle a voulu réaliser une lampe pour la chambre de la fillette et de là est née l’idée de la série enchanteresse des lampes-fleurs. Réalisées comme des pièces uniques ou en toutes petites séries, elles demandent chacune trois à dix jours de travail à plein temps, selon leur taille : « Il n’y a pas moins de 150 pétales pour une petite lampe, 350 pour une moyenne, tous réalisés un par un à la main ! »
Leur fille Aliette – dont le prénom signifie « celle qui a des ailes » – compte aussi beaucoup dans le cheminement de l’artisan. Il y a un an, elle a voulu réaliser une lampe pour la chambre de la fillette et de là est née l’idée de la série enchanteresse des lampes-fleurs. Réalisées comme des pièces uniques ou en toutes petites séries, elles demandent chacune trois à dix jours de travail à plein temps, selon leur taille : « Il n’y a pas moins de 150 pétales pour une petite lampe, 350 pour une moyenne, tous réalisés un par un à la main ! »
Lampe à poser "Olea", détail.
Les séquences de la création
Pour décrire plus en détail le travail de l’artisan, cette dernière trace d’abord son motif, qu’elle souhaite le plus vivant possible. Son envie de réinterprétation de la nature la pousse à travailler en 3D, à donner du volume au textile. Pour cela, elle choisit du coton teint biologiquement qu’elle encolle avec une seconde toile. Comme dans la mode, ou la chapellerie, Millie cherche à armer le tissu afin de lui donner de la rigidité. Chaque feuille est ensuite tracée par une broderie au point de bourdon, puis découpée à la main de façon à ce qu’elle ne s’effiloche pas dans le temps.
« Pas question de faire quelque chose de non durable ou pas pratique », insiste-t-elle. « Je choisis même des textiles avec une enduction acrylique, ce qui permet de les nettoyer facilement. »
Pour décrire plus en détail le travail de l’artisan, cette dernière trace d’abord son motif, qu’elle souhaite le plus vivant possible. Son envie de réinterprétation de la nature la pousse à travailler en 3D, à donner du volume au textile. Pour cela, elle choisit du coton teint biologiquement qu’elle encolle avec une seconde toile. Comme dans la mode, ou la chapellerie, Millie cherche à armer le tissu afin de lui donner de la rigidité. Chaque feuille est ensuite tracée par une broderie au point de bourdon, puis découpée à la main de façon à ce qu’elle ne s’effiloche pas dans le temps.
« Pas question de faire quelque chose de non durable ou pas pratique », insiste-t-elle. « Je choisis même des textiles avec une enduction acrylique, ce qui permet de les nettoyer facilement. »
Lampe à poser "Olea"
Millie réalise les structures des pièces uniques, mais délègue désormais les carcasses des petites séries à une entreprise artisanale française labellisée EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant). Une fois l’entoilage et la broderie réalisés, chaque feuille doit être fixée à la carcasse au moyen de minuscules branches de métal fabriquées par l’artisan. « Ces petites branches sont comme une sorte de couture de métal sur la carcasse. Ensuite les feuilles qui se présentent comme de minuscules sachets sont enfilées dessus une à une. Ainsi, toute la structure reste souple et en volume. »
Spica, lampe à poser
Les piétements en chêne brut sont réalisés par le mari de Millie ainsi que les systèmes électriques de chaque lampe : « Il faut sculpter chaque morceau de bois pour intégrer discrètement l’interrupteur. Tout est entièrement personnalisable », poursuit-elle. La dernière étape consiste à nommer la création : « Ce n’est pas difficile, je donne le nom latin de la plante que j’ai choisie comme point de départ : la lampe Olea évoque l’olivier, la structure Betula est basée sur des feuilles de bouleau. La lampe Spica évoque les épis de blé couchés par le vent. » C’est beaucoup plus difficile de fixer un prix : dès 200 euros pour une petite lampe, 500 pour une pièce d’exception.
Lampe à poser "Olea" (moyenne)
La philosophie
D’essais en répétitions, Millie a désormais des structures végétales et des lampes-fleurs plein sa maison de Meudon, où elle vit et travaille. Cette année, elle a décidé de se « jeter à l’eau de façon professionnelle », ce qui s’est concrétisé par sa présence sur le salon Maison&Objets. « Ma plus grande crainte était de ne pas être dans l’air du temps avec mes couleurs, mes formes. Je suis constamment les tendances pour être au fait des couleurs. La vague scandinave avec sa simplicité des formes est depuis plusieurs années un courant qui m’inspire », explique Millie.
D’essais en répétitions, Millie a désormais des structures végétales et des lampes-fleurs plein sa maison de Meudon, où elle vit et travaille. Cette année, elle a décidé de se « jeter à l’eau de façon professionnelle », ce qui s’est concrétisé par sa présence sur le salon Maison&Objets. « Ma plus grande crainte était de ne pas être dans l’air du temps avec mes couleurs, mes formes. Je suis constamment les tendances pour être au fait des couleurs. La vague scandinave avec sa simplicité des formes est depuis plusieurs années un courant qui m’inspire », explique Millie.
Olea, lampe à poser
« Plus jeune, je faisais des œuvres pour moi et peu importait si elles atterrissaient au bout du compte dans le garage. Aujourd’hui, je travaille pour des créations qui n’ont pas vocation à m’exprimer moi, mais à avoir une existence propre et une utilité chez les gens. C’est toute la différence entre l’art et l’artisanat. »
Entre 2009, l’année où a germé son projet de reconversion, et 2015, où elle a pris son immatriculation à la chambre des métiers pour devenir artisan, Millie a parcouru un long chemin artistique et personnel. Sa persévérance force le respect, son talent l’admiration. La chambre des métiers de l’artisanat lui a d’ailleurs décerné d’emblée le prix « Jeunes talents » et l’a invitée en tant que lauréate à participer au Carrousel des métiers d’arts et de la création au Louvre, du 1er au 4 décembre prochains. Un rendez-vous à ne pas manquer !
ET VOUS ?
Que pensez-vous des réalisations de Millie Baudequin ?
Découvrez d’autres portraits d’artisan
Découvrez d’autres idées pour jouer avec les textiles dans votre intérieur
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Petite, Millie n’était pas attirée par la broderie mais dessinait sans relâche, au point de s’orienter vers des études artistiques, brillamment couronnées par une agrégation. Mais devenue professeur d’arts plastiques en région parisienne, Millie s’est ennuyée. Il n’y avait pas assez de création dans cette vie. Elle s’est inscrite dans une école d’architecture pour explorer la dimension spatiale qui l’intéressait également tout en rêvant de davantage d’accomplissement.
Durant ses années d’études, Millie a pratiqué des médias classiques, la peinture notamment, dont elle a toujours gardé un intérêt pour le travail des couleurs et leurs alliances. Plus tard, pendant sa préparation aux concours, elle s’est tournée vers la sculpture textile avec déjà la réalisation d’une suspension : « À l’époque, je pratiquais l’art et non le design. Mes projets n’étaient pas utilitaires. J’explorais les techniques artistiques sans me placer du côté du besoin des gens. »